3 les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

Publié par Georges DODEMAN

Au fil des trente dernières années l'association des familles Dodeman a effectué beaucoup de recherches sur ses ancêtres. Recherches consignées dans plus de 90 bulletins, édités 3 fois l'an.

Nous avons voulu avec ce blog faire profiter les adhérents de l'association mais aussi les non adhérents du fruit de notre travail.

Vous trouverez ci-après des tableaux qui vous permettront de faciliter vos recherches avec des classements par départements, par communes, par thème avec indication d'un numéro de bulletin.

Après avoir fait votre choix, vous pourrez découvrir ci-aprés des extraits de bulletins

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50
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3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

Bulletin n° 9 de décembre 1992 - François DODEMAN, officier de l'empereur.  (Communiqué de Guy DODEMAN de Granville)

Guy DODEMAN, de Granville, nous a communiqué un épais dossier sur un avranchinais, François DODEMAN (1775-1813) qui servit près de la moitié de sa vie dans les armées de la République et de l'Empire et mourut sur le champ de bataille de Leipzig

Pour retracer sa carrière, quoi de mieux que de transcrire la lettre qu'il adressait à « son Excellence Monseigneur le Ministre de la guerre en 1812.

Monseigneur,

« François DODEMAN sous-lieutenant à la 45e  cohorte du 1er bataillon de la Garde nationale de la 14e division militaire à l'honneur de vous exposer qu'il a servi comme sergent major dans le 4e bataillon de la Manche depuis le 1 août 1792 jusqu'au 30 janvier 1794. À cette époque, Il fut appelé en qualité d'officier de santé dans les armées de la Moselle du Danube où il a servi pendant 5 ans et demi jusqu'au 30 avril 1798 (13 fructidor an 7). Passé à l'armée du Rhin le 10 prairial an 7, Il y a servi jusqu'au 1er floréal an IX époque de son licenciement.

Le 1er mars 1807 fait il partit d'Avranches en qualité de sous-lieutenant de grenadiers des gardes nationales en activité pour la défense des côtes de Cherbourg. Le 28 mai suivant il fut nommé lieutenant dans cette compagnie en vertu du brevet de S.E. le ministre de l'Intérieur, Il resta dans ce corps jusqu'à son licenciement.

L'exposant désirant encore servir Sa Majesté Impériale se rendit au conseil de révision à Caen, Il ne fut finalement  porté sur le travail que comme sous-lieutenant.

Le sieur DODEMAN le consultant que son zèle et son amour pour sa Majesté Impériale et d'après les promesses flatteuses du Conseil de révision qui lui faisait espérer la place de lieutenant à provisoirement rempli les fonctions de sous-lieutenant depuis le 19 avril jusqu'à ce jour en commandant au camp de Cherbourg la 2e compagnie de la 45e cohorte, il était seul charger des détails de l'instruction et de la comptabilité en l'absence du capitaine qui resta à Caen chargé de l'habillement des cohortes de la 14e division militaire.

 L'exposant ayant l'honneur d'observer à votre Excellence qu'il y a encore deux places de lieutenant vacantes dans la 45e cohorte vous supplie Monseigneur, de daigner le proposer à Sa Majesté Impériale pour remplir un. Ses services militaires et ses campagnes lui assurent quelques droits à la faveur qu’il sollicite. »

Le Général de division à porté en marge de la pétition :« Cet officier, par ses bonnes qualités et ses moyens, a infiniment droit à la bienveillance de son Excellence  Il seroit très préférable a beaucoup de lieutenants des cohortes. »

EPILOGUE : 

Par décret du 28 janvier 1813, François DODEMAN est nommé lieutenant dans la 45e cohorte, 138e régiment d'infanterie. Engagé avec son régiment à la bataille de Leipzig du 16 au 19 octobre 1813, il mourut le 17 octobre « par suite de blessures reçues le jour même ». Le 18 trahi par ses alliés Saxons, Napoléon décidait la retraite.Il avait perdu soixante mille hommes et l'Allemagne.

L'acte de décès de François DODEMAN fut transcrit « par ordre de son Excellence le Ministre de la Guerre » sur le registre d'état-civil d'Avranches le 30 décembre 1815.

Bulletin n° 10 de mars 1993 - Pierre Gabriel DODEMAN, un remplaçant chanceux au temps des guerres napoléoniennes (communication de Yves Dodeman)

Sous l'Empire, la conscription était  tempérée par le tirage au sort et le remplacement. Ainsi celui que le hasard avait épargné pouvait-il s'engager - en général moyennant finances -  à la place d'un "fils à papa" qui avait tiré le mauvais numéro.

Un contrat était alors rédigé en bonne et due forme, comme celui que nous avons retrouvé aux archives départementales de la Manche, dans les minutes de Louis Alexis Bisson, notaire impérial à la résidence de Sartilly, en date du 27 décembre 1813.

Pierre Gabriel DODEMAN, maçon, fils majeur de 26 ans, de Pierre et Angélique Poussin, né et domicilié à Champcey s'est engagé à "remplacer"  le sieur Gautier... conscrit pour 1816 pour autant de temps et dans l'armée soit de terre ou de mer que ledit sieur Gautier serait obligé si toutefois cela a lieu, de servir l'État.

Nous sommes en 1813. La guerre dure pratiquement sans interruption depuis 20 ans. Plusieurs centaines de milliers de jeunes français sont déjà morts sur les champs de bataille de l'Europe. Voici le montant de la prime de risque : "...le dit sieur Gautier père promet et s’oblige   1- payer annuellement audit DODEMAN ou à ses représentants deux cent francs de rente perpétuelle à commencer par courir au jour du départ dudit  DODEMAN si toutefois il ait lieu... 2- lui fournir un sac conformément à la loy 3-payer les frais de l’acte ».

Pierre Gabriel DODEMAN a de la chance, mais il ne sait pas encore. Il ignore en effet qu'en 1816, lorsqu'il prendra la place du jeune Gautier, la France rentrée dans les limites de son hexagone, sera en paix avec ses voisins. Le débonnaire Louis XVIII aura remplacé le Dieu des Armées, devenu un dieu désarmé sur son rocher de Sainte-Hélène.

Bulletin n° 10 de mars 1993 Une dynastie de DODEMAN artificiers du roi à Paris au XVIII e siècle (par Yves DODEMAN)

Les « feux artificiels » apparus dans la deuxième moitié du 16e siècle, puis perfectionnés au 17e siècle, ont modifié la pratique des réjouissances publiques. Au 18e siècle, le décor revêt une grande importance, les personnages mythologiques et les symboles se multiplient.

À Paris, les feux étaient tirés principalement place de Grève (actuelle place de l'hôtel-de-ville) et sur la Seine, face au Louvre. L'emplacement du feu étant choisi, le bureau de la ville convoquait les artificiers et leur demandait des plans. Il désignait parfois également des artistes de renom pour le décor. La somptuosité du monument dépendait de l'importance de celui que l'on honorait : le Roi,  le Dauphin, un Ambassadeur, la Saint-Jean. Le dessin adopté, l'architecte de la ville intervenait, puis le maître charpentier et enfin les peintres décorateurs et les artificiers. Nous avons retrouvé à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (référence 131501) une plaquette intitulée « Description historique de l'édifice que les Sieurs Guerin père et fils, Testard et DODEMENT, artificiers du Roy, auront l'honneur de présenter pour bouquet à Sa Majesté, à la fête de la Saint-Louis 1741.

Le rédacteur de la plaquette précise que « cet édifice... d'une architecture singulière et de pure caprice a 103 pieds de hauteur depuis la surface de l'eau, 66 pieds de largeur par les deux grands côtés, qui regardent le Louvre et le Quai des Quatre-Nations, et 54 pieds par les deux autres.. » Ce DODEMENT est en réalité Etienne Michel DODEMAN, artificier ordinaire du Roi, capitaine conducteur et inspecteur des fêtes de l'Hôtel de Ville de Paris.

Etienne Michel DODEMAN

Il acheta son office de capitaine le 21 octobre 1736 (lettres de provision du 13 novembre 1736) pour le prix de 300 livres. Les gages attachés à cet office étaient de 80 livres par an (Archives nationales  et /XXXV/605). Etienne DODEMAN demeurait Quai Pelletier, paroisse Saint Gervais, dans une maison appartenant à la Fabrique de l'église paroissiale Saint-Nicolas-des-Champs. Ses magasins et ateliers étaient établis rue de la Voyerie, paroisse Saint Laurent. Il épousa Marie-Louise Leffroy dont il eut au moins un fils : Jean Marin qui deviendra, comme son père, artificier du roi.

Le 3 octobre 1722, Étienne DODEMAN, veuf depuis un mois, épouse Marie Desmoulin (contrat devant Me Larsonnyer, notaire à Paris) dont il aura au moins un fils, Jean-Étienne, qui deviendra, lui aussi artificier. Etienne DODEMAN décède dans sa maison le 17 octobre 1749. Un inventaire après décès est établi par Me Desneux le 22 octobre 1749 ( archives nationales et /LXXXII/295). Son épouse ne lui survivra que 2 ans. Elle meurt le 27 juillet 1751 (inventaire le 2 août 1751, , Archives nationales et /LXXXII/313).

Jean Marin DODEMAN

Nous avons acquis récemment, aux enchères à l'hôtel Drouot, l'original de la « Commission d’artificier » du « Sieur Jean Marin Daudemant » signée à Marly, le 23 mai 1751 par Louis Charles de Bourbon comte d’Eu, duc d’Aumale etc. en tant que Grand Maître capitaine Général de l'Artillerie de France, charge qui le mettait en droit « d'établir dans le Royaume telles personnes que nous voudrons choisir pour y faire des artifices et y tenir boutiques et enseignes ».

Poursuivons la lecture de ce document : «   étant bien informé de la capacité et expérience en la composition des artifices du sieur Jean-Marin Daudemant. Nous avons bien voulu luy accorder notre Commission de artificier à Paris. pour exercer lad(it)e profession dans la ville et fauxbourgs de Paris..  à condition qu'il ne fera sa demeure et ne tiendra magasin dans aucun des endroits prohibés.. »

L'enregistrement au Greffe du Bailliage de l'artillerie de France le 24 avril 1752 précise certaines mesures de sécurité. «..ne faire travailler sous quelque prétexte que ce soit aucune personne à la composition et  fabrication des artifices ailleurs que dans son atellier et magazin (qui sera situé. hors des limites de la ville de Paris et isolé de toute part.. »

Jean-Étienne DODEMAN

Il succéda à son père dans l'office de capitaine conducteur des feux d'artifices de la ville de Paris le 30 décembre 1749 (Archives nationales Z/1h/311), ainsi que dans celui d'artificier ordinaire du Roi. Il fut désigné par acte notarié du 12 octobre 1772, « sindic et directeur » de l'Union des créanciers de l'entreprise du Colisée (Archives de Paris DC6/18 et DC6/19). Il épousa Jeanne-Louise Cailleux. Il habita d'abord rue Saint-Denis, Paroisse Saint-Janvier, puis dans l'appartement de son père Quai Pelletier ( paroisse Saint Gervais). Il eut au moins trois filles :

-Marie-Anne qui épousa Jean-Baptiste Bourbier, bourgeois de Paris, à Sceaux le 28 mai 1789 (contrat du 20 mai 1789)

-Louise Claude qui épousa Jean-Simon Pougnet, Maître orfèvre à Paris

-Victoire Françoise, qui épousa Louis Jean-Charles Chicquel, maître teinturier à Paris.

Jean-Étienne DODEMAN déposa son testament le 23 avril 1780 chez Me Lachaise, notaire à Paris (archives de Paris DC6/260) et mourut chez lui, le 1er mai 1782 (archives nationales Y/13006 : scellé).

 

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Bulletin n° 12 octobre 1993 - Abel DODEMAN héros de la Grande Guerre (1880-1915) (Communication de Yves Dodeman)  

«..Abel, Adolfe, Marie DODEMAN, sergent au 164 ème régiment d’infanterie, première compagnie.. décédé à la cote 221, sud-ouest de Warcq (Meuse) le 5 du mois d'avril à 10 heures, décédé sur le champ de bataille.. »

C'est ainsi que dans sa sécheresse administrative, fut transcrit à la mairie de Saint-Maurice (Val-de-Marne), le 26 mai 1915, l'acte de décès d’Abel DODEMAN, figure exemplaire de l'enseignement public, foudroyé en pleine jeunesse.

Abel DODEMAN naquit le 27 novembre 1880, dans le 6e arrondissement de Paris, rue de Sèvres n° 133, au domicile de ses parents, Adolphe Arsène, représentant de commerce, et Sophie Julia Jeanne Lainné.

La famille paternelle était originaire de l'Avranchin. C'est au milieu du XVIIIe siècle que Thomas DODEMAN, fils de Francois, quitte la Gohannière (à 10 km à l'est d'Avranches) pour s'installer à Sartilly où il épouse Magdelaine Pépin.

Moins d'un siècle et demi plus tard son descendant, Adolphe Arsène DODEMAN qui s'était engagé volontaire dans le 25e de ligne à Cherbourg en 1874, ayant été mis en congé en 1878, se trouve un emploi de représentant de commerce à Paris où il épousa bientôt Sophie Lainné, une granvillaise. De santé fragile (il avait été réformé en 1882 par suite de bronchite tuberculeuse chronique), il meurt prématurément à Paris le 14 janvier 1884, laissant sa veuve avec un enfant de 4 ans, le jeune Abel.

Après des études secondaires, Abel suis l'École Normale d'Auteuil. À sa sortie, il est nommé instituteur à Charenton où il prépare l'École Normale Supérieure de Saint-Cloud C'est au cours de ses études qu'il perd sa mère atteinte d'une cruelle maladie, le 6 juin 1906, à Saint-Maurice où elle demeurait avec son second mari, Victor Léon Lecointre. En sortant de Saint-Cloud en 1908, il est nommé professeur à l'École Normale de Mende où il se rend avec sa jeune femme, Jeanne Elmire Aimée Beaujouan qu'il vient d'épouser à Saint-Maurice le 4 août 1908.

Jeanne qui a 20 ans est native de Beaugency  (Loiret) C'est la fille d'un employé principal à la Compagnie des chemins de fer PLM. Le couple s'installe bientôt à Châlon où Abel est nommé professeur à l'École Normale en 1909. C'est là qu'il prépare l'examen d'inspecteur primaire. Vouziers est son premier poste d'inspecteur. Nous sommes en 1910. Il publie un fascicule annuel de géographie économique, collabore a des revues pédagogiques et prépare une histoire de la France en tableaux qui retient l'attention de l'illustre Lavisse.

Abel est un jeune homme plein d'avenir... Ameline, son camarade de chambre à Saint-Cloud le décrit ainsi : « le visage, sous les cheveux en brosse,  rayonnait de loyauté, de bonté, d'intelligence. Jamais je n'ai surpris chez lui, je ne dis point un sentiment bas, mais même une petitetesse, un mouvement d'irritation injustifié, un accès, si léger fût-il d'égoïsme ou de vanité. Il adorait ses fonctions si absorbantes et parfois si ingrates, à cause de tout le bien qu'il pouvait faire et de l'influence heureuse qu'elles lui permettaient d'exercer ».

Et puis tout bascule en juillet 1914. C'est l'attentat de Sarajevo, la mobilisation générale, la guerre.

«..vivante incarnation des plus incontestables vertus militaires, toujours pareil à lui-même avec son beau sourire, Son entrain, sa confiance, sa patience « de saint laïque », le sergent Abel DODEMAN fera  son devoir à la première compagnie du 164e de ligne ».

Jusqu'à ce jour fatidique du 5 avril 1915. Venant d'Herméville-en-Woëvre, Abel et ses hommes sont en position devant l'ouvrage ennemi de la côte 221 qui défend Warcq et la vallée de l'Orne (affluent de la Moselle).

L'ordre d'attaque est donné pour 18h. La première compagnie fait face à l'Est. Le sergent DODEMAN lance à ses hommes : « mes enfants avancez franchement et n'ayez pas peur ». Il n'avait pas fait 30 mètres qu’il était tué d'une balle en pleine tête, comme le poète Charles Péguy, six mois plus tôt.

Le 21 avril, Le sergent DODEMAN était cité à l'ordre de l'armée, et la médaille militaire lui était décernée à titre posthume.

Le nom d’Abel DODEMAN, inscrit sur le monument aux morts de Vouziers a été donné au principal groupe scolaire élémentaire de la commune.

Nous tenons à remercier M. Michel Baudier, maire de Vouziers qui a bien voulu communiquer à Guy DODEMAN des documents de première importance sur Abel DODEMAN ainsi qu’une étude qu’il a lui-même réalisée sur notre homonyme.

 

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Bulletin n° 15 de juillet 1994 Un DODEMAN à Vouziers en 1918 (par Yves DODEMAN)

Hasard de l'existence : trois ans après la mort d'Abel, un autre DODEMAN est blessé au combat dans la ville où Abel exerçait sa profession d'enseignant. Il s'agit de Gaston DODEMAN (Lorient 1887 Choisy-le-Roi 1952) dont les ancêtres paternels étaient natifs de Lolif.

Nous allons replacer cet événement dans son contexte historique en nous inspirant très largement du rapport sur les combats à Vouziers rédigé par le général Gouraud, commandant la 4e armée. À la suite de l'offensive entreprise par les Armées alliées, le 26 septembre 1918, sur le front de Champagne, la 4e armée avait atteint le 12 octobre le cours de l'Aisne sur tout son front. Il s'agissait maintenant de franchir la rivière en vue de continuer la progression dans la direction de Sedan et Mézières.

L'attaque confiée au 9e corps d'Armée était particulièrement difficile puisque il fallait d'abord franchir l'Aisne et le canal, puis traverser des prairies partiellement inondées, sur une largeur de 1 km et enfin gravir les pentes abruptes de l'Argonne et enlever la position "Hunding Stellung" solidement défendue par les Allemands.

Le 18 au petit jour, les 53e et 130e divisions franchissent par surprise l'Aisne sur un front de cinq kilomètres, s'emparent des villages de Vandy et de Chestres et prennent pied sur les hauteurs malgré une résistance acharnée de l'ennemi. La progression continue sur le plateau les 19 et 20. Les Allemands lancent en vain de violentes contre-attaques les 22 et 23. Le 24, l'ennemi repoussé sur toute la ligne doit laisser à la 4e armée sa tête de pont à l'est de Vouziers.

Le sous-lieutenant Gaston DODEMAN, commandant le détachement télégraphique de la 134e division est intoxiqué le 19 octobre à 11h au cours d'un bombardement à l'ypérite. Le 21 novembre 1918, le général Hilaire commandant la 134e DI, cite le s/s Lt DODEMAN à l'ordre de la division "  Etant chargé, lors du franchissement de l'Aisne à Vouziers d'assurer la liaison téléphonique en première ligne et de construire l'axe des liaisons a fait preuve d'une bravoure et d'une endurance au-dessus de tout éloge, en poussant son poste avancé sur la rive droite au contact même de l'infanterie, malgré les difficultés inouïes dues à l'inondation, aux mitrailleuses et à d'intenses bombardements toxiques ; à bien que, très éprouvé par l'ypérite, assuré sa mission pendant les 10 jours consécutifs d'engagement de la Division" (18 au 29 octobre1918).

Cette citation valut à Gaston DODEMAN une deuxième étoile d'argent sur sa croix de guerre.

Eglise St Maurille et la rue D. Guelliot sous l'occupation allemande, pendant la 1ère guerre Mondiale. Dessin de G. Colinet d'après L.R. Birnstengel ( publié par le "curieux Vouzinois" de juin 1993)

Eglise St Maurille et la rue D. Guelliot sous l'occupation allemande, pendant la 1ère guerre Mondiale. Dessin de G. Colinet d'après L.R. Birnstengel ( publié par le "curieux Vouzinois" de juin 1993)

Bulletin n° 16 d’octobre 1994Les Dodémont, famille notable au Pays de Liège

 Selon une tradition orale rapportée par Urbain Dodémont dans son ouvrage publié à Liège en 1937 : « D'Odémont , famille notable au pays de Liège » (réf. À la B.N. 8.M.25388), cette famille aurait pour origine deux gentilshommes tourangeaux qui se seraient installés dans la région après avoir participé à l'un des sièges de Maëstricht, au XVIe siècle;  Ils portaient « de sable à trois fleurs de lys d'argent posées deux et une »  Des traces écrites apparaissent en 1575 et 1577 lorsqu'Urbain Dodémont est cité dans l'obituaire (registre des décès) du chapitre de la Collégiale de la ville de Visé (province de Liège).

A cette époque les Dodémont exploitent la ferme du Temple à Visé et ils encaissent les cens, rentes et autres redevances dues aux propriétaires, les chevaliers de Malte. Ils y demeureront jusqu'à la fin du 18° siècle. Les recherches faites par Urbain Dodémont ont permis de distinguer 4 branches :

La branche de Visé

Visé est actuellement une petite bourgade touristique de 17000 h sur les bords de la Meuse, à 17km au nord de Liège.

I - Le chef de cette branche est Urbain, ou Dirick Urbain Dodémont, bourgmestre, procureur, gouverneur, du métier de cultivateur-vigneron, décédé en 1667, époux de Marie Risack dont un fils connu, qui suit :

II - Urbain né à Visé en 1604, exerce les fonctions de notaire et bourgmestre. Il épouse en 1636 à Visé, Anne Noppis. Ils ont au moins sept enfants. Trois garçons s'établiront à Liège où ils deviendront respectivement bourgeois, chapelain de Saint André et capitaine de Bourgeoisie.

Un garçon, Barthélémi, qui suit, restera à Visé :

III - Barthélémi, né en 1640 devient notaire, échevin puis bourgmestre, il épouse Anne Louise Lynothe en 1678.

IV - Urbain, né en 1678, conseiller, épouse Jeanne Oger.

V - Charles François, né en 1706, conseiller puis bourgmestre, épouse Marie Anne Bouhoulle.

VI - Urbain Charles Joseph, né en 1741, épouse Marie Barbe Lambert.

VII - François, né en 1775, épouse Marie Catherine Radoux.

VIII - Urbain Charles Joseph, né en 1818, épouse Marie Joséphine Frévez.

IX - Urbain Jacques Joseph, né en 1850, épouse Marie de Hareng en 1891.

X - Urbain Charles Joseph, secrétaire communal de Visé, né en 1893, épouse Léa Engrand à Grand Fort Philippe en 1916. C'est l'auteur de l'ouvrage sur la famille Dodémont ainsi que de « l'Histoire politique et administrative de la bonne ville de Visé sur Meuse... » 

XI - Urbain Léon Joeph né en 1921 à Visé.

Nous ne quitterons pas Visé sans noter l'existence au 17e siècle d'une deuxième branche qui n'a pu être raccordée à la précédente mais dont le rôle n'a pas été négligeable dans la vie sociale de cette petite ville.

I –Dirick, juré et gouverneur du métier de cultivateur, roi de la compagnie des « harquebusiers »  en 1603, épouse Jowette Dombrez (qui mourut en 1627)

IIa – Dirick se mit au service des Etats Généraux de Hollande à Maëstricht.

IIb – François, né et mort à Visé (1617 -1699), marié en 1653 avec Jeanne Lowette dont il eut 15 enfants, fut juré de métier et cinq fois bourgmestre de sa ville entre 1666 et 1688.

La branche de Richelle

Cette branche descend de Jean d'Odémont, mort en 1679, échevin et censier de la Cour des Temples à Visé qui épousa en 1638 Laurette de Wadeleux. Elle compte à chaque génération des échevins, greffiers de la cour de justice, avocats, jurisconsultes et mayeurs de Richelle. Jean Mathias Dodémont (1710 – 1800), grand propriétaire foncier, fut même receveur des Etats du Comté de Dalhem autrichien (à quelques km au SO de Visé). La branche s'éteignit sans postérité masculine à la mort de Jean Mathias Lambert Dodémont à la Richelle en 1816.

 

Portail de la Vierge, entrée latérale de l'église collégiale de Notre-dame, à Huy - Dessin de F. Stoobant  1871

Portail de la Vierge, entrée latérale de l'église collégiale de Notre-dame, à Huy - Dessin de F. Stoobant 1871

 jula Branche de Liège

C'est Michel Gaspar Dodémont, notaire, fils de Jacques et de Bertheline Plumeckers, né à Visé en 1708, marié en 1733 à Liège où il mourut en 1785 qui donna naissance à cette branche. Un de ses neuf enfants, Michel Gaspard François Antoine Dieudonné, né et mort à Liège (1753 – 1823) fut receveur et mayeur de la Cour de Justice de cette ville. Le petit-fils de Michel, Jules Louis Michel (1931 – 1898), banquier, s'installa à Huy (à environ 30 km au SO de Liège) où ses descendants vivaient encore au milieu de ce siècle.

La branche de Verviers

Verviers, érigé au rang de ville en 1651, est actuellement un important centre industriel de plus de 50000 h. à 25 km à l'est de Liège.      

Cette branche est issue de Jean Jacques Dodémont, fils de Henri, né à Visé en 1761, qui s'installa à Verviers où ses descendants vivaient dans les années 1930. Cette famille Dodémont ou D'odémont (les deux graphies coexistèrent jusqu'au 18e siècle) s'illustra à Visé avec :

 9 bourgmestres, en 26 mandats entre 1637 et 1749 -  13 jurés ou conseillers au Conseil Municipal, en 32 mandats entre 1603 et 1773 -  3 gouverneurs de métier, en 7 élections, entre 1601 et 1685 -  4 mayeurs de Cour de Justice entre 1745 et 1782 -  5 échevins de Cour de Justice entre 1640 et 1713 -  5 notaires entre 1604 et 1733 -  4 avocats et hommes de loi entre 1614 et 1768

 

Bulletin n° 19 de septembre 1995François DODEMAN et les familles DODEMAN du Val de Sée à travers les siècles 

Dans une brochure artistement illustrée par son épouse Anne-Marie, Guy DODEMAN a replacé la généalogie de deux cousins François DODEMAN, notaire à Brécey et Abel DODEMAN, inspecteur de l'enseignement à Vouziers, dans l'histoire du Val de Sée en dépouillant notamment les registres de catholicité et d'Etat-Civil de La Gohannière, Vernix, Tirepied, la Chaise-Baudoin et Sartilly.

François DODEMAN

François DODEMAN

Nous allons reprendre, ci-après, de larges extraits de l'article de «Manche-Eclair » du  8 septembre 1951, cité par Guy DODEMAN. :  « Brécey vient de perdre un de ses meilleurs citoyens, un homme dévoué à toutes les œuvres sociales, à toutes les organisations régionales, qui travailla sans relâche pour donner à sa petite patrie, qu'il aimait, activité et bon renom

 François DODEMAN naquit à Tirepied le 23 septembre 1872, il appartenait à une vieille famille du pays. Son père fut maire de Vernix, puis adjoint à Brécey ; son grand-père avait été maire de Tirepied. Il fit ses études au collège de Villedieu, puis à l'école notariale de Rennes. C'est à Juvigny le Tertre qu'il s'installa d'abord comme notaire, puis il acquit à Brécey l'étude de Me François, qu'il dirigea avec conscience et compétence jusqu'en 1924, époque à laquelle il céda son office à Me L'Hélias. L'honorariat lui fut conféré. Le 26 février 1908, il épousait Mlle Marthe Année, l'aimable et distinguée fille du Dr. Année, médecin sympathique, qui fut jusqu'à sa mort, conseiller d'arrondissement.

M. DODEMAN qui, d'autre part, fut longtemps conseiller municipal, fut élu conseiller d'arrondissement après le décès de son beau-père. A la mort du Colonel de Brécey, conseiller général, il fut élu à l'assemblée départementale où il représenta le canton pendant 25 ans. Il devint président du Comice Agricole qu'il sut développer avantageusement, et président des bouilleurs de cru. Il est le fondateur de la Société des Courses, et le syndicat cantonal d'électrification rural l'avait élu comme président.

Pendant 25 ans, il fut président actif de l'Union Catholique cantonale, et là, il eut une aide précieuse dans une épouse dévouée aux œuvres chrétiennes et sociales. En 1949, il fut nommé par Mgr Leridez, président d'honneur de l'Union Catholique cantonale.

On disait dans Brécey que M. DODEMAN était l'homme qui recevait le plus de visites ; elles se succédaient sans interruption dans son bureau toujours ouvert. Son savoir, son expérience étaient connus de tous ; chacun venait lui demander des conseils dans tous les domaines... »

 

Bulletin n° 21 de mars 1996 - Les DODEMAN du Val Saint-Père (par Yves DODEMAN)

Le Val-Saint-Père est situé au pied du rocher d’Avranches, entre Sée et Sélune, dans un site agreste assez réputé

J’ai choisi de vous entretenir de cette petite paroisse de l’avranchin car j’y ai relevé l’attestation la plus ancienne d’un DODEMAN dans cette région.

Les rôles de fouage :

Les recherches effectuées au Département des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale ont permis de retrouver dans les Rôles de fouage, l’existence de Robert DODEMAN au Val-Saint-Père en 1464 (Cote ms.fr.25914 N°155). Le fouage normand ou monnéage était un impôt de 12 deniers, payé tous les trois ans par chaque foyer. En étaient dispensés les pauvres (moins de 20 sous de fortune mobilière, ce qui était fort peu) et certains exempts : clergé, noblesse, officiers, mais également les meuniers, forestiers, cordiers, maîtres d’école... ainsi que la population dépendant des établissements religieux. Une bande frontalière du territoire ducal était également exemptée, elle comprenait notamment la châtellenie de St James, le Val de Mortain, la terre du Passais, la ville et le pays d’Alençon. A l’origine, vers le XIe siècle sans doute, le fouage était une “aide” accordée au duc pour qu’il ne change pas le cours de la monnaie. L’objet a disparu, mais l’impôt est resté jusqu’à la Révolution.

La plus grande partie des rôles ont été perdus Nous en avons consulté 88, concernant des paroisses du Calvados et surtout de la Manche, et nous avons été extrêmement surpris de ne relever qu’une seule mention d’un DODEMAN. Il s’agit, rappelons-le, de Robert DODEMAN, en 1464, au Val st père.

Du 17e au 19e siècle au Val-St-Père :

Deux siècles plus tard, c’est le mariage en 1686 de Charles, fils de Thomas et de Lucasse Godefroy, avec Gilettte Bataille ; et en 1688, comme nous venons de le voir dans le précédent article, de Jean fils de Gille et de Jeanne Bataille, avec Jeanne Poullard.

Au siècle suivant, les DODEMAN sont encore présents sur le territoire du Val-Saint-Père, au village Bouillé qui s’est développé au bord de la Sée, autour de l’antique chapelle de St- Georges-de-Bouillé.

Le dernier chapelain, un DODEMAN, ne fut pas remplacé à son décès en 1780. Le Héricher indique que son nom était gravé sur un linteau de l’ancien presbytère (“L’avranchin monumental et historique” publié vers 1845)

Plus tard, on note la présence de deux branches parentes :

-Guillaume DODEMAN (1739-1831), fils de Louis et de Jeanne Poulard, époux de Anne Dupont. Leur fils, François (°1766) meurt au service de la Marine après 1793, et leur fille épouse un lieutenant des douanes impériales.

-René Charles DODEMAN (1781-1861), fils de René (1) et de Charlotte Carnet, époux de Thérèse Duchemin. Il quitta Le-Val-St-Père pour Dragey dont il fut maire. Son fils Louis (°1816) devint clerc de notaire.

Ils étaient parents de François DODEMAN, bourgeois d’Avranches.

Nous ne pouvons quitter Le Val-St-Père sans citer ce que Le Héricher écrivait à la p.207 de son “Avranchin” :

Dans le cimetière est un tombeau armorié, en pierre de Caen, d’une demoiselle de Montalembert, cousine du pair de France. Elle mourut à Avranches, au  retour d’un voyage en Angleterre.”

Rappelez-vous notre communication dans le Bulletin N°6, sur Jeanne DODEMAN de la Cour, épouse du Vicomte de MONTALEMBERT (+1815). Peut-être une piste à suivre !

(1) René a été taxé d’office pour la taille de 1771 à hauteur de 20 livres, somme importante qui montre l’aisance de ces DODEMAN du Val St Père (AD du calvados ref C4400)

 

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

 Paléographie : le contrat de mariage de Jean DODEMAN du Val St Père

Première page d’un contrat de mariage passé à Avranches, en 1688. Ce choix est en liaison avec l’article ci-dessus.

Du jeudy douziesne jour de febvrier avan

midy mil six cen quatre vingt huict au tabelli(onn)age

d’avrenche devan charles gibon et richard colin notaires

et tabellions royaux audit lieu

Pour parfaire et acomplir le mariage espéré estre

faict suiva(nt) les constitutions de nostre mère saint

eglise catholicque apostolique et romaine entre

jean DODEMAN fils de deffunt gille DODEMAN et de

jeanne battaille d’une part et jeanne poullard fille

de deffunt guillaume poullard et de catherine

le chevallier à pres(e)nt veufve de michel cousin

tous de la parroisse du Val Saint père d’autre part

après que le(s)d(ites) parties se sont donné la foy de mariage

et promis s’epouser et toute fois et quantes(1), A esté

acorder entre lesdit futurs mariés que ladite

poullard ou ses heritiers retiendron(2) les meubles qui

apartienne à icelle poullard qui se consiste

scavoir est un chaalict(3) garni d’une couette(4)

traversier(5) de plume, une courtine(6) de toille, une

couverture de (?), une table, un petit coffre

tenant ving cinq raseaux(7), une paire d’armoires

fermant à deux panneaux(8), un petit pot de fer

deux draps de lict(9) et son linge et habit à son usage

sur lesquels meubles led(it) DODEMAN n’y prétend

aucune chose par ce que aussy laditte poulard

renonce à avoir ny prétendr aucune chose aux

meubles dudit DODEMAN,                                                     

Notes :

1. expression signifiant : si toutefois le mariage a lieu, et quand il aura lieu

2. garderont (en cas de décès de l’époux)  3. châlit, bois de lit  4. matelas de plume  5. traversin 

6. rideau qui entoure le lit  7. mesure de volume  8. portes  9. Lit

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

Bulletin n° 21 de mars 1996 - Une famille de marins au 19e siècle (exposé Yves DODEMAN)

osé deLe relevé fait récemment par M. Simon-Merveilleux au Service Historique de la Marine à Cherbourg, nous a permis de compléter nos informations sur une famille de marins originaire de MONTVIRON, au diocèse d’Avranches.

Antoine DODEMAN est né à Montviron le 10 novembre 1787. Il est le fils de Pierre, boulanger, et de Jeanne Bonneau, sa femme. Il épouse Caroline Euphrasie Coupard qui lui donne 2 filles et 5 garçons. Laboureur sans grand bien, Antoine s’installe d’abord à Marcey, puis à Dragey, avant de se fixer définitivement à Lolif en 1846 où il meurt le 30 mars 1858. Ses 5 fils seront tous marins à un moment ou l’autre de leur vie.

L’aîné, Louis DODEMAN, naît à Marcey, le 8 septembre 1827. On le retrouve marin pendant 10 ans, entre 1847 et 1857. Il se range semble-t-il de cette vie aventureuse en épousant à Marcey, le 7 février 1862, Adélaïde LEBRUN. Lorsqu’il meurt à Lolif, le 4 décembre 1889, il a troqué ses rêves de grands espaces contre les activités plus prosaïques de journalier.

Le cadet, François Pierre DODEMAN, né à Marcey, le 2 juin 1830 exerce son métier de marin entre 1852 et 1867, année de son décès.

Carolin Siméon DODEMAN, le 3e fils, naît aussi à Marcey, mais le 18 février 1837 Il suit très tôt l’exemple de ses frères puisqu’il est inscrit maritime à 17 ans. Il effectue son service de 1854 à 1856. Ensuite, il participe à plusieurs campagnes de pêche à la morue sur les bans de Terre-Neuve. En 1870, à la déclaration de guerre, il est à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il passe à Terre-Neuve où il épouse Marguerite RAYRES. Il s’installe ensuite comme marin-pêcheur à l’île-aux-chiens (maintenant île-aux-marins), à St-Pierre-et-Miquelon.

Ce couple sera à l’origine des DODEMAN de Saint-Pierre, dont nos récentes adhérentes, Marie DODEMAN d’Everett (USA) et Candice DODEMAN (de St-Pierre), sont les dignes représentantes.

Le 4e fils d’Antoine, Prosper DODEMAN, est né le 2 avril 1842 à Dragey. Inscrit maritime lui aussi à 17 ans, il assure son service à Terre-Neuve de 1859 à 1862. C’est un jeune homme de 1m60, châtain, les yeux gris, portant deux marques à la joue gauche. Marié le 28 janvier 1867 à Dragey avec Aimable Tesnières, épicière à Lolif, il continue cependant à naviguer puisqu’en 1867 et 1868, le maire de Lolif lui délivre des passeports. Il est boulanger, comme son grand-père Pierre DODEMAN, ce qui laisse à penser qu’à cette époque on mangeait du pain frais sur les bateaux.

Enfin, Auguste DODEMAN, le benjamin, né le 4 avril 1844 à dragey, est inscrit maritime le 8 février 1860. Il effectue son service à Terre-Neuve de 1860 à 1864. Il sait lire et écrire, à la différence de ses frères qui ne savent pas écrire. Il participe à plusieurs campagnes de terre-neuvas, notamment en 1865 et 1868.

Nota : Ces Dodeman de Montviron sont cousins du Bienheureux Chapdelaine.

Sources : État-Civil de Dragey, Lolif et Marcey. Archives municipales de Lolif, Service historique de la Marine à cherbourg.

 

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

Bulletin n° 22 de juin 1996 - d'Epernay à Château-Thierry, les DODEMENT de la vallée de la Marne (par Yves DODEMAN)

Les cercles généalogiques de l'Aisne et surtout de la Marne ont réalisé le dépouillement des actes de mariage d’une grande partie des paroisses de leur département respectif.

Les résultats, comportant malheureusement quelques erreurs de saisie, sont consultables  sur le Minitel (3617 Genealogy). Ils ont servi à réaliser l’étude suivante. Les DODEMENT se rencontrent entre Epernay et Château-Thierry, le long de la vallée de la Marne, mais leur localisation exacte a évolué au cours des siècles.

Au 17e siècle : le noyau dur

Au milieu du 17e siècle, des familles DODEMENT, sans doute apparentées, sont localisées sur la rive droite de la Marne, à Châtillon-sur-Marne et dans les villages circonvoisins de Baslieux-sous-Châtillon, Jonquery, Passy-Grigny et Trélou-sur-Marne.

Châtillon-sur-Marne, aujourd’hui chef-lieu de canton, est un gros bourg de plus d’un millier d’habitants qui domine la Marne et les collines avoisinantes couvertes de vignobles. Au Moyen-âge, la famille de Châtillon qui tenait cette petite cité fortifiée,  n’était pas sans illustration puisqu’ Eudes de Châtillon fut pape de 1088 à 1099, sous le nom d’Urbain II, et que -deux siècles plus tard Gaucher de Châtillon (1250-1328) fut nommé Connétable de France par Philippe le Bel.

Au 18e siècle : l’extension

De la fin du 17e siècle à la fin du 18e, les DODEMENT plus nombreux, s’installent dans différents villages à une douzaine de kilomètres autour de Châtillon, et même jusqu’à Villers-sur-Fère où Balthazar DODEMENT, maçon, est élu adjoint à la municipalité, le 28-9-1788 (Archives de l’Aisne N° E suppt.1491). Ils traversent la Marne et vivent à Dormans, Festigny, St-Martin-d’Ablois, Troissy et même Orbais-l’Abbaye qui se situe en dehors de l’épure, à 22km au sud de Châtillon.

Au 19e siècle : la dispersion

De la fin du 18e siècle au début du 19e, on voit les DODEMENT quitter les villages, (sauf Damery, Goussancourt, Orbais-l’Abbaye et St-Martin-d’Ablois), se maintenir à Châtillon-sur-Marne, et conquérir les villes : Château-Thierry, Epernay, Fère-en-Tardenois et Reims. Ceux qui ont participé à l’excursion de Vouziers en 1994, se souviennent certainement du monument aux morts d’Epernay où figure le nom de Pierre DODEMENT, né à Epernay en 1891 et mort à Lihons (80) en 1916.

Aujourd’hui :

Aujourd’hui, l’annuaire téléphonique nous informe que deux DODEMENT vivent à Reims, un à Vertus et enfin un à Montigny-sous-Châtillon, au pied de la butte de Châtillon-sur-Marne, perpétuant ainsi la présence des DODEMENT en ce même lieu depuis plus de 3 siècles.

 

Bulletin 22 de juin 1996 - les activités de l’école Dodeman à Vouziers

Le mardi 21 mai 1996, en l'église St-Maurille de Vouziers, le  groupe instrumental Abel DODEMAN, sous la direction du directeur de l'école, Monsieur DROXLER, donnait un concert au profit de la ludothèque du centre hospitalier  communal. J.M. DROXLER avait ainsi tenu à ce que les enfants de l'ECOLE DODEMAN aident leurs petits camarades hospitalisés en leur permettant d'acquérir des jouets. Le concert, ayant pour thème "Il était une fois..." a entraîné à travers des morceaux de Haendel, Mozart, Verdi ou Borodine, les "enfants dans un monde imaginaire qui les fait trembler parfois, voyager souvent, s'interroger peut-être mais rêver toujours ".

La musique n'est pas la seule activité d'éveil de l'Ecole DODEMAN. En mai également, le peintre animalier François BEAURIN-BERTHELEMY, a enseigné pendant deux jours l'art du lavis à 180 petits "DODEMAN" qui, en hommage à M. de la Fontaine, se sont exercés à reproduire un renard et un corbeau empaillés.

Le 16 juin a eu lieu l'inauguration des travaux d'embellissement et de modernisation de la cour de l'école. Le haut mur aveugle a été remplacé par un grille élégante; on remarque des massifs de fleurs, de jeunes arbres qui ne demandent qu'à croître, des bancs, des pavages décoratifs, une fresque murale et un préau ouvert utilisant avec bonheur d'anciens bâtiments rénovés. Le maire de Vouziers, M. PIERRET, et le Directeur de l'Ecole, M. DROXLER, avaient aimablement convié l'Association des Familles DODEMAN a assister à la cérémonie. Jacques DODEMAN de Picauville et son épouse ainsi qu'Yves DODEMAN accompagné également de son épouse avaient répondu présent. Ils ont eu le plaisir de retrouver le maire honoraire, M. Baudier, qui avait reçu d'une façon inoubliable la délégation de l'association, il y a deux ans.

A l'occasion de cette inauguration, notre président a remis au directeur de l'Ecole Dodeman, au nom de l'association, un cadre contenant les décorations militaires qu'Abel DODEMAN a gagnées au prix de sa vie, "pour qu'elles soient précieusement conservées à l'Ecole qui porte son nom, en témoignage de son courage et de son abnégation"

Cette cérémonie fut suivie d'un dîner et d'une soirée fort agréables à la Salle des Fêtes de Vouziers.

Bulletin n° 25 de février 1997 - Une famille pas comme les autres : les Dodeman de Bruyères (Aisne) (communication de Yves DODEMAN)

Nous allons vous conter l’histoire d’une famille attachante et particulièrement originale, celle d’Henry DODEMAN (1726-1790) et de deux de ses fils dont descendent nos adhérents : Bénédicte TENIERE, de Louvigny (14), et Maurice DODEMAN, de Paris.

Nous tenons à remercier ces adhérents et leur famille (nous pensons à la tante de Mlle TENIERE) qui nous ont fourni de précieux renseignements ; les autres sources proviennent des archives de l’Aisne à Laon et de celles de l’armée de terre à Vincennes.

HENRY  DODEMAN  (1726-1790)  MAITRE  CHIRURGIEN

C’est un personnage hors du commun dont l’origine reste mystérieuse. D’après Maurice DODEMAN, Henry serait né à Notre-Dame-de-Cresnay, de Bertrand DODEMAN,"descendant des seigneurs de Placy", et de Marguerite VOISIN. Guy B. DODEMAN n’a malheureusement pas retrouvé cet acte, ni cette illustre origine.

Bruyères

Quoi qu’il en soit, Henry DODEMAN apparait dans les archives paroissiales de Bruyères, évêché de Laon, le 25 novembre 1752, au baptême de son fils Hyacinthe. Henry a 26 ans, son épouse se nomme Marie Jeanne Gabriel BAUDET. Cette terre du Laonnois est riche d’une grande diversité géographique : “forêt, lande, bocage, fonds qui forment autant de nids pour villages, marais, ruisseaux et ruisselets. Et puis, n’est-ce pas des divers points de cette région qu’il convient de voir la silhouette sans cesse nouvelle de Laon, la Montagne couronnée ?”(1)

Maître chirurgien

Au baptême de son second enfant, Jean Pierre Louis Henry, le 17 janvier 1754, maître Henry “DODEMENT” est qualifié de chirurgien. Il faut préciser qu’au début du 18e siècle, “les chirurgiens-barbiers qui tenaient tour à tour et d’une même main... le rasoir et la lancette, la palette et le plat à barbe”(2) étaient quelque peu méprisés par les “chirurgiens en robe longue” qui avaient suivi des études de médecine. C’est en 1743, sous Louis XV, qu’un édit va exiger des élèves une sérieuse instruction pour prétendre au titre de maître en chirurgie.

Eglise de Bruyères, dessin de Charles Samson

Eglise de Bruyères, dessin de Charles Samson

Dans certains actes passés entre 1762 et 1764, Henry DODEMAN sera qualifié de chirurgien buraliste. Nous pensons qu’outre sa profession de chirurgien, il devait remplir quelque fonction de perception de droits fiscaux.

8 enfants

Hyacinthe et Jean Pierre qui mourront jeunes, seront suivis de six autres enfants : en 1756 Henry Louis Victor, l’ancêtre de Bénédicte TENIERE, en 1758  Marie Adélaïde (elle mourra à 7 ans), en 1759 Louis Joseph Antoine, l’ancêtre de Maurice DODEMAN, en 1761 Louis Henry Victor qui décédera l’année suivante, en 1764 Victoire Angélique qui épousera Antoine TRICHET, et enfin Félicité dont la date de naissance ne nous est pas connue mais qui vivait à La Fère en 1790

Entre 1761 et 1764, Henry DODEMAN transfère sa résidence à Mons-en-Laonnois. Ce joli village de 350 âmes (à l’époque) est bâti en amphithéâtre au pied d’une petite colline. “A l’horizon se dresse le plateau, le Mont-Laon que dominent les tours ajourées dressées haut sur une longue crête de maisons(1) C’est là que naîtra Victoire Angélique, c’est là aussi “en sa maison dessus la place” que mourra trois mois plus tard sa femme, le 22 octobre 1764.

Secondes noces

L’année suivante, à 39 ans, il épouse Marie Magdeleine MOROY, 60 ans, veuve de Charles MENU, bourgeois à Chaillevois. La cérémonie a lieu dans ce même village, le 11 juin 1765. Cette alliance peu habituelle compte tenu de la différence d’âge, suscite deux oppositions, l’une qui est levée par l’official du diocèse de Laon le 29 mai 1765, l’autre par le juge royal de St-Quentin le 10 juin. Il faut dire que le contrat de mariage qui avait été établi par le notaire d’Anisy-le-Château le 31 mai 1765, était d’autant plus favorable à notre chirurgien qu’il avait toutes les chances de survivre à sa “vieille” épouse. Il s’agissait d’une donation mutuelle au dernier vivant. Le futur donnait l’usage de son mobilier ainsi que l’usufruit de tous ses immeubles ou 100 livres de rentes viagères. La future, elle, faisait donation pleine et entière de tout son mobilier estimé à 1000 livres, de tous ses acquêts futurs, le remboursement de ses rentes actuelles et 225 livres de rente perpétuelle.

La prestance de notre maître chirurgien de 39 ans avait dû faire tourner la tête de la riche veuve.

Il ne va pas tarder à agrandir sa propriété en achetant le 8 mars 1766, une maison servant de vendangeoir(3) qui se trouve en limite sud de la sienne, sur la place du village de Mons. Le vendeur, Adrien Philibert DAGNEAUX de la BRETONNE, écuyer, valet de chambre de Mme la Dauphine, y joint six pièces de terre dont certaines plantées en vigne.

Pour régler le coût de cette acquisition, soit 2600 livres, Henry emprunte 2075 livres  à Estienne CHOQUET, contrôleur des aides de la ville de Laon. Il revendra le vendangeoir proprement dit l’année suivante à Jean Claude PARMENTIER, vigneron à Mons, pour 420 livres.

Décès de Marie MOROY

Henry n’eut pas à payer de sa personne trop longtemps. Trois ans plus tard il recueillait les fruits de son “dévouement”, au décès de Marie MOROY, le 1er mai 1768. Elle fut inhumée dans l’église de Mons-en-Laonnois, en présence de Léonard et de Charles BLIN, respectivement Conseiller du Roi et Lieutenant en l’Election de Laon.

Laon: Porte d'Ardon, chemin conduisant à Bruyères

Laon: Porte d'Ardon, chemin conduisant à Bruyères

Les scellées sont mises sur la maison qui se compose d’une cuisine, de 3 chambres, d’un cellier, d’une cave, d’un grenier et d’une boutique attenante à la cuisine. L’inventaire montre qu’on trouve presque de tout dans la boutique de Mme DODEMAN : cinq mains(4) de papier, douze paires de boucles à soulier d’étain, neuf douzaines de boutons d’habit et neuf de vestes, six mil d’épingles N°12, 3/4 de baril de savon noir, 300 clous environ de différentes espèces...

Henri demande la levée des scellées à laquelle s’opposent les créanciers : l’évêque-duc de Laon, la dame Hubigneau, veuve d’Antoine Fromage de la Gouene, écuyer, garde du corps du Roi, mais également les frères et sœurs de la défunte -ses héritiers- commerçants à St-Quentin. Les biens meubles sont estimés à 3262 livres et les dettes à 2115 livres.

Jamais deux sans trois

Henry va se marier pour la 3e fois. Il épouse Marie Anne REGNIER du GASPART qui lui donne deux enfants : Antoine Emmanuel le 1er juin 1773 et François Théodore le 1er mai 1776. Marie Anne REGNIER décède le 3juillet 1777, et Henry  convole en justes noces pour  la 4e et dernière fois.

Une jeune orpheline

Il a 52 ans. Il choisit cette fois une petite jeunette, orpheline de surcroît, Victoire Célestine Pépin 19 ans, fille de l’ancien  maître d’école de Lizy, qui lui apporte en dot, en plus de sa fraîcheur, une modeste maison à Molinchart, estimée à 450 livres, et 150 livres de mobilier.

Le mariage a lieu à Molinchart, le 9 décembre 1778, dans un cadre très rural. Les témoins sont manouvrier, compagnon, maréchal-ferrant. On est loin de l’ambiance bourgeoise de Mons-en-Laonnois.

Victoire lui donne deux enfants, Adélaïde Julie le 22 septembre 1779, et Louis Paul Agathon le 24 janvier 1790.

Henry DODEMAN était-il volage ?

La question se pose à la lecture d’un curieux document qui se trouve aux archives de l’Aisne sous la cote B2678 Il s’agit de l’interrogatoire, par Jean Claude LORIN, avocat et juge gruyer(5) du duché de Laon, d’Antoine DUMOTIER, meunier à Chivy-lès-Etouvelles, sur plainte de Henry DODEMAN. Il semble que ce meunier soit un mari jaloux et qu’il ait fait quelques avanies à notre maître chirurgien.

Interrogé, Antoine DUMOTIER a reconnu que le 29 octobre 1783, il avait interpellé Henri DODEMAN qui passait à cheval. Quelques jours avant, le meunier s’était querellé avec sa femme qui était partie chez son père. Selon ce qu’on lui avait rapporté, Henry avait conseillé à sa femme de ne pas retourner chez lui et l’avait même cachée “pendant une heure ou deux le dimanche d’auparavant” !!!

Le meunier a reconnu avoir saisi la bride du cheval mais sans aucune mauvaise intention“ et dit à Henry DODEMAN “qu’il feroit mieux de se mêler de son ménage et de ses affaires que des femmes, et qu’il le prenoit pour son amy mais qu’il s’étoit trompé”, mais il a nié avoir cherché à “amener le cheval du côté de la rivière pour l’y faire tomber”“Interrogé si Dodeman n’a pas crié au secours ou à l’assassin ?A dit que oui, mais qu’il ne scait pas pourquoi Dodeman a feint d’avoir peur...”

Les réponses habiles du meunier l’auront peut-être sauvé d’une condamnation !

Décès d’Henry DODEMAN

Le 8 mai 1790, quatre mois après la naissance de son dernier enfant, Henry rendait son âme à Dieu. Né sous le règne du Roi Louis XV, il achevait sa vie au moment où commençaient les grands bouleversements de la Révolution. Sa jeune veuve ne le pleure pas très longtemps puisque le 31 du même mois, elle épouse Pierre THIEFINE, marchand, lieutenant de la milice bourgeoise de Mons. A sa mort, Henri DODEMAN laisse quatre enfants majeurs de son 1er mariage, un enfant de 14 ans de son 3e mariage et deux jeunes enfants de son 4e mariage. Il laisse aussi de nombreuses dettes !

Les créanciers

Toute sa vie, semble-t-il, Henri DODEMAN a eu des démêlés avec ses créanciers. On l’a vu ci-dessus, à la mort de sa seconde femme en 1768 ; on pourrait le constater également en consultant “L’état des déclarations en cantonnemens et classemens de Mons en Laönnois” pour 1782, qui montre que plusieurs de ses propriétés avaient été saisies par ses créanciers.

A sa mort, en 1790, ils s’empressent de faire valoir leurs droits. C’est d’abord la veuve CHOQUET, qui réclame le principal et les intérêts de la rente de 103 livres constituée en 1766 pour l’acquisition du vendangeoir, puis c’est BASTON, apothicaire et cirier à Laon qui exige le paiement de 90 livres pour marchandises fournies. LEMOR, directeur des Aides à Laon produit une obligation de 1038 livres à laquelle s’ajoute le remboursement d’un prêt de 93 livres. Enfin, LEMAITRE fait valoir une créance de 232 livres.

Les héritiers ou leurs mandataires se réunissent à la maison mortuaire le 9 mai avec le notaire pour procéder à l’inventaire des biens. C’est la même description des pièces du logis qu’en 1768, sauf que la boutique attenante à la cuisine a été transformée en “chambre de demeure”, ce qu’on appellerait maintenant une salle de séjour.

Vente publique

A la requête des enfants du premier lit, il est procédé à la vente publique “de tous les meubles effets empouilles(6) et autres objets mobiliers dépendant de la succession dud(it)... s(ieu)r Dodeman”. Cette vente a lieu à la maison du défunt, les dimanches 8 et 15 août 1790 “ après les affiches et publications faites pour y parvenir tant aud (it) Laon qu’à Mons en Laonnois et vilages voisin et sous la criée de siméon Durosay, sergent crieur de la duché pairie de Laon”

Le produit de la vente se monte à 465 livres sur lequel seront payés les frais funéraires qui s’élèvent à 29 livres environ. Le cercueil coûte 7 livres, la cire pour les cierges 4 livres. Le sonneur, les fossoyeurs et ensevelisseurs reçoivent en tout 9 livres, le curé 3 livres, comme les 3 chantres.  Le bedeau et le suisse n’auront chacun que 15 sols(7), et les 3 enfants de chœur devront se partager 1 livre.

Comme il se doit, c’est la veuve qui rachète le plus grand nombre d’articles, 20 pour 62 livres, et notamment un miroir dans son cadre en bois, de la vaisselle en faïence, des couverts en étain et en fer, une paire de flambeaux en argent, un paravent à six feuilles garni en papier, “les outils de chirurgien servant à tirer les dents, le tout en acier”, “6 lancettes avec leur étui de chagrin bleu”, des meubles (fauteuils, chaises, commode, lit)... et un tas de bois de chauffe.

La fille de Henry, Victoire DODEMAN, achète pour 6 livres quelques articles : “6 vieux mouchoirs de poche et 3 cravates”, 1 petite table, 1 vieille commode... et des planches servant de niches à pigeons !!! Mais c’est François de ROUSSEY, chevalier de Roumefort, ancien lieutenant au régiment de Belsunce-dragon, chevalier de l’ordre militaire de St Louis qui fait la plus grosse dépense : 160 livres. Il faut dire que c’est un ami de la famille, qui sera témoin au mariage de Victoire DODEMAN le 24 août 1790.

Le chevalier de Roumefort acquiert donc notamment la montre en or de Henry pour 86 livres, et différentes empouilles (6) pour 52 L.

La liste de ces empouilles montre qu’Henri DODEMAN bien que souvent en délicatesse avec ses créanciers, possédait de belles parcelles de terre autour de Mons et jusqu’à St-Julien, en Bourgogne.

Un bourgeois

Les inventaires après décès sont toujours très révélateurs de la façon de vivre, de l’aisance et du degré d’instruction de l’ancien propriétaire des biens. Celui d’Henri DODEMAN tranche par rapport à ceux de nos ancêtres laboureurs que nous avons pu consulter en Normandie.

On note par exemple une bibliothèque de 43 volumes traitant de la chirurgie, 4 tableaux ornant les murs, et comme nous l’avons déjà vu, un chandelier d’argent et un paravent. Sa garde robe, quoiqu’assez usagée, était abondante pour l’époque et d’une certaine qualité. Il avait notamment 8 chemises de chanvre, 4 paires de bas, 3 vestes de nankin (8), 3 culottes doublées, 1 habit de satinette (9) bleue, une veste écarlate doublée de peau de lapin, une paire de gants, un manteau de drap bleu avec un galon de faux or. La redingote (10), la paire de bottes, la paire de fontes à pistolets (11) et la carnassière trahissent le voyageur à cheval et le chasseur.

Nous nous plaisons ainsi à imaginer notre maître chirurgien allant saigner ses patients, vêtu de sa redingote et monté sur son cheval. Ses pistolets d’arçon sont dans leur fontes et sa mallette fixée à la selle contient ses instruments : palette, lancettes, davier, etc...Ou encore, chaussé de souliers à boucle, les jambes gainées dans des bas de fil, ayant revêtu son habit de satinette bleue et son manteau de drap bleu au galon doré, nous le voyons entrer chez son ami le chevalier de Roumefort ou chez quelque officier de la duché-pairie de Laon.

Nous allons maintenant étudier la descendance de ses deux fils Henry Louis Victor et Louis Joseph Antoine

I   HENRY  LOUIS  VICTOR DODEMAN  (1756-1817) AVOUE

Il est baptisé à Bruyères, le 19 octobre 1756 et tenu sur les saints fonts par Louis HUBERT, notaire, et Marie-Madeleine BAUDET, de St-Gobain. En 1777, il est dragon au régiment du colonel général. On le retrouve à Vesoul en 1780 où il épouse le 9 octobre, Claudine CORNIBERT, fille d’un perruquier de cette ville En 1790, il est commis greffier au bailliage de Vesoul. Il fera toute sa carrière dans cette ville où devenu licencié en droit, il s’installera comme avoué.

Henry Louis Victor DODEMAN décédera à Vesoul, le 6 juillet 1817. Son épouse lui avait donné 8 enfants, 5 garçons et 3 filles entre 1783 et 1792.

Descendance de sa fille Jeanne

L’aînée, Jeanne Pierrette qui naît à Vesoul le 18 mai 1783, épouse dans cette même ville, le 22 octobre 1810, Jean François RICHARDOT, capitaine de la Garde Impériale qui s’installe sous la Restauration à Cancale (35) où il est commandant du fort de Rimains. Il se retire à Paramé (35) où il meurt le 18 septembre 1843, son épouse le rejoignant l’année suivante, le 28 août 1844. Leur fille Louise RICHARDOT (Vesoul 1816 - St-Servan 1869) épouse François ROGERIE en 1841 à Cancale (Ille-et-Vilaine), dont est issue Berthe ROGERIE (St-Servan 1849 - Brest 1939) qui épouse Nicolas SISSON en 1876 à Paris.

La fille de ce dernier couple, Blanche SISSON (Paris 1878 - Le Mans 1975) épouse Emile ANDRIEU en 1910 à Paris. De ce mariage est issue Marie Françoise ANDRIEU (Hanoï 1913 - Caen 1978) qui épouse Claude TENIERE, le père de notre adhérente caennaise Bénédicte TENIERE.

Des DODEMAN aux TENIERE

Ainsi, passant de l’Aisne à la Haute-Saône, puis à l’Ille-et-Vilaine, ensuite à Paris, Hanoï et enfin Caen, Bénédicte TENIERE se relie à travers deux siècles à son lointain ancêtre Henry DODEMAN qu’elle a pisté avec ténacité.

Six générations la séparent de l’avoué de Vesoul, et pourtant les souvenirs de la branche DODEMAN sont restés très vivaces dans sa famille. Elle l’explique par le fait qu’elle se rattache à cet ancêtre par les femmes uniquement, femmes devenues, pour la plupart, veuves très tôt et qui ont transmis à leur fille la tradition familiale. Nous pourrions ajouter que Henry DODEMAN, avoué, et sa fille Jeanne, épouse d’un capitaine de la Garde Impériale, avaient une position au début du XIXe siècle qui fait honneur à leur descendance et dont témoignent leurs portraits miniatures précieusement conservés dans la famille.

Miniatures représentant H.L.V. DODEMAN et sa famille Jeanne, sous l'Empire ( conservées par leurs descendants, la famille ANDRIEU au Mans)

Miniatures représentant H.L.V. DODEMAN et sa famille Jeanne, sous l'Empire ( conservées par leurs descendants, la famille ANDRIEU au Mans)

II.  LOUIS  JOSEPH  ANTOINE   DODEMAN (1759-1826) CHEF  DE   BATAILLON

Il naît le 12 juin 1759 à Bruyères(Aisne) et est porté le lendemain sur les fonts de l’église Notre-Dame par Louis Duroché, représentant le parrain, Me Nicolas BAUDET, curé de Ste Geneviève et Dolignon, et par Catherine DEMARQUE, de Bruyères.

Un soldat de l’Ancien Régime

Il s’engage le 9 novembre 1777, à l’âge de 18 ans, comme soldat au régiment de Savoie-Carignan, du nom de son propriétaire, le Prince Eugène de Savoie-Carignan, comte de Villefranche.  En 1779, il est à St Malo sous les ordres du général DEVAUX et participe à l’attaque de Jersey. Le régiment prend le nom d’Angoulême en 1785, du nom de son nouveau colonel-propriétaire. Louis quitte son régiment, après 8 ans de service, le 9 novembre 1785. Le 2 mars 1787, il s’engage comme canonnier au 2e régiment d’artillerie à pied.

Un officier de la Révolution

La Révolution va permettre à ce soldat sans avenir, car sans position sociale, de devenir officier. C’est avec le grade de maréchal des logis dans la 6e compagnie d’artillerie à cheval qu’il rejoint, le 1er mai 1792, l’armée du Rhin sous les ordres du général CUSTINE. Il y est nommé lieutenant en second le 1er juin 1793. Il participe au Blocus de Mayence, et à la guerre de Vendée.

Le 12 mars 1794, il épouse Marie RUSSON qui lui donnera deux fils, futurs soldats comme leur père : Louis Joseph qui naît le 27 janvier 1797 à St-Jean-Pied-de-Port (64) et Antoine François à Bayonne (64), le 16 décembre 1798. Le 17 prairial an 2, Louis Joseph Antoine est affecté comme 1er lieutenant au 1er régiment d’artillerie à cheval ; 2 ans après, il est nommé capitaine. De l’an 3 à l’an 7, il est à l’armée de l’Ouest. En l’an 8 et l’an 9, il participe à la campagne d’Espagne. Le 26 thermidor an 10, il accède au grade de capitaine.

Sous l’Empire, la Légion d’Honneur

En 1806 et 1807, c’est la campagne d’Italie et de Naples au cours de laquelle il est décoré de la croix de la Légion d’Honneur le 21 mars 1806. A l’issue de cette campagne, il quitte l’armée active. Par décision du 10 mai 1810, il passe de sa résidence fixe de Briançon à celle de La Hougue. En décembre 1814, il est en résidence fixe à Caen, dans la direction de l’artillerie de Cherbourg. Il demande sa mise à la retraite qu’il obtient le 13 décembre 1815, avec une pension de 1667 F. Il est nommé chef de bataillon  et se retire à Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire) où il décède le 26 février 1826. Ses deux fils sont depuis longtemps dans l’armée : Louis Joseph qui suit (II.2.1) et Antoine François dont nous parlerons plus loin  (II.2.2)

II.1      LOUIS  JOSEPH   DODEMAN   (1797-1878) CHEF  D’ESCADRON.

Il naît le 8 pluviôse an V (27 janvier 1797) à St-Jean-Pied-de-Port (Basses-Pyrénées) où son père est capitaine au 1er régiment d’artillerie légère.

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

Engagé à 15 ans !

Il s’engage à 15 ans, le 7 mai 1812, dans la compagnie d’artillerie de la 45e cohorte, à l’armée des côtes de l’océan. Il rejoint la Grande Armée le 25 janvier 1813, au 7e régiment d’artillerie à pied. Mais c’est “le commencement de la fin” pour l’Empire. Il participe encore au blocus de Mayence et à la campagne de Belgique en 1815 qui s’achève avec Waterloo.

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La Restauration

Il est affecté le 4 août 1816, au 8e régiment d’artillerie à pied où il est nommé sergent le 10 septembre 1818. En 1823, il est à l’armée des Pyrénées. Sous-lieutenant le 3 août 1825, il est affecté à la 5e compagnie d’ouvriers d’artillerie qui part en janvier 1826(12) pour Madagascar et l’Ile Bourbon (aujourd’hui, île de la Réunion). Nommé lieutenant le 5 août 1829, il épouse le 15 juillet de l’année suivante, à St-Denis-de-la-Réunion, Marie Clara Ménard, 22 ans, fille d’un maître de musique. Les militaires à cette époque doivent demander l’autorisation de se marier au Ministre. Il est alors procédé à une enquête de moralité et de fortune sur la famille de la jeune fille. C’est ainsi que le maire de St-Denis consulté, assure que “M. Ménard, propriétaire de cette commune ainsi que toute sa famille jouit de l’estime générale obtenue par trente six années de résidence dans cette colonie.” Il est précisé par ailleurs que les parents de la promise constituent une dot de 37 500 F qui sera versée le jour des noces. L’autorisation est donc accordée.

Malheureusement, la jeune femme meurt en mer, pendant la traversée de retour en France, en 1831.Le 21 mars 1831, Louis Joseph est décoré de la Légion d’Honneur. Le 5 décembre 1831, il obtient une nouvelle permission de mariage et un congé de deux mois. Son second mariage a lieu à Toulouse le 5 janvier 1832, avec Jeanne Françoise Rosine BLACHE. Elle lui donnera 3 enfants : Jean-Baptiste Ernest en 1832, Alfred Jean-Marie en 1835 et Louis Emile en 1852. 

Une santé déficiente

En 1832, Louis Joseph est capitaine et participe à la conquête de l’Algérie. Le 21 juin 1833, il demande au ministre son retour en France, sa “santé très affaiblie par les longues maladies...essuyées à Madagascar, ne se rétablissant point à Alger...”Il est nommé à la direction de l’artillerie à Toulouse, le 2 novembre 1833. En 1838, il est au 13e régiment d’artillerie monté à Cambrai. Il est nommé officier de la Légion d’Honneur en 1841. Ses notations de 1842 à 1845 ne sont pas fameuses. On peut y lire : “tenue négligée”, “caractère sans décision”, ”peu d’énergie”. Le maréchal de camp précise “bon officier servant avec zèle et exactitude, mais peu de moyens. Santé usée par un long séjour aux colonies”

Commandant de la place de Cambrai

Sa santé se restaure puisqu’en 1847, l’inspecteur général le juge “bon officier pratique, zélé, actif, intelligent et parfaitement au courant des détails du service” Ce qui lui permet d’obtenir en 1850, avec le grade de chef d’escadron, le commandement de la place de Cambrai. En 1854, Napoléon III récompensera les 42 ans de service de cet ancien fourrier de la Grande Armée en l’élevant à la dignité d’officier de la Légion d’Honneur. Mis à la retraite en 1855 avec une pension de 2000 F., Louis Joseph DODEMAN décédera au Pont-Fouchart, près de Saumur (Maine et Loire) le 6 octobre 1878.

Ses deux fils sont sous l’uniforme : Jean-Baptiste Ernest qui suit (II.2.1.1.) et Jean-Marie Antoine Alfred (II.2.1.2.) dont nous parlerons plus loin

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II.1.1. JEAN-BAPTISTE ERNEST DODEMAN (1832-1901) CHEF  d’ ESCADRON

Jean Baptiste Ernest DODEMAN naît à Alger le 30 octobre 1832. D’abord au lycée de Douai, il entre à 20 ans comme élève à l’école impériale spéciale militaire de St-Cyr avec 1/2 bourse et 1/2 trousseau accordés par le conseil municipal de Toulouse. Il est alors décrit comme un garçon de 1m71, au visage ovale, yeux bruns et cheveux noirs.

Un mariage anglais

Quelques années plus tard, le 17 avril 1860, c’est un tout nouveau lieutenant de Lanciers qui épouse à St-Etienne de Paddington, dans le Middlessex (Angleterre), Ada Mary BROWN, âgée de 20 ans, fille d’un ministre du culte anglican. Auparavant, une enquête a montré que Mlle BROWN apportait en mariage une dot de 30 500 F plus une rente de 2 025 F. Le général commandant la division “fait observer que bien qu’il n’ait qu’une médiocre confiance dans les unions contractées à l’étranger, il n’a aucune raison de s’opposer...”au mariage !!! En 1862, il est officier d’ordonnance du général LARTIGUE.

Un officier instruit et intelligent

C’est à 37 ans, avec le grade de capitaine instructeur qu’il est nommé au 11e régiment de Chasseurs. Ses notes d’inspection de cette période sont élogieuses : “officier distingué et zélé”, “officier instruit et très intelligent” Il reçoit la croix de chevalier de la Légion d’Honneur le 3 août 1875. Puis à 48 ans, nommé chef d’escadron, il commande le 10e régiment de Hussards avec lequel il participera de 1880 à 1888 à la campagne d’Afrique du Nord. En 1889, il quitte l’armée active et est affecté aux escadrons territoriaux de cavalerie légère de la 16e région militaire. Il est rayé des cadres le 20 décembre 1893. Il décède à Villenouvelle (Haute-Garonne), le 12 octobre 1901, laissant un seul fils, Maurice Ernest, qui suit.

 II.1.1.1    MAURICE  ERNEST  DODEMAN (1870 - 1954) CHEF  D’ ESCADRON

C’est le 12 janvier 1870 que naît en Avignon, Maurice Ernest DODEMAN. A 18 ans, il signe un engagement volontaire de 5 ans au 13e Régiment de Chasseurs, à Béziers (Héraut). A la fin de sa période, il se rengage, et ce n’est qu’en 1895 qu’il entre à l’école d’application de cavalerie. Il en sort en 1896, 48e sur 87, et est affecté au 10e régiment de Dragons. Nommé lieutenant en 1900, il est affecté au 11e régiment de Cuirassiers. En 1905, il est détaché pour 5 mois à la section historique de l’Etat-major.

Un mariage américain

Le 14 septembre 1906, il épouse à St-Germain-en-Laye (Yvelines), une américaine de 30 ans, Emily MACVANE. L’autorisation ministérielle a été signée le 25 août, après les enquêtes d’usage. Le rapport qu’a établi le capitaine MERCIER sur la demoiselle vaut d’être cité “...sans profession, d’origine américaine, serait venue en France pour compléter son instruction ; on la dit spirituelle et bonne musicienne. Son père serait professeur à l’Université de Harward (Etats Unis) et aurait des appointements annuels de 50 000 F...Les demoiselles MACVANE quoiqu’ayant les allures libres des américaines, paraissent cependant de bonne moralité et de bonne conduite.”

Lieutenant de cuirassier 1914

Lieutenant de cuirassier 1914

En 1908, il décide de s’essayer à la vie civile et obtient un congé de 3 ans. Cependant, dès l’année suivante, il est obligé de demander sa réintégration dans le service actif car la société industrielle étrangère pour laquelle il était agent général a cessé ses activités en France. C’est comme capitaine au 5e puis au 1er régiment de Chasseurs d’Afrique qu’il participe aux campagnes d’Algérie et du Maroc de 1911 à 1914. Il obtient en 1913, une lettre de félicitation du Général Franchet d’Esperay pour avoir rempli ses “fonctions avec un tact, un cœur et une intelligence admirables”. La même année, il est fait chevalier de la Légion d’Honneur et l’année suivante officier du Ouissam Alaouïte chérifien.(13)

La Grande Guerre

Revenu en France, en mai 1914, il participe avec le 6e régiment de Hussards aux combats de Morhange et Lorraine (1914). Sont cités à l’ordre de la division, le 29 septembre 1914 : “M. le capitaine DODEMAN. [et son escadron]... pour l’activité, le dévouement, la très intelligente initiative qu’ils manifestent en toute occasion...”  Puis en 1915, c’est l’Argonne, Verdun, Fismes, Reims. Il est hospitalisé en novembre pour une bronchite aiguë.

Passé dans l’infanterie à sa demande, il est aux combats de la Somme et de l’Aisne. On le retrouve au 101e Régiment d’Artillerie lourde en juillet 1917. En 1918, il est cité à l’ordre du 2e corps de cavalerie : “DODEMAN Maurice... officier de haute valeur morale, admirable sous le feu, payant de sa personne sans compter avec un sang froid inébranlable...” Il termine la guerre comme capitaine commandant le 10e régiment de Cuirassiers. “N’ayant pas obtenu l’avancement auquel il avait tout droit à prétendre”, il demande sa mise à la retraite qu’il obtient le 5 février 1919. Il passe chef d’escadron de réserve en mars de la même année et est élevé à la dignité d’officier de la Légion d’Honneur en 1920. Il est rayé des cadres en 1924.

Un caractère fier et indépendant

Ses notes et ses punitions nous en apprennent un peu plus sur son caractère. C’est le seul officier que nous ayons rencontré dont le dossier fasse état de punitions :

En 1898 : “a persisté à répondre sur un ton élevé aux observations faites par son capitaine...” (15 jours d’arrêts)

En 1899 : “a manqué aux classes à cheval des recrues pour la 2e fois” (4 jours)

En 1900 : “a coupé les crins de son cheval d’une manière non réglementaire” (4 jours)

En 1903 : “s’est permis de répondre d’un air détaché à une observation de son capitaine”

En 1904 : “a manqué à l’instruction” (4j.)

En 1905 : “a répondu sur un ton élevé au capitaine qui lui faisait des observations sur la manière dont il avait assuré le cantonnement de ses hommes” (5 jours)

En 1907 : “a envoyé directement et en dehors de la voie hiérarchique au gouvernement militaire de Paris, une lettre ayant le caractère d’une réclamation” (8 jours)

Une affaire politique

Cette dernière punition aurait pu avoir une suite plus grave pour Maurice Ernest, car elle fut reprise par un journal d’opposition virulent “La Lanterne”(14), sous la plume du sénateur HUMBERT. L’incident est pourtant anodin au départ. Le 5 mars 1907, au cours d’un exercice de saut d’obstacles en forêt de St-Germain, un cuirassier du peloton du lieutenant DODEMAN fait une chute et doit être transporté à l’hôpital. Une réprimande verbale est faite au lieutenant pour avoir utilisé avec sa troupe, une piste réservée aux officiers. Le surlendemain, le colonel recevait une lettre du lieutenant DODEMAN à l’effet d’obtenir l’installation d’un poste de secours dans une des baraques du terrain de manœuvres. Devant la réponse négative du colonel, DODEMAN envoyait directement la lettre au Gouverneur militaire de Paris, violant ainsi la sacro-sainte voie hiérarchique, ce qui lui valut 8 jours d’arrêt. Trois ans après, La lanterne ressort cette affaire qui lui permet de critiquer l’armée en présentant “un modeste officier de troupe qui, bien que n’ayant commis quoi que ce fût d’illicite ou même d’irrégulier, a été, pour un acte qui aurait dû lui valoir sinon des éloge, au moins l’estime tacite de ses chefs, puni d’arrêts qui n’ont pas été levés. Une telle affaire n’est pas favorable à l’avancement, même si le général commandant la 6e brigade veut croire “que l’officier incriminé n’a pas oublié une seconde fois de suivre, non pas seulement la voie hiérarchique, mais même la voie militaire”

Un officier intelligent et instruit

Ses notations sont élogieuses, mais avec des restrictions du genre : “souvent distrait et irrégulier, de caractère difficile, prompt à opposer ses droits à ses devoirs. Mais a des sentiments généreux et du ressort”. En 1906, il a changé d’affectation et a su se faire apprécier de son nouveau colonel, si l’on en juge par ses appréciations “aucune critique à faire sur son caractère. Esprit curieux et chercheur, aime beaucoup les études historiques dans lesquelles il réussit” En 1909 : “intelligent, instruit et travailleur, actif, tempérament très militaire... justifie par sa manière de servir les notes élogieuses données par ses anciens chefs” En 1914 : “officier très vigoureux et très allant, instruit et expérimenté, de sentiments très élevés, plein de cœur et de vive sensibilité...”

Un homme aigri

Mais à nouveau, en février 1916, son “caractère entier et indépendant” est signalé. En octobre 1916, son colonel souligne “...une tendance fâcheuse à s’échapper de la voie hiérarchique...manquant un peu de mesure, note sans indulgence des officiers qu’il connaît à peine. A maintenir, tenir, retenir. Doit surtout se modérer lui-même et mûrir son jugement. A besoin de l’engrenage régimentaire et de la hiérarchie régularisatrice et sera tout à fait au point lorsqu’il saura s’y mouvoir docilement.” En janvier 1919 “ cet officier n’a pas eu la carrière que son acquis, les ressources de son esprit, son ascendant sur la troupe, ses états de service avant et après la campagne, semblaient lui promettre. Il n’a pas toujours le sens très exact de la mesure, peut-être faut-il y voir l’origine de ses déboires. C’est dommage.. Quoi qu’il en soit ses déceptions l’ont aigri.”

Maurice Ernest DODEMAN avait un caractère original, et un esprit peu enclin à supporter la discipline militaire quand elle n’était pas soutenue par l’estime qu’il pouvait avoir envers ses chefs. Autre originalité : cet officier le plus puni est aussi le plus décoré. A la légion d’honneur, la croix de guerre, les médailles diverses s’ajoutent les palmes académiques et l’ordre de St-Stanislas (15). Trois enfants sont nés de son union avec Emily MACVANE : Bernard Alexandre Ernest, né 16 août 1907 à St-Germain-en-Laye, Maurice Louis Joseph, adhérent à notre association, né le 1er août 1908 à Marseille, et Emilie Marie Valentine, née le 14 juin 1912 à Mascara (Algérie)

Mais revenons au 2e fils de Louis Joseph DODEMAN et à sa descendance.

II.1.2  JEAN-MARIE  ANTOINE ALFRED  DODEMAN  (1835-1906) LIEUTENANT - COLONEL

Le second fils de Louis Joseph DODEMAN, capitaine d’artillerie à l’Arsenal de Toulouse, naît dans cette ville, le 24 janvier 1835. Pour autant que son frère Jean-Baptiste est brun, lui est châtain-clair avec des yeux bleus. Il entre, comme son frère, à l’école impériale spéciale militaire de St-Cyr en 1855. Il en sort 249e sur 376 élèves, et est affecté au 46e régiment d’infanterie.

Un autre mariage anglais dans la famille

Il passe lieutenant à 29 ans et se marie 4 ans plus tard avec Jane Philippa BROWN, la belle-sœur de son frère. Cette jeune personne, fille d’un pasteur anglican décédé, vit avec sa mère à Esher, comté de Surrey, Angleterre. Le traditionnel rapport au ministre nous précise  que la dot de la future est de 28 800 F en actions. Le Consul Général de France en Angleterre fournit d’excellents renseignements sur l’honorabilité de Mlle BROWN, sa famille faisant partie, depuis plus de 40 ans, de la meilleure société de la ville qu’elle habite. Le signataire du rapport ajoute que “M. DODEMAN a contracté antérieurement de nombreuses dettes qui l’ont fait traduire devant un conseil d’enquête qui l’a acquitté. Cet avertissement lui a été profitable. Depuis trois ans il s’impose des privations qui lui ont permis de désintéresser ses créanciers”. En conclusion, toutes les autorités militaires appuient ce projet d’union, sauf le général JOLIVET qui estime que la dot n’est pas suffisamment garantie !!! Le mariage a lieu le 28 novembre 1868 à Lyon 1er.

Pendant la guerre de 1870, Jean-Marie prend part aux combats de Beaumont et Sedan. Prisonnier sur parole, il rentre en France et se présente, en octobre 1870, au dépôt du corps à Rodez. En 1872, il obtient le grade de capitaine et la croix de la Légion d’Honneur. En 1887, il est chef de bataillon. 

 

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

 

Digne d’éloges

Son chef de corps le juge ainsi en 1888 : “Cet officier supérieur est arrivé au grade de chef de bataillon après 32 ans de service, il n’a pas été heureux et malgré cela il a conservé toute son ardeur, tout son zèle, il se voue de tout cœur au commandement de son bataillon détaché à Draguignan. Robuste, monte vigoureusement à cheval. Très digne de sympathie” et l’inspecteur général ajoute “ officier supérieur digne d’éloges...Des épreuves et des charges très lourdes de famille l’ont fait dévier de sa carrière où il avait tout pour réussir...il s’est sacrifié pour les siens.”

Officier de la Légion d’Honneur en 1890, il est admis à la retraite la même année et est affecté au 145e régiment territorial d’infanterie. Il est promus lieutenant colonel dans la réserve en 1894. L’inspecteur général le juge ainsi : “Très bon colonel ; aime son régiment et se donne beaucoup de mal pour obtenir de bons résultats. Intelligent et ferme ; ne mérite que des éloges”. Il est rayé des cadres l’année suivante. Il se retire alors à Jouy-le-Châtel(Seine-et-Marne) où il décède, le 3 juillet 1906. Il a eu six enfants dont Charles, qui suit, né en 1873, homme de lettres, Henri et Edouard bouquinistes, et Cécile née le 4 juillet 1876 à Mourmelon (Marne). La belle lignée d’officiers supérieurs, membres de la Légion d’Honneur, s’arrête là, mais la famille continuera à s’illustrer dans les lettres, l’édition et le journalisme, comme nous l’allons voir.

 II.1.2.1   CHARLES  DODEMAN  (1873-1934) HOMME  DE  LETTRES

Les anciens adhérents de l’Association se rappellent peut-être de l’article sur Charles DODEMAN paru dans le N°004.

Une œuvre romanesque abondante

A l’époque où sa famille était installée à Jouy-le-Châtel, Charles DODEMAN débutait dans le journalisme en collaborant à L’Eclaireur de Seine-et-Marne et au Petit Seine-et-Marne. Il écrivait également des nouvelles, des contes, des comédies et des chansons. On lui doit une dizaine de vaudevilles comme Le cambrioleur, ou La chemise de l’homme heureux, et de très nombreux romans d’aventure qui ont fait la joie des adolescents de l’entre-deux-guerres : Le secret du livre d’heures, La bombe silencieuse, L’espion chinois, Aux quatre vents de la misère, L’arbre aux pièces d’or etc... Certains, brochés, ont été publiés dans des éditions populaires par la Maison de la bonne presse ; d’autres, reliés et dorés sur tranche, illustrés par ROBIDA et publiés par Alfred MAME à Tours, sont recherchés des collectionneurs. Son livre de souvenirs Le long des quais, publié pendant ou juste après la Guerre de 14-18, est d’un tout autre registre. C’est la vie des bouquinistes qu’il connaît bien puisque ses frères et lui exercent ce métier à Paris, à cette époque. Charles qui est venu s’installer à Paris, rue de Verneuil n°15, a commencé à vendre quai de Montebello puis il est devenu concessionnaire d’un étalage quai Voltaire, presqu’en face de la rue de Beaune, à côté de son frère Edouard, l’autre frère étant installé quai Conti.

Membre de la société des Gens de Lettres, le locataire de la rue de Verneuil mourut en 1934.

Une descendance dans l’édition et le journalisme

De son mariage avec Louise CHAPPELIER naquit Marcel Charles DODEMAN (1900-1983) dont le Who’s who nous dit qu’il fut administrateur du Figaro et Directeur Général de l’Imprimerie Sirlo. Il eut deux filles dont l’une, journaliste, fit connaître le nom de DODEMAN dans plusieurs hebdomadaires féminins.

Nous terminerons l’étude de la descendance d’Henry DODEMAN, le maître chirurgien de Mons, par Antoine François DODEMAN, fils de Louis.

 II.2.   ANTOINE  FRANCOIS   DODEMAN (1798-1845) CAPITAINE  D’ARTILLERIE

Il naît le 25 frimaire an VII (16 décembre 1798) à Bayonne où son père est capitaine au 1er régiment d’artillerie à cheval. Engagé volontaire au 8e régiment d’artillerie à pied en 1820, il fait la campagne d’Espagne. Il devient sergent en 1824. C’est comme lieutenant, nouvellement promu dans la Légion d’Honneur, qu’il est affecté, en 1834, au 13e Régiment d’artillerie, à Lyon.

Un mariage toulousain

A sa demande d’autorisation de mariage, en mars 1835, est jointe l’attestation du maire de Toulouse qui assure que la demoiselle Juliette Catherine SAINT SUPERY, âgée de 26 ans, appartient à une famille honnête, qu’elle aura 30 000 F en argent au mariage et que ses espérances sont de 10 000 F. Il semble que Juliette soit morte après avoir mis au monde 2 enfants et que Antoine se soit remarié avec sa belle-sœur Laurence Émilie. C’est de ce dernier mariage dont nous avons trace. Il a lieu à Toulouse, le 14 mai 1838, mais le couple doit rejoindre le casernement à Lyon. Aussi Antoine demande-t-il à être affecté à Toulouse : “ce qui me faciliterait à élever mes deux petits enfants qui par rapport à leur bas âge et à leur mauvaise santé ne pourraient supporter un déplacement qu’occasionnera probablement le départ du 13e Régiment”. Sans succès, semble-t-il, puisqu’en janvier 1841 il renouvelle, cette fois de Grenoble où il est capitaine adjoint à la direction de l’artillerie, sa demande : “des affaires d’intérêt majeur nécessitant ma présence à Toulouse” Son vœu est exaucé en mars 1841

Son chef de corps à Toulouse le note ainsi quelques mois après son arrivée : “Joli physique, très bonne constitution, bonne santé, très intelligent, capable”, l’inspecteur général pense qu’il ”pourrait avoir plus de zèle mais sert avec régularité”

Une mort tragique

En 1844, il est affecté à Besançon, au 8e régiment d’artillerie. Un an plus tard, il demande à rejoindre Valence, afin que son épouse puisse faire ses couches à Toulouse, ce qui lui est accordé : le 3 mars 1845, le capitaine DODEMAN est affecté au 11e régiment d’artillerie, stationné à Valence.

Comme nous l’avons relaté dans le Bulletin N°23, Antoine François DODEMAN meurt tragiquement, le 31 mai 1845, d’une “apoplexie pulmonaire survenue à la suite d’efforts considérables pendant une leçon d’intonation”.

Une pension de 400 F est accordée à sa veuve par décision du 27 octobre 1845.          

Notes :

(1) René Normand “Charmes du Laonnois” 1955

(2) Duchange “Médecins et chirurgiens  à Laon (1716- 1723)”.

(3) Le laonnois produisait au XVIIe s.un vin fort apprécié, surtout aux Pays-Bas.

(4) Une main de papier représente 25 feuilles

(5) Le juge gruyer, ou verdier, jugeait les délits mineurs relatifs aux eaux et forêts, mais également semble-t-il de simples querelles de voisinage.

(6) empouille : récolte sur pied.

(7) 1 livre = 20 sols

(8) nankin : taffetas très solide, couleur chamois, fabriqué avec des cotons de Chine.

(9) satinette : étoffe de coton et soie présentant l’aspect du satin

(10) redingote : au 17e siècle, grand manteau  boutonné avec collet et ouvertures derrière et sur les côtés, utilisé pour voyager à cheval.

(11) fontes : poches de cuir, suspendues à l’arçon de la selle, dans lesquelles étaient placés les pistolets.

(12) Notre adhérent Maurice DODEMAN possède la relation de la traversée de son ancêtre en 1826, de Brest à l’île Bourbon

(13)Ouissam Alaouite : ordre marocain créé en 1913.

(14) “La Lanterne”, publication satirique créée par H. ROCHEFORT en 1868. Devenue quotidienne en 1877, elle fut le porte-parole du radical-socialisme et  de l’anti-cléricalisme.

(15) St Stanislas, ordre créé au 18e s.par le Roi  Stanislas Auguste, roi de Pologne.

Bulletin n° 26 de Juin 1997 - Abel DODEMAN (par Yves DODEMAN)

Dans les Bulletins 012 et 022,  j’avais évoqué la vie d’Abel DODEMAN (1880-1915), héros de la Grande Guerre que la municipalité de Vouziers a honoré en donnant son nom à une de ses écoles élémentaires. J’ai réalisé depuis, une étude plus complète qui est parue dans Le curieux vouzinois N°44 de mars 1997. Cependant pour ne pas alourdir le cadre de cette publication, des éléments purement généalogiques ont dû être retirés que je présente aujourd’hui, car ils peuvent intéresser les lecteurs du Bulletin des Familles DODEMAN.

GENEALOGIE  D’ ABEL  DODEMAN

La branche paternelle : les DODEMAN

Julien DODEMAN, ancêtre patronymique d’Abel à la 9e génération était, à l’époque de Louis XIV, laboureur à La Gohannière, petit village de la vallée de la Sée, à 8km à l’est d’Avranches. Son arrière-petit-fils, Thomas DODEMAN, né en 1716, alla prendre épouse à Sartilly  (10km au nord d’Avranches). Mais c’est à la génération suivante, avec Jacques DODEMAN (1750-1806), que la famille se fixe dans ce chef-lieu de canton (1).

Deux générations plus tard, Arsène DODEMAN (1827-1885), le grand-père d’Abel, d’abord cultivateur comme ses aïeux, s’installe ensuite en tant que boulanger au bourg de Sartilly. Il décède alors qu’Abel n’a que 5 ans, mais son épouse, Virginie HéON, lui survivra 30 ans.

Sartilly au début du siècle : bas du bourg et l'église

Sartilly au début du siècle : bas du bourg et l'église

Alors que les générations précédentes élevaient entre 4 et 8 enfants, Arsène et Virginie n’eurent que 2 enfants : Eugène né en 1851, représentant de commerce à Paris qui épousa Maria Lainé en 1874, et Adolphe -le père d’Abel- né en 1854 qui épousa sa belle-sœur, Sophie Lainé en 1879 et fut, lui aussi, représentant de commerce à Paris. Les deux frères, mariés aux deux sœurs, eurent chacun deux garçons dont les cadets moururent en bas-âge.

Mais ce parallélisme, cette gémellité pourrait-on dire, s’arrête là, car les deux frères rencontrèrent des destins différents. On retrouve Eugène, négociant à St-Pierre-et-Miquelon en 1882. Plus tard il se fixe aux Préaux, près de Pont-Audemer(Eure), où il exerce le métier de comptable de 1896 à 1911. Quant à Adolphe, quelques mois après le mariage de son frère, il s’engage (par dépit, peut-être ?) pour 5 ans au 25e Régiment d’ infanterie de ligne stationné à Cherbourg. Mis en congé en août 1878, il s’installe à Paris et se marie, comme nous venons de le voir, l’année suivante. Il mourra prématurément, à l’âge de 29 ans.

La branche maternelle : les Lainé

Alors que les ancêtres paternels sont exclusivement des agriculteurs, la branche maternelle offre plus de diversité. Au 17e s., les Lainé étaient laboureurs dans un hameau de la paroisse de La Haye-Pesnel (14 km au nord d’Avranches). Au 18e s., Louis Lainé est tisserand au bourg de La Haye-Pesnel, et son fils Abel François (1802-1874) va se marier à St-Pair (sur la côte, à 3km au sud de Granville) où il exerce successivement les professions de peintre-vitrier et aubergiste. Son fils Abel Louis, également peintre-vitrier, épouse en 1853 une Granvillaise, Marie-Rose POULET, couturière de son état. Parmi ses ancêtres natifs de Granville depuis plusieurs générations, on compte un marin, une fileuse, un tourneur en bois...

Ainsi, on peut constater à travers cette courte histoire de famille, le mouvement migratoire des hameaux vers les bourgs, puis des bourgs vers les villes, avant de faire enfin le grand saut vers Paris. Parallèlement, cette migration s’est accompagnée d’une évolution des professions : les laboureurs sont devenus des artisans, puis au 19e siècle, les artisans se sont transformés en “cols blancs”.

A  LA  RECHERCHE  DE  JEANNE BEAUJOUAN,  EPOUSE  D’ ABEL  DODEMAN

Les renseignements portés sur l’acte de mariage d’Abel DODEMAN et de Jeanne BEAUJOUAN passé à Saint-Maurice (Val-de-Marne) le 4 août 1908 me permirent d’obtenir facilement l’acte de naissance de l’épouse qui portait en mention marginale “décédée à Beaugency (Loiret), le dix sept août mil neuf cent soixante treize”. C’est ainsi que je me retrouvais, un beau jour de février 1995, Place du Martroi à Beaugency, au dernier domicile de Jeanne BEAUJOUAN, décédée 22 ans plus tôt. Et là, de boucherie en pâtisserie, de magasin de nouveautés en bureau des pompes funèbres, je menais mon enquête auprès des commerçants du quartier. C’est en définitive un coup de téléphone à l’ancienne gardienne du cimetière qui me mit sur la piste de M. NOLLET, légataire de Jeanne, chez qui je débarquais à 19 h. sans prévenir. M. et Mme NOLLET m'accueillir très aimablement, parlant sans détour de leur cousine, fouillant dans leurs cartons pour trouver les archives qu’ils pouvaient encore avoir conservées, et me les proposant en toute simplicité.

GRANVILLE au début du siècle : le casino, la Haute-ville et les falaises

GRANVILLE au début du siècle : le casino, la Haute-ville et les falaises

Le lendemain, ils me présentaient à M. Jean LABETOULLE, cousin germain de Jeanne DODEMAN, un solide patriarche de 90 ans, l’œil vif et même malicieux, le verbe précis et souvent incisif, qui me décrivit sans complaisance ni fioriture, et souvent avec humour, sa cousine et le milieu dans lequel elle vivait. Il se rappelait bien d’Abel DODEMAN, mince et distingué : “un Monsieur” qui pourtant ne rechignait pas à jouer avec son jeune cousin au bord du fleuve. Un lien d’amitié s’était noué entre le jeune professeur et l’enfant, et Jean LABETOULLE se plaît à croire qu’il aurait pu poursuivre ses études au lieu d’être placé en apprentissage, si Abel avait vécu.

La visite à Beaugency se termina par un pélerinage au cimetière où reposent dans la sépulture familiale des BEAUJOUAN, Jeanne et Abel DODEMAN. Ainsi, après avoir été transféré du Bois d’Herméville-en-Woëvre au cimetière militaire d’Eix (Meuse), puis au Père Lachaise à Paris, le corps d’Abel a-t-il définitivement trouvé sa place dans ce doux pays du Val de Loire si souvent chanté par les poètes.              

Note

(1) Il est à noter que le frère de Jacques DODEMAN, François né en 1748, restera dans la région  de la Gohannière. Un siècle plus tard, un de ses descendants, un autre François DODEMAN (1872-1951), cousin d’Abel au 10e degré sera notaire à Brécey (Manche), conseiller général, président de la Société hippique, et laissera dans la région le souvenir d’un homme de bien.

BEAUGENCY au début du siècle : Tour de l'horloge (ancienne porte vendômoise) et l'hôtel de ville

BEAUGENCY au début du siècle : Tour de l'horloge (ancienne porte vendômoise) et l'hôtel de ville

Jeanne et Abel DODEMAN. Photographie des Grands Magasins du Louvre

Jeanne et Abel DODEMAN. Photographie des Grands Magasins du Louvre

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50
3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

Bulletin n° 27 de septembre 1997 - Élie DODEMAN (1873-1960) (par Yves DODEMAN)

Ce jeune avocat distingué est de bonne éducation, mais il n’a pour toute fortune que son avenir. Il rencontre Mathilde LEBRUN, une jeune fille d’un milieu bourgeois dont le père vit de ses rentes. Ils se marient le 29 janvier 1902 à Bayeux : il a 29 ans et elle, 22. Ils emménagent dans l’hôtel particulier des parents LEBRUN, au 16 rue de Nesmond. Située à 100 mètres de la cathédrale, c’est une belle résidence qui fera honneur aux clients du jeune avocat. Elle s’annonce par une façade sobre sur rue dont le décors des linteaux de fenêtres dénote le 18e siècle. Le porche franchi, vous changez de siècle et vous laissez séduire par le charme désuet des demeures bourgeoises de la Restauration. Le bâtiment principal est au fond de la cour d’honneur. Au rez-de-chaussée l’office et les pièces de réception, à l’étage les chambres. La façade arrière donne sur un parc clos dont la grille d’entrée est flanquée d’un pavillon de gardien. Élie y vivra 58 ans, de son mariage à sa mort.

En 1903 naît un fils, André, objet unique de tous les soins et de tous les espoirs. Il effectue ses études secondaires à l’Ecole Ste-Marie de Caen.

En 1917, sa santé étant quelque peu déficiente, la Faculté recommande le chaud soleil du Midi. Malheureusement, comme son grand-père DODEMAN, il attrape la typhoïde qui l’emporte quelques jours avant la Noël 1917, à Arcachon. Il est aisé de comprendre que cette douleur ne s’effacera jamais réellement, malgré les occupations et préoccupations tant professionnelles que politiques d’Elie.

 

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 LA  VIE  POLITIQUE  ET  PROFES SIONNELLE  D’ ELIE  DODEMAN

En 1906, Élie s’est lancé dans la politique en se faisant élire conseiller municipal de Bayeux. Dès 1908, il est adjoint au maire, puis 1er adjoint. Aussi, lorsqu’aux élections de 1929, Monsieur ERNULT, maire de Bayeux, décide de ne pas se représenter, c’est tout naturellement qu’ Élie DODEMAN conduit la liste de l’Union Nationale Républicaine. L’UNR est très bien implantée puisqu’elle vient de faire élire à la députation, avec 88% des suffrages, son candidat, le Duc d’Harcourt, il est vrai gendre de feu le Baron GERARD, bienfaiteur de la ville.

Dans L’Indicateur de Bayeux du 30 avril 1929, on peut lire, bien en évidence en première page, la profession de foi des candidats de l’UNR : “Profondément attachés à la République et aux libertés politiques, nous voulons le maintien de l’ Union Nationale entre tous les citoyens par le respect des forces morales et religieuses...nous voulons une politique qui...allège les charges des familles nombreuses, favorise la natalité, protège l’enfance...”

Contre l’UNR, une liste d’Intérêt local dont le slogan est “ordre, économie, travail”, et une liste ouvrière.

DODEMAN et ses amis l’emportent largement avec 21 sièges contre 2 à la liste d’Intérêt local, le parti ouvrier étant complètement laminé. A la séance du conseil municipal du 17 mai 1929, Elie DODEMAN est élu maire de Bayeux par 22 voix sur 23. Très apprécié de la population, il sera réélu en 1935 et 1941, et reconduit en novembre 1944. C’était un notable, un homme de droite, d’une droite chrétienne et sociale, dont les opinions n’étaient peut-être pas sans parenté avec celles de son frère Joseph, que nous verrons plus loin. Certains le pensaient proche du bonapartisme. Il devient conseiller général ; il est même pressenti pour se présenter à la députation, mais un ami de la famille, le chanoine Trèche l’en dissuade.

Sa réussite politique fut plus manifeste que sa réussite professionnelle, car par une sorte de frilosité, il renonça à plaider à la Cour de Caen, se contentant de son cher tribunal de Bayeux. Il affirmait qu’on ne plaide bien que devant le juge qu’on connaît bien. Pourtant, d’après le Bâtonnier SEIGLE, il avait “l’expérience des hommes et des choses, une large culture, une extrême aisance dans l’expression..., il avait le goût de la plaidoirie ordonnée, de la discussion libre et complète qui permet au juge de se prononcer en connaissance de cause”.

 LE  MAIRE  DE  BAYEUX  PENDANT  L’ OCCUPATION

Les Allemands entrent à Bayeux le 18 juin 1940. Les journaux de l’époque comme Le Courrier du Bessin  paraissent sous la censure allemande, mais très vite la haine antisémite des articles trahit  l’orientation du journal : collaborateur et vichyste. Le maire y fait paraître des communiqués, dont la forme montre clairement qu’il subit la volonté de l’occupant, mais ne l’approuve pas. : “Par ordre de la Kommandantur, le Maire de Bayeux rappelle que...”, ou encore “Le Maire de Bayeux a reçu de la Kommandantur la lettre suivante :...”

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Le journal annonce aussi bien les manifestations que le maire, ès-qualités, a présidées : concerts, comités antituberculeux, fêtes des mères, fêtes du travail..., que les mesures de gestion prises par le Conseil municipal comme le lancement de travaux de voirie pour lutter contre le chômage, l’attribution de subventions aux cantines scolaires ou l’achat de bois de chauffage pour les plus démunis... Mais ce qui préoccupe le maire, c’est ce dont le journal ne parle pas : les parachutages d’armes, la distribution de tracts, les arrestations, notamment en 1941 d’un professeur du collège, en 1943 d’un groupe de personnes, en 1944 du colonel Job, interprète officiel de la mairie auprès de la Kommandantur. C’est encore la nuit blanche du 6 au 7 juin 1944, alors qu’un stock de 3000 l. d’essence près de la gare pouvait donner l’idée aux derniers allemands en retraite d’incendier la ville. La Libération est toute proche. C’est dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, par le fracas d’un bombardement ininterrompu, que les bayeusains apprennent le débarquement des armées alliées. Le 7, Bayeux est libérée sans coup férir : la vieille et riche citée est épargnée. Pour bon nombre de Bayeusains, c’est la marque de l’intervention divine, Elie DODEMAN ayant consacré sa ville à la Vierge en l’abbaye de Mondaye.Sans toutefois faire référence à ce voeu, Mgr Picaud, à la Grand-messe du dimanche 18 juin 1944, remercia “Dieu de la préservation providentielle dont la ville de Bayeux a été l’objet

Le messager de la Providence serait Dom Aubourg, aumônier du couvent de St-Vigor, qui, le 7 juin à l’aube, a prévenu les Britanniques que les Allemands avaient quitté Bayeux et qu’il était donc inutile de bombarder la ville. Il faut attendre le 14 pour que le Général De Gaulle puisse pénétrer dans la première ville de France libérée. Il écrit dans ses “Mémoires de guerre” : Quand j’arrive à l’entrée de la ville, Coulet est là avec le maire DODEMAN et son conseil municipal” Cette relation des évènements est contestée par M. MERCADER qui pense que la rencontre entre les deux hommes s’est faite à la sous-préfecture.

De Gaulle se rend sur la Place du Château où une foule en délire applaudit son discours :“Notre cri maintenant, comme toujours, est un cri de combat, parce que le chemin du combat est aussi le chemin de la liberté et le chemin de l’honneur. Nous combattrons aux côtés des Alliés, et la victoire que nous remporterons sera la victoire de la liberté et la victoire de la France. “

L’importance de Bayeux dans l’histoire de la Libération tient à ce que l’accueil enthousiaste de la population au général De Gaulle obligea les Américains à réviser leur projet de remplacer l’occupation allemande par celle des Alliés.

LA  FIN  D’ UNE  VIE

Élie DODEMAN est maintenu à son poste, alors que le sous-préfet est remplacé par Raymond TRIBOULET, homme de lettres, propriétaire d’une exploitation agricole à 10 km de Bayeux et secrétaire du Comité départemental de la résistance. Les multiples difficultés auxquelles le maire de Bayeux doit faire face en ces lendemains de la libération de sa ville, ne l’empêchent pas de se soucier de sa “chère tapisserie” mise en lieu sûr en 1941, au château de Sourches, à St-Symphorien, dans la Sarthe. Il la réclame d’abord le 28 août 1944, au secrétaire d’Etat aux Beaux-arts, puis le 6 septembre à l’archiviste du Calvados. Elle ne réintégrera son écrin que plusieurs mois plus tard. Élie DODEMAN ne se représente pas aux élections de mars 1945. Il a 72 ans, les choses et les gens ont trop changé, il est d’un autre temps. A la dernière réunion du Conseil, il est rendu hommage au maire qui a su épargner sa ville de la dévastation, en la consacrant à la Vierge. Le 8 mai, c’est sa dernière sortie officielle pour fêter la Victoire devant le Monument aux Morts où de nombreux Bayeusains disent leur plaisir d’avoir vu à l’honneur au jour de la Victoire, celui qui a souffert des difficultés de l’occupation.

Le 17 mai, ce sont les adieux à la mairie où pour le remercier de son dévouement désintéressé il lui est remis deux vases de Limoges. Le surlendemain, M. TRIBOULET le recevant à la sous-préfecture, souligne son intégrité et sa loyauté. Mais sa femme est atteinte d’un cancer qui l'emportera le 2 septembre de la même année C’est un vide dans ce ménage étroitement uni depuis 43 ans, d’autant que Mathilde avait été une femme très présente qui l’avait beaucoup soutenu dans sa carrière.

Déjà titulaire de la Légion d’Honneur, il reçoit quelques années plus tard, la médaille d’or consacrant ses 60 ans de vie professionnelle. Le conseil de l’Ordre des Avocats fait le voyage de Caen pour la lui remettre chez lui, compte tenu de son état de santé. Il décède, au 1er étage de son hôtel de la rue de Nesmond, le 28 août 1960. La commune de Bayeux, reconnaissant son dévouement au service de la ville, donna son nom a une des nouvelles rues de la cité.

Tous ceux que j’ai pu interroger notent la droiture de son caractère, sa générosité et son intégrité. C’était un bel homme, distingué et érudit, ajoute Mme SEVAUX. Malgré sa courtoisie, il impressionnait d’autant qu’on le sentait marqué par le malheur, celui de 1945 s’ajoutant à celui de 1917.

Profondément chrétien, Élie DODEMAN était d’une morale rigoureuse. Le bâtonnier SEIGLE le décrit ainsi : “...il s’avançait plein d’amabilité et de distinction. Le visage demeuré jeune émergeait d’un col raide, aux coins cassés, largement ouvert ; le front et les tempes étaient dégagés ; la barbiche soigneusement taillée.”

 

Bulletin n° 31 de septembre 1998 - Les seigneurs de Mesnil-Glaise (communication Yves DODEMAN)

Le village de Mesnil-Glaise, situé dans une boucle de l'Orne, à 5km au N.O. d'Écouché, est dominé par son château qui émerge de la riche végétation de ce lieu quelque peu sauvage. Du village, une petite route franchit l'Orne près d'une antique chapelle dédiée à St-Roch, puis escalade une falaise de 30 m. au sommet de laquelle se trouve le château, construit au XIXe siècle. Le nom de cette paroisse qui s'orthographiait Ménil-Ayse au XIIIe siècle, signifie  demeure agréable.Le domaine, 1/8e de fief de haubert (1), relevait de la baronnie d'Annebecq, près de Rânes (11 km S-O d'Écouché). La commune fut rattachée à Batilly en 1839.

LES DONATIONS AUX ABBAYES:

La quasi totalité des mentions qui ont été conservées, des DODEMAN aux 12e et 13e siècles, apparaissent dans des chartes de donation à des abbayes que l'on peut consulter aux archives départementales de l'Orne et du Calvados.

Il faut dire que les 11e et 12e siècles constituent une période riche en création d'abbayes. A l'exemple de Guillaume le Conquérant et de la Reine Mathilde qui fondent à Caen l'Abbaye aux Hommes et l'Abbaye aux Dames, les grands seigneurs créent des abbayes qui reçoivent des dons de seigneurs moins importants et de bourgeois. Élever des églises ou des abbayes, les doter le mieux possible, était un moyen recommandé pour obtenir une place au paradis. C'est ainsi qu'au fil des temps l'Église est devenue fort riche, et qu'à la veille de la Révolution, elle était le premier propriétaire de France.

Les chartes dont nous allons parler concernent souvent la donation du patronage de l'église. Ce mot de “patronage” demande explication. Le (ou les seigneurs) qui avait donné le terrain, fait construire l'église et l'avait dotée était appelé patron de l'église. Le patronage conférait des droits honorifiques, comme la préséance dans toutes les cérémonies de l'église, et des droits utiles comme la présentation à l'évêque du candidat à la cure de la paroisse. Ce droit était important car le curé bénéficiait du revenu de l'église. A chaque mutation de la seigneurie (vente ou succession ), les moines qui avaient bénéficié de cette donation du patronage, s'empressaient de faire confirmer leurs droits par le successeur afin d'éviter des contestations.

Les DODEMAN de MESNIL-GLAISE

Le premier seigneur connu est Richard de Ménileise Dodman, au milieu du 12e siècle. Il a quatre fils, Jean, Guillaume et Robert de Ménileise, et Robert Torel.

A la génération suivante, Jean seigneur de Ménileise fait don du patronage de l'église de Ménileise à l'Abbaye St-André-en-Gouffern. Il décède certainement sans enfant puisque la seigneurie passe à son frère Guillaume.

Quant à son frère Robert DOUDEMAN, chevalier, il fait don, en 1208, aux religieux de ladite abbaye, de la dîme qu'il possède dans la paroisse du Renouard (à 8km, ouest de Vimoutiers). AD du Calvados H1666.

Restes de l'église abbatiale de St-André-en-Gouffern, vers 1840

Restes de l'église abbatiale de St-André-en-Gouffern, vers 1840

A la troisième génération, Guillaume, fils de Guillaume, chevalier, délivre une charte confirmant la donation faite par son oncle, Jean de Ménileise, du patronage de l'église paroissiale à l'Abbaye St-André-en-Gouffern. Il confirme également l'aumône (2) d'autres terres concédées par son père et son oncle Robert TOREL, à la même abbaye (Cartulaire de l'abbaye aux A.D. du Calvados H6510). L'abbaye St-André-en-Gouffern, fondée en 1143 par Guillaume TALVAS, comte d'Alençon, était tenue par des moines de Cîteaux. Des ruines subsistent dans la commune de La Hoguette, à 3km S-E de Falaise.

chapiteau de l'église abbatiale de St-André, vers 1840

chapiteau de l'église abbatiale de St-André, vers 1840

A la 4e génération, on trouve en 1238, Raoul (Radulphus) DOUDEMAN, fils de Guillaume, chevalier, seigneur de Mesnil-Glaise, qui confirme ce droit de patronage (A.D. de l'Orne 2E 115, copie de chartes faites en 1585 pour Jacques de DROULLIN).

Raoul DOUDEMAN avait des biens également dans le nord de l'actuel département de l'Orne, à une vingtaine de kilomètres de Falaise, puisqu'en 1249 -comme nous l'avons vu ci-dessus p.2 et 3-  il donne à l'abbaye d'Ardenne tout le domaine qu'il possède vers Rouvrou.  (AD de l'Orne H33 et H36).

A la cinquième génération, Guillaume DODEMAN, écuyer, confirme en 1265 la donation du patronage de l'église de Mesnil-Glaise (AD de l'Orne 2E115). Mais en 1268, c'est Godefroy de Lande qui accomplit cet acte (AD de l'Orne 2E115),  ce qui peut signifier que la seigneurie a été cédée ou que ce seigneur venant de richement doter l'église en devient également patron, conjointement avec Guillaume DODEMAN. En 1275, Guillaume DODEMAN donne une terre à l'abbaye de Villers-Canivet (7km NO de Falaise), pour clore un différend à propos du moulin de Culay (actuellement Culey-le-Patry, à 5km S.O. de Thury-Harcourt).

porte de l'ancienne abbaye de Villers-Canivet

porte de l'ancienne abbaye de Villers-Canivet

Paléographie : charte de donation de Raoul Doudeman, chevalier, en 1249

Cette charte conservée aux Archives départementales de l'Orne sous la cote H33, est un document fort intéressant sans aucun doute, mais dont la transcription et la traduction dépassent nos compétences. Aussi avons-nous demandé son aide à M. Jean-Paul HERVIEU, directeur des Archives de la Manche, qui a bien voulu nous en communiquer la teneur :

Charte de Raoul Doudeman, chevalier (Radulfus Doudeman miles), concluant un litige jugé en la cour du roi entre lui et l'abbaye d'Ardenne.

Raoul Doudeman donne à Dieu et aux chanoines qui le servent à Sainte Marie d'Ardenne, en pure, perpétuelle et charité générale, toute la terre qu'il avait sous sa seigneurie à Rouvrou, près du fief de Geoffroy (?) Renout, la rivière de Rouvrou ( aque Rouvou) et le chemin allant au monastère de Segrie Fontaine (Secreto fonte).

Il précise quelques droits concernant l'usage de ses moulins et donne en outre deux petites pièces de bois dans un clos près du Vieux Bois.

Donné l'an de grâce M° CC° XL° nono (1249) au mois de mai.

PRECISIONS :

Des ruines de l'abbaye d'Ardenne subsistent sur la commune de St-Germain-la-Blanche-Herbe, dans la banlieue ouest de Caen. Cette abbaye de l'ordre des Prémontrés fut fondée en 1121.

Rouvrou était une baronnie de la famille de SAINT-GERMAIN, dont un des fils accompagna le Duc Robert à la Première Croisade, où se trouvait également Hervé DODEMAN. Ce village a été rattaché en 1812, à la commune de Ménil-Hubert-sur-Orne (17 km ouest de Falaise).

Le prieuré de Ségrie-Fontaine était desservi par des chanoines réguliers de l'abbaye d'Ardenne dont il dépendait.

Nota

Pour de plus amples renseignements sur Ségrie-Fontaine, Rouvrou et Mesnil-Hubert-sur-Orne consulter Histoire et antiquité du marquisat de Ségrie-Fontaine par Eugène Lainé de Néel, Caen 1844 (AD de l'Orne SHAO 983).

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AUTRES SEIGNEURS DE MESNIL-GLAISE

La seigneurie appartenait en 1380 à Guillaume Le QUEU, chevalier. Foucquet LEQUEU, écuyer apparaît de 1479 à 1502, et Geoffroy Lequeu en 1521. Ils ont donné leur nom au fief et au Moulin de la Queurie, sur l'Orne, paroisse de Giel, limitrophe de Mesnil-Glaise. Après la mort sans descendant de Pierre Le Queu en 1556, la seigneurie passe aux RUPIERRE pour peu de temps puisque le 1er mars 1573, Guillaume de RUPIERRE vend, à Argentan, la seigneurie de Mesnil-Glaise à Jacques DROULLIN, sieur d'Urou, Chantelou et Champeaux. Sa famille conservera ce bien pendant 200 ans. Les DROULLIN portaient d'argent au chevron de gueules accompagné de 3 quintefeuilles de sinople 2 et 1. Le dernier possesseur de la terre de Mesnil-Glaise, Alphonse de DROULLIN (1732-1814), dit le chevalier de Mesnil-Glaise, colonel (1774), qui devint plus tard maréchal de camp (1790), chevalier de St-Louis et baron d'Empire, vendit le manoir et la terre de Mesnil-Glaise, à Rouen, le 14 juin 1777, à Jacques Philippe Louis LE FRERE de MAISONS, chevalier, seigneur du Mesnil-Gondouin avec réversion sur la tête de ce dernier, du marquisat de Mesnil-Glaise à la mort de l'ancien propriétaire.

C'est Alexandre GUYON des DIGUIERES qui, ayant hérité le domaine de sa tante LE FRERE de MAISONS, fit ériger le nouveau château en 1875. Il y décéda le 25 avril 1899. L'industriel parisien BEHIN qui en était propriétaire avant guerre, laissa le souvenir d'un homme de bien qui de surcroît entretenait parfaitement le château et le parc. Depuis les années soixante-quinze, le château est la propriété de l'Institut THERACIE.

Nota :

(1) Le haubert est la cotte de maille des hommes d'arme du Moyen âge.

Le fief de haubert est le fief le plus noble dans la hiérarchie féodale. Son possesseur devait fournir  à son suzerain,  en cas de guerre, un homme monté, armé et revêtu de son haubert.

(2) Au Moyen âge, une aumône est  une donation faite à l'Église.

Bibliographie :

Alfred de Caix : Histoire du bourg d'Ecouché (Caen 1862)

Victor des Diguères : Les environs d'Argentan, Ménilglaise (Paris 1879)

Gustave Le Vavasseur : Notice historique et archéologique sur le canton d'Écouché (Annuaire du département de l'Orne 1857)

Borel d'Hauterive : Notice... sur les maisons de Droullin et de Godefroy de Ménilglaise (Extrait de l'Annuaire de la Noblesse pour 1856, Paris)

Dictionnaire du Pays d'Argentan

Hubert Lamant : Armorial général et nobiliaire français T16, fasc1, N°61, Paris 1987

Patrice Rocher : Abbaye de Villers-Canivet, Association “Les Amis de l'Abbaye de Villers-Canivet” 1995

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Bulletin n° 31 de Septembre 1998 - Gaston Dodemain (1904-1978) issu d’une famille laïque les Dodemain de Vendée. (D'après les propos recueillis par Guy B. DODEMAN auprès de Mmes Artigue et François, nées Dodemain)

Lorsqu'au début du siècle dernier, (19°siècle) Louis Dodemain arrivant de sa Bretagne natale, s'est installé à Mareuil (Vendée), les Dodemain étaient semble t-il assez localisés dans la région de Saint Brieuc. Peut-être étaient-ils eux-mêmes apparentés à des DODEMAN en provenance de l'Ille et Vilaine toute proche, voire même de la Manche

Le nom de Dodemain semble rarissime en France. En dehors de la branche vendéenne que nous avons reconstituée, il existe une Mme Yvonne Dodemain à Paimpol dont le mari, Célestin, officier mécanicien mort en 1962, était originaire de Pleurtuit (Ille & Vilaine). Par ailleurs, d'après un relevé Minitel six Dosdemain vivent actuellement dans les Côtes d'Armor, à l'Hermitage-Lorge, Lamballe, Ruca, Saint Potan, Tramain et Urel.

A la fin de l'été 1997, j'ai rencontré Mme Artigue, née Dodemain, descendante à la 5ème génération de ce Louis Dodemain arrivé près de deux siècles auparavant en Vendée. Mme Artigue est une personne très dynamique qui, après une carrière bien remplie dans l'enseignement, a fondé une association culturelle de danses traditionnelles vendéennes qu'elle anime toujours. Elle m'avait précisé que sa famille avait une culture plutôt laïque, et le sens de l'entraide. Ils exerçaient surtout des professions de la fonction publique : professeur des collèges, instituteur, receveur des Postes, facteur rural, gendarme. Elle me parla également de son frère, Gaston Dodemain, une figure de Challans (Vendée).

Gaston DODEMAN

Gaston DODEMAN

Gaston Dodemain (1904 – 1978)

Il sortit major de sa promotion à l'Ecole Normale de la Roche-sur-Yon. C'était un grand sportif, doté d'une forte personnalité : soif d'indépendance, loyauté, générosité et passion de la liberté. Sa fille avec laquelle j'ai échangé une correspondance, m'écrivait en février 1998 :

Pendant la guerre, il a été prisonnier. Il a su s'occuper pour ne pas se  décourager. Il a appris à lire aux prisonniers analphabètes. Il demandait des livres d'algèbre et de géométrie ; il faisait de l'anglais et a essayé d'apprendre l'allemand pour être l'interprète du groupe dont il était responsable. Je me souviens qu'il avait demandé  du matériel pour faire du dessin et de la peinture. Il a été libéré avant la fin de la guerre, pour raison médicale. Après la guerre, il aida les personnes en difficultés administratives, et fit fonction d'assistante sociale.

Le Tome 25 du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, écrit sous la direction de J. Maitron et publié aux Editions Ouvrières, donne une courte biographie de Gaston Dodemain, dont voici des extraits :

Instituteur, socialiste, Gaston Dodemain représentait la Ligue des Droits de l'Homme à Challans (Vendée)  lors de la grève et du meeting de protestation contre les événements du 6 février 1934. Syndiqué au S.N.I., il donna des articles au bulletin départemental sans toutefois être élu membre du Bureau.Il participa au Comité antifaciste de Challans.Après la guerre, il se présenta comme candidat socialiste (tendance Guy Mollet) notamment en 1958.

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

Bulletin n° 32 de septembre 1998  - Les DODEMAN d'Avranches : 1599 - 1790, (par Yves DODEMAN)

Les registres paroissiaux d'Avranches sont consultables à la bibliothèque municipale, place St-Gervais, où le meilleur accueil est réservé aux lecteurs. Les généalogistes avranchinais devraient élever une statue à Joseph Marie CRUCHON, employé de la mairie, né en 1836, qui a réalisé les tables décennales depuis l'origine jusqu'à la Révolution, pour chacune des trois paroisses de la ville.

J'ai récemment relevé 117 actes concernant la vie des DODEMAN d'Avranches pendant près de deux siècles (1599-1790)

A cette époque, il existait 3 paroisses à Avranches : Notre-Dame-des-Champs, St-Gervais et St-Saturnin. Jusqu'au 13e siècle, la cathédrale St-André, aujourd'hui démolie, était la seule église paroissiale. Lorsque le cimetière fut transféré hors la ville, on bâtit à côté, une chapelle sous le vocable de Notre-Dame. On l'agrandit ensuite, et elle devint, à la place de la cathédrale, l'église paroissiale de la vieille ville, sous le nom de N-D-des Champs. A ce titre, elle avait le premier rang dans les processions.  Ce privilège lui fut plusieurs fois disputé par St-Gervais et St-Saturnin qui n'étaient pas moins anciennes.

Nous allons passer en revue les trois paroisses dans l'ordre croissant du nombre d'actes relatifs aux DODEMAN.

AVRANCHES cathédrale St-André avant son effondrement, le 10 avril 1794 ( lithographie éditée à Caen en 1839)

AVRANCHES cathédrale St-André avant son effondrement, le 10 avril 1794 ( lithographie éditée à Caen en 1839)

Saint Saturnin

Il y a 8 naissances, 5 mariages et 8 décès soit 21 actes de DODEMAN entre 1642 et 1790. Les actes assez peu détaillés, concernent souvent des familles de passage. A cet égard, l'exemple de Louise Françoise DODEMAN est assez parlant. Elle est née à St-Senier-sous-Avanches en 1764, d'un père natif de Pont-sous-Avranches et d'une mère originaire de St-Ovin qui se sont mariés à St-Gervais d'Avranches. Françoise, elle, épouse à St-Saturnin d'Avranches, Gilles Thomas JOUAULT, capitaine au service du Roi, originaire de St-Denis de Cuves. Dans les villes, on rencontre parfois des filles de la campagne venues cacher une naissance illégitime. Un seul cas concerne les DODEMAN, c'était le 28 mai 1701. «.... s'est présenté devant moy Gabriel Le Mesnager, prêtre de St-Saturnin, françoise Le Clerc matrosne jurée laquelle m'a apporté un enfant malle illégitime... de suzanne dosdeman de la paroisse de Cuves, laquelle dans le fond de ses peines a dit estre des œuvres de hervé gaaud de la paroisse de Val-St-Père... »

Dans le fonds de ses peines ! On imagine bien la souffrance physique de la parturiente et la détresse morale de la fille-mère.

Un autre acte curieux, le 18 mars 1739 : «... Catherine Renault matrone nous a apporté à l'église deux enfants mâles nées d'une seule couche ce jour d'huy d'une inconnue qui s'est nommée Marie jougan qui a déclaré être l'épouse de jean DODEMAN, les deux dits enfants ont été baptisés et tenus sur les saints fonds de baptême, l'ainé par Laurent hamel, et sainte le moinne et a été nommé Saint, le second par etienne frault et jeanne frault et a été nommé Etienne... »

Trésor de Saint-Gervais : reliquaire du chef de sainte Suzanne, en bronze doré datant de la fin du XIIIe siècle, ou au début du XIVe siècle

Trésor de Saint-Gervais : reliquaire du chef de sainte Suzanne, en bronze doré datant de la fin du XIIIe siècle, ou au début du XIVe siècle

Saint Gervais

De  1618 à 1773, il a été relevé 11 naissances, 4 mariages et 7 décès, soit 22 actes. La principale famille est celle de Julien DODEMAN, blanchisseur, fils de Pierre et de Louyse PORTIER. Il se marie deux fois et a neuf enfants. Son fils François, journalier, épouse Marie MONTALAN en 1714. On trouve aussi des actes relatifs aux DODEMAN du Val-St-Père. Deux filles des environs viennent accoucher discrètement à la ville : Ainsi, en 1693, c'est Louise DODEMAN de la paroisse de Brécey (?) qui donne naissance à Françoyse. Le 15 décembre 1776, naît Louis Valentin, fils de Marie DODEMAN, de Notre-Dame-de-Cresnay.

Notre-Dame-des-Champs

C'est manifestement la paroisse la plus huppée. C'est aussi celle où l'on trouve le plus de DODEMAN. De 1599 à 1790 j'ai relevé 23 naissances, 25 mariages et 26 décès, soit 74 actes. Deux familles se distinguent particulièrement.

Christofle ou Crétoffe, qui a épousé Jeanne RENAULT à la fin du XVIe siècle, a eu 5 enfants. Il est cité dans « l'état des deniers deubz au Roy... pour Avranches » ; en 1608,  il doit 3 sols « pour une maison et une petite cour à lui appartenant ». Un des fils de « cet honorable homme », Gilles né vers 1601, est qualifié de sieur de la Martinière. Il sera enterré  « dans la chapelle de Saint Crespin », le 8 mars 1681. Une des filles de Christofle, Françoise fut également inhumée dans l'église « proche les fontz baptismaux ». Être enterré dans l'église marquait un certain niveau social.

L'autre famille descend de Richard DODEMAN, sieur du Vivier, officier de sa Majesté et bourgeois d'Avranches. Deux de ses enfants font de beaux mariages :

- en 1694, Louise Ester épouse Jean du Fossé, fils d'un avocat de Mortain,

- en 1701, René, sieur, de Montfermeray, officier chez le Roi, épouse Charlotte GAUDIN, fille du sieur de la Morandière.

A la génération suivante, les deux filles de René se placent également dans la bonne société. C'est  Jeanne Jacqueline (1702-1751) qui se marie d'abord avec Joseph de LIESSE, sieur de la Commanderie, puis avec Jean du MESNIL (1691-1757), écuyer, sieur du Vivier, qui la fait pénétrer dans la noblesse. C'est également Magdelaine (1704-1748) qui épouse Charles de LIESSE, sieur du MESNIL, qui deviendra lieutenant du gouverneur du château et de la ville d'Avranches.

Notons quelques DODEMAN de passage :

- C’est le mariage, le 2 juin 1624, de Me Richard DODEMAN, natif de St-Pair, avocat à Mortain, avec une avranchinaise, Berthelemie Des BROUSSES, fille du sieur de la Brigueterie.

-  Un siècle et demi plus tard, le 25 novembre 1788, Etienne DUPUY « maître-tailleur d'habits originaire de Notre-Dame Dacqs (d'Asques) ?) province de Guienne, cy-devant musicien dans le régiment de Bourbon infanterie dont il a eu congé absolu le 11 avril, signé du duc de Coigny lieutenant général des armées du Roy...., demeuré en garnison dans cette ville et sur cette paroisse » depuis le 1er septembre 1780, épouse Anne DODEMAN, originaire de Pont-sous-Avranches.

Enfin, nous avons relaté le décès de deux prêtres :

- le 19 janvier 1600, c'est l'inhumation «auprès de la porte de l'église » de Me Christofle DODEMAN, prêtre à l'église de ND des Champs.

- et le 7 avril 1683, c'est au tour de « discrette personne Me Sébastien DODEMAN prêtre, chanoinne dans la cathédrale d'avranches, principal du collège de laditte ville et grand vicaire de monseigneur l'evesque d'Avranches, âgé de 58 ans ou viron ».

Bulletin n° 32 de décembre 1998 - Les DODEMAN en France de 1891 à 1990, (par Yves DODEMAN)

La société SWIC (1) a engrangé 15 millions d'actes rédigés entre 1839 et 1898, dans 60 départements, que vous pouvez consulter sur 3627 GENEALOGY (5,57 f. la minute). Elle publie par ailleurs, un document fort bien présenté intitulé «  La France de mon nom de famille ». A partir des sources fournies par l'INSEE pour la période 1891 – 1990. SWIC vous donne le nombre de naissances des porteurs de votre patronyme par département, et par période de 25 ans. On ajoute la liste des 30 communes ayant enregistré le plus de naissances dans chacune des périodes considérées. La consultation des registres de moins de 100 ans étant interdite, ces documents sont très précieux pour retrouver les lieux d'émigration de branches disparues.

A partir des dossiers des DODEMAN, DODEMAND, DODEMENT et DODEMONT, j'ai établi les statistiques qui suivent.

Evolution  du nombre des naissances

Dans cette période de 100 ans, il a été relevé au total 899 naissances :

144  de 1891 à 1915

207  de 1916 à 1940

291  de 1941 à 1965

257  de 1966 à 1990

On s'aperçoit ainsi que, si les naissances ont régulièrement progressé pendant les trois premières périodes, elle régressent au cours de la dernière. Mais si l'on sépare les DODEMAN d'un côté, et les DODEMAND, DODEMENT et DODEMONT de l'autre, on constate que ce sont les DODEMAN qui font baisser les moyennes.

Voici, en effet le pourcentage des nouveaux nés DODEMAN dans l'ensemble des naissances des quatre patronymes :

82% dans la période 1891-1915

78%    «     «             1916-1940

70%    «     «             1941-1965

63%    «     «             1966-1990

On assiste à un double phénomène : alors que les naissances chez les DODEMENT, DODEMONT, et surtout DODEMAND progressent à chaque période, et d'une façon parfois spectaculaire, les DODEMAN, eux s'essoufflent, et chutent après 1966. Si l'on rapporte le nombre de naissances annuelles pendant la période 1966-1990 au nombre estimé par SWIC, des porteurs de chaque patronyme, on obtient le résultat suivant :

   DODEMAN      0,8%

   DODEMENT    1,0%

   DODEMAND   1,2%

   DODEMONT   1,5%

Les DODEMAN apparaissent bien comme les moins prolifiques. Il serait intéressant de comparer ces chiffres à ceux qu'on pourrait calculer pour d'autres patronymes.

Migrations

Pour les DODEMAN, la Manche et le Calvados, sont, de loin, les départements de plus forte implantation, mais cette caractéristique a diminué au cours des 100 ans étudiés. Pourcentage de naissances dans la Manche et le Calvados, par rapport au nombre de naissances totales dans la période considérée.

   82% de 1891 à 1915

   77% de 1916 à 1940

   67% de 1941 à 1965

   46% de 1966 à 1990

Corrélativement, la part de Paris et des 7 autres départements de l'Ile-de-France croit de 12% à 25%. L'on constate également une dispersion de plus en plus grande des DODEMAN : voici

le nombre de départements où naissent des DODEMAN pour chacune des périodes :

     7 départements entre 1891 et 1915

   12         «             entre 1916 et 1940

   18         «             entre 1941 et 1965

   29         «             entre 1966 et 1990

Des constatations semblables pourraient être faites pour les autres orthographes, avec les particularités suivantes- - pour les DODEMAND l'importance de l'Ille-et-Vilaine, après la Manche et le Calvados.

- pour les DODEMENT c'est avant tout les départements du Cher et du Maine-et-Loire, et secondairement le Val-de-Marne et la Marne.

- pour les DODEMONT, leur faible nombre ne donne rien de significatif.

Communes de naissance

Voici pour chaque période, les noms des 8 communes où naissent le plus de DODEMAN :

1891-1915 : Beauficel(50), Besneville (50), St-Lô (50), St-Paul-du-Vernay (14), Champeaux (50), Cherbourg (50, Cresnays (50), Digosville (50)

1916-1940 : Cresnays (50, St-Paul-du Vernay (14), Gonneville (50,  Saint-Pierre & Miquelon (97), Gathemo (50), Graverie (14), Braffais (50), Boulon (14)

1941-1965 : Caen (14, Bayeux (14), Granville (50), Saint Pierre (97), Cresnays (50, Merville (14), Paris 14e (75),  Villedieu-les-Pöeles (50)

1966 – 1990 : Caen (14), Saint Pierre (97), Cherbourg (50), Lisieux (14), Vire (14), Valognes (50) Rennes (35), Carentan (50) 

On constate que si dans les deux premières périodes, les enfants naissent dans les villages, dès l'après-guerre les naissances ont lieu surtout dans les villes. Ce phénomène assez soudain est dû d'une part à la migration vers les villes, et d'autre part à la généralisation des accouchements dans les maternités.              

Communes de naissance des DODEMAND, DODEMENT et DODEMONT

Dodemand

1891-1915 : St-Germain-Tallevende (14), Gouvets (50, Champ-du-Boult (14), Le Gast (14, Rully (14)

1916-1940 : Rully (14), Beauficel (50), Sept-Frères (14), St-Servan (35), Gouvets (50)

1941-1965 : Vire (14), Désertines (53), St-Quentin (61), St-Malo (35), Créances (50),

1966-1990 : Vire (14) St-Malo (35), Coutances (50), Fougères (35), Rouen (76)

DODEMENT

1891-1915 : St-Amand (18), Langeais (37), Cizay (49) Montreuil-Bellay (49)

1916-1940 : St-Amand (18), Epernay (51), Bourget (93), Villeneuve-St-Georges (94)

1941-1965 : St-Amand (18), Blanc-Mesnil (93), Perreux-sur-Marne (94), Paris 16e (75)

1966-1990 : Savigny-sur-Orge (91), St-Amand (18), Bourges (18), Vierzon (18)

DODEMONT :

1891-1915 : Anzin (59), Angers (49), St-Lambert-des Levées (49)

1916-1940 : Rochefoucault (16), St.-Révérien (58), Grand-Fort-Philippe (59)

1941-1965 : Rieux (50) Cosne-Cours-sur-Loire (58) Anzin (59)

1966-1990 : Crépy-en-Valois, Cosne-Cours-sur-Loire (58), Creil (60)

(1)SWIC, 4 rue de Commaile 75007 PARIS

 

Bulletin n° 33 de mars 1999 - DODEMONT, gréviste en 1853, (communication de Yves DODEMAN)

Le dictionnaire du mouvement ouvrier français publié à Paris sous la direction de Jean MAITRON, aux Editions ouvrières françaises, nous apprend que DODEMONT, charretier, titulaire de la médaille N°25 de la Société des Brouettiers du Grand Corps du Havre fut un des grévistes du 13 juin 1853.

La Société des brouettiers :

Cette Société qui existait déjà sur le port du Havre sous l’ancien régime, avait été refondée en 1803, à l’époque où dans les principales villes de France, les anciennes corporations se regroupaient en mutualités. La Société des Brouettiers prévoyait 81 charges numérotées. Ses tarifs de transport sur brouette et sur carriole pour les marchandises, étaient homologués par les autorités administratives. Ses dirigeants, appelés d’abord secrétaire écrivain puis chef, ou chef boursier, étaient élus en présence du maire du Havre tous les ans ou tous les deux ans. Aux statuts de 1803 s’ajoutèrent des règlements en 1831 ( sur l’ordre et la discipline) et en 1849 (sur les tarifs et sur la création d’un fonds social)

La grève du 13 juin 1853:

Les brouettiers demandaient un relèvement de leurs salaires mensuels qui étaient de 75 F. l’été, et 70F. l’hiver. Le 13 juin, Alexandre, Baril, Brunetot, DODEMONT et Savalle refusèrent de sortir leurs chevaux “sous le prétexte que, vu la longueur des journées, ils n’étaient pas assez payés ”, et incitèrent les autres charretiers à les suivre. La Société des Brouettiers du Grand Corps demanda contre eux l’appui de la police en alléguant que les actionnaires devaient 15 jours de préavis avant de cesser le travail. Ce fut un tout petit mouvement, à côté de la grève insurrectionnelle des Canuts lyonnais, en novembre 1831, mais il s’inscrit dans l’histoire du mouvement ouvrier français du 19e siècle.

A lire:

Théodore Bérégi :  A travers l’histoire du mouvement ouvrier,  et Présence de penseurs du mouvement ouvrier, deux ouvrages publiés pa F.O en 1967 et 1982

Bulletin n° 34 de juin 1999 - Julien DODEMAN, bagnard en Bretagne, (par Yves DODEMAN)

Dans le Bulletin n° 33, nous vous avions parlé de François DODEMAN, de Valognes, qui mourut au bagne de Nouvelle-Calédonie en 1885. C'est d'un autre bagne, beaucoup plus proche, dont nous vous entretiendrons aujourd'hui, celui de Glomel, dans les Côtes d'Armor, où décéda  en 1828, Julien DODEMAN, affecté à la construction du Canal de Nantes à Brest.

Le canal de Nantes à Brest

Des projets avaient été envisagés aux XVIIe et XVIIIe siècles, mais c'est sous l'Empire, en 1804, que les travaux commencent. Ils dureront près de 40 ans : en 1842, Nantes était ainsi reliée à Brest par 360 km de rivières navigables et de canaux régulés par 236 écluses. Pendant les premières années, les travaux sont réalisés par des travailleurs recrutés dans les environs et, à partir de 1812, par des prisonniers espagnols qui creusent le tronçon entre Erdre et Isac. Interrompus en 1815, les travaux reprennent en 1822.

Le bagne de Glomel :

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

Le plateau de Lan Péran, à Glomel, se situe au coeur de la Bretagne, dans les Montagnes Noires, à quelques kilomètres de la ville de Rostrenen. C'est ce plateau, à 184 m. d'altitude, qui devra être entaillé sur une longueur de 4 km., une largeur de 80 m. et une profondeur atteignant 23 m., afin de relier par un bief de partage, le cours du Doré à celui du Kergoat. Ce travail pharaonique connu sous le nom de "Grande tranchée" est entamé en 1822.

Les entreprises sont confrontées à des conditions climatiques rudes et malsaines qui rebutent les ouvriers, et à des difficultés de transport, les chemins carrossables étant inexistants.  Les travaux n'avançant pas assez vite, il est rapidement décidé de faire venir des condamnés militaires pour lesquels le Roi commue "leur première peine à celle moins rigoureuse de travaux forcés". Entre 1823 et 1832, ces fortes têtes sont sorties de leur geôle pour terminer leur temps dans "l'enfer de Glomel". Pour les héberger, l'ingénieur LECOR qui dirige les travaux, fait construire un camp à 1km. du bourg de Glomel : ce sont des baraques de 5,5m. de large, au sol de terre battue, couvertes de chaume. Par crainte d'incendie, elles ne sont ni éclairées ni chauffées. 4 dortoirs de 20 m. de long sont prévus pour 600 condamnés. Les gendarmes ne sont guère mieux lotis qui sont logés à 54 dans une pièce de 45 m. de long. Le 5 juin 1823 les 32 premiers bagnards arrivent en provenance de Brest. Le 26 juin 1823, ils sont déjà "68, parmi lesquels 20 des galères militaires où ils traînaient le boulet". Le camp est inauguré officiellement le 28 juillet 1823, en présence du curé et du maire  de Glomel. Ce dernier s'adresse ainsi à eux :

.« Vous avez déserté vos drapeaux, ou vous ne vous êtes pas présentés lorsque vous en avez reçu l'appel. Frappés par la loi, sa rigueur a dû vous paraître mille fois plus douce que les remords d'une faute inconsidérée qui sont un tourment pour ceux dans le cœur desquels l'honneur n'est pas encore effacé....Le chef distingué qui vous commande a les yeux ouverts sur vous. Ceux qui, par leur bonne conduite et leur aptitude au travail, se montreront dignes d'égards, seront signalés par lui et recommandés à la clémence du meilleur des Rois ».

Le régime est très sévère, les punitions étant fréquentes. Les contestataires sont le plus souvent enchaînés. Les conditions de travail sont très dures : il faut être sur le chantier avant le lever du jour et jusqu'à la nuit, par tous les temps et en toute saison. On comprend que les tentatives de désertion soient nombreuses. Dès les premiers mois, la maladie sévit. En 1827, les cas de fièvre récurrente se multiplient. Il s'agit certainement de paludisme dont le nom n'apparaitra qu'en 1884. Le 2 avril 1827, le Dr. GAËLLO, médecin du camp, propose au préfet de "diminuer et prévenir par l'usage d'une boisson tonique, l'invasion de la fièvre intermittente ". Il s'agit d' "eau de vie dans laquelle on a fait digérer du quinquina en écorce ou du sulfate de quinine et de donner tous les matins à jeun à chaque homme un seizième de litre" Le préfet est d'accord, mais il réduit la quantité à 1/32e de litre par jour (1). Manquant de place pour soigner les malades, le préfet des Côtes-du-Nord demande, le 22 août 1827, à celui du Morbihan d'en recevoir  à Pontivy, "dans l'intérêt de l'humanité". Mais les bagnards ne sont pas les seuls touchés, le préfet demande également au commandant militaire du département d'envoyer un détachement de 40 hommes du 45e de ligne pour remplacer les 50 gendarmes hospitalisés (2). La fiche de mouvement journalier du 7 au 9 octobre 1827 précise que 36 condamnés sont à l'hospice de Rostrenen et et 40 au camp, 29 gendarmes et 15 militaires du détachement sont à l'hôpital, 2 employés et 2 ouvriers libres sont également malades (3).

Julien DODEMAN

Il est né aux Loges-sur-Brécey, le 8 avril 1802. Malheureusement, la destruction des actes par les Chouans, ne nous permet pas de connaître son ascendance. Il a dû être appelé en 1822 pour servir sous les drapeaux. A-t-il été indiscipliné ? Les rôles du bagne de Lorient (4) sont constitués de jeunes soldats passés devant le conseil de guerre pour "insultes ou menaces de propos ou de gestes envers son supérieur" et condamnés à 5 ans de travaux forcés. Un bras d'honneur coûtait fort cher en ces temps là ! A-t-il été réfractaire ou a-t-il déserté ?  Il faut rappeler qu'en 1823 l'armée française, sous les ordres du duc d'Angoulême, se préparait à entrer en Espagne pour rétablir l'absolutisme du roi Ferdinand VII et que les libéraux français incitaient ouvertement nos soldats à désobéir (5) Ce qui est établi, c'est qu'il a été condamné au bagne. Mais où a-t-il commencé à purger sa peine ? Les recherches faites au Service historique de la Marine à Vincennes, sur les bagnes de Brest, Lorient et Rochefort n'ont pas permis de le découvrir. Il a été transféré au Camp de Glomel, vraissemblablement au cours du 2e trimestre 1827 On lui a attribué le  numéro matricule 1176. Comme bien d'autres, il contractera le paludisme qui le conduira  le 1er septembre 1827 à l'hospice de Rostrenen, où il décédera le 5 janvier 1828.

Epilogue :

Les décès continuent, moins nombreux toutefois qu'en 1827. En juillet 1830, les bagnards profitent du renversement de Charles X pour fomenter une grave révolte. Ils sortent du camp et marchent sur Pontivy dans le but de piller la ville. Ils sont ramenés à la raison par Charles BESLAN, un entrepreneur de Dinan qui, plus tard, deviendra membre de la Commune de Paris. Le camp, fermé en 1832 à la suite d'une épidémie meurtrière de choléra, est rasé en 1834. Le canal sera mis en eau en janvier 1842. Il aura coûté 150 000 francs-or du kilomètre... et fait des milliers de victimes. Ces hommes sont morts en creusant, centimètre par centimètre, une tranchée dont ils ne virent jamais la fin. Mais ces 10 ans de travaux à Glomel, exécutés par 2000 travailleurs, forçats et volontaires, ont favorisé le développement de la commune. Ce fut une véritable aubaine pour les ouvriers, artisans et commerçants de ce pauvre village. Ensuite, jusqu'en 1929, le transit des péniches tirées par des chevaux assura un travail permanent aux éclusiers, sans compter le renforcement et la plantation des berges qui s'effondraient régulièrement.

Actuellement, les touristes qui remontent paisiblement le canal, l'été sur des péniches, ont du mal à imaginer en arrivant au bief de Glomel, dans cet environnement agreste, ce que fut "l'enfer de Glomel".

Notes:

(1) (2) : Archives des Côtes d'Armor ref. 9S3 (10)

(3) : Archives des Côtes d'Armor ref. 9S3 (5)

(4) : Archives centrales de la Marine ref. DD5-224

(5) : L'expédition d'Espagne se termina victorieusement pour nos troupes par la prise du Trocadéro, près de Cadix, en août 1823.

Bibliographie :

-Emile GUYOMARD "Construction du canal de Nantes à Brest 1804-1842" 1981 et 1985.

-Kader  BENFERHAT "Construction du canal de Nantes à Brest : de la Loire à la Vilaine" 1987

-J. GUILLET, J.P. CEBRON, E. GUYOMARD "La 40 au camp, 29 gendarmes et 15 militaires du détachement sont à l'hôpital, 2 employés et 2 ouvriers libres sont également malades (3).

 

Le canal de Nantes à Brest, vers Glomel

Le canal de Nantes à Brest, vers Glomel

bulletin n° 34 de juin 1999 PALEOGRAPHIE : épidémie de fièvres au camp de GLOMEL (Côtes-du-nord), en 1827 

Cette lettre sert d'introduction à l'article qui suit, intitulé "Bagnard en Bretagne". Adressée au Préfet des Côtes-du-Nord par l'ingénieur Lecor, elle est relative à l'épidémie de fièvres mortelles qui ravage le camp de Glomel où des bagnards creusent le canal de Nantes à Brest. Bien calligraphiée, elle ne présente pas de difficultés de lecture. Vous remarquerez l'ampleur des lettres finales, notamment les t, les r et surtout les s.

        N°309                                                                       St-Brieuc, le 20 août 1827

 canal de Nantes

       à Brest

 Point de Partage

     de Glomel                                     Monsieur le Préfet,

condamnés malades

 

 

Depuis quelques jours les fièvres commencent à se

déclarer de nouveau au camp des condamnés à Glomel

et l'infirmerie est loin de suffire pour recevoir tous les

malades, au point qu'on est obligé de les conserver

dans les salles : le nombre de ceux qui se trouvent dans

ce cas est aujourd'hui de 23, d'un autre côté il n'y a plus

de places vaccantes à l'hospice de Rostrenen ; de sorte

qu'on va se trouver dans la nécessité de mettre à exécution

l'arrêté de Mr. votre prédécesseur en date du 26 août 1826 ;

lequel autorise le transport des malades à l'hospice

de Pontivy conformément à l'art.35 du décret du 18 juin

1809. Ceci ne pourra avoir lieu que pour les condamnés

dont la maladie serait assez grave à cause du peu de place

réservé dans l'hospice de cette ville aux militaires malades,

il est même à craindre que l'ad[ministrati]on de cet hospice refuse

encore, comme elle fit l'an dernier, de recevoir des

 

A Mr de fadate de St.George

Préfet des côtes-du-nord, chevalier

de l'ordre Royal de la légion d'honneur

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              [2e page, non reproduite ci-contre]

condamnés que l'on fut obligé de ramener à Glomel.

Pour éviter de semblables contrariétés il serait peut être

convenable Mr le Préfet, que vous eussiez la complaisance

de vous concerter avec Mr le Préfet du Morbihan, pour

l'inviter à engager les administrateurs de l'hospice de

de Pontivy à recevoir en payant, un certain nombre de nos

condamnés malades.

J'ai l'honneur d'être avec un respectueux dévouement Monsieur le Préfet,                                             votre très humble et  très obéissant serviteur  l'Ingénieur en chef des côtes-du-nord                                                      Lecor

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

Bulletin n° 38 de juin 2000La famille DODEMAN dans le nord cotentin depuis le XVIe siècle jusqu'à nos jours (par Evelyne Boyer) 

Je suis très heureuse que cette Assemblée générale 2000 se soit passée à côté de Digosville puisque c'est quasiment une date anniversaire. En effet, cinq cents ans séparent Jehan DODEMAN de ses descendants actuels ! En entrant dans la salle, vous avez pu le voir en tête de l’arbre généalogique regroupant les DODEMAN de l’extrême Nord-Cotentin. Le noyau principal de ces DODEMAN se situe à Digosville avec un premier acte en 1675. Les archives de cette commune débutent en 1668 et la période 1668/1700 ne comporte que quelques actes en très mauvais état…

A Tourlaville, dont les premières archives remontent à 1620, nous trouvons également de nombreux DODEMAN mais, en fait, ceux-ci n’apparaissent qu’à partir de 1680 et venaient, sans aucun doute, de Digosville. Les DODEMAN de Digosville que j’ai répertoriés sont restés assez localisés. Ils faisaient souvent l’aller-retour sur Tourlaville pour se marier ou avoir quelques enfants, puis ils réintégraient Digosville. Quelques-uns iront se marier ou faire souche un peu plus loin, (Saussemesnil, le Mesnil au Val, Héauville dans le canton des Pieux, Montfarville, Huberville et St Cyr Bocage près de Valognes, ce qui est vraiment la limite) ou travailler pour le Sire de Gouberville  au Mesnil au Val. Aucune interférence avec le noyau de Picauville, pourtant assez proche.Très peu à Cherbourg où beaucoup des DODEMAN retrouvés venaient du Sud de la Manche.

Ce que vous avez trouvé dans cet arbre :

- Les DODEMAN hommes et femmes avec leurs conjoints et la descendance que j’ai pu retrouver.

 - Les enfants dont je n’ai pas encore trouvé la descendance, soit que leur décès n’apparaisse pas ou qu’ils soient partis à l’âge adulte vers d’autres cieux.

- Les adultes pour lesquels je n’ai pas de renseignements sur leur situation de famille ou dont je n’ai pas encore trouvé le décès.

-Certaines branches se terminent par la mention “ cas d’implexe ”. C’est un mariage entre cousins. Il faut chercher la descendance dans une autre branche.

Ce que vous n’y avez pas trouvé :

- Les enfants mort-nés ou morts en bas âge sauf si ces enfants marquent la fin d’une branche sans autre descendance.

- Les femmes et hommes célibataires.

Une petite parenthèse

1/ Sur le patronyme DODEMAN qui est écrit de bien des façons différentes : DODEMAN, DODEMAIN, DODMAN, DODMANT, DODEMONT, DODE-MAND, etc.

2/ Sur le prénom Chaterine qui s’explique par le patois de la Manche dans lequel un chat se prononce “ un cat ”.

LES SOURCES :

La partie la plus ancienne, de 1500 à 1675 a pu être établie grâce aux travaux et recherches de notre regrettée Vice-Présidente Cécile DODEMAN qui, d’une part, avait étudié en détail l’œuvre de Gilles de Gouberville et, d’autre part, le contenu des papiers de famille conservés chez René DODEMAN de Digosville. Gilles de Gouberville note, par exemple, à la date du 28 janvier 1560 qu’il est invité au mariage de Marie DODEMAN et de Tassin QUANTIN. Il nomme aussi, à plusieurs reprises, les DODEMAN qui sont amenés à travailler pour son compte. Après 1675 et jusqu’en 1900, cet arbre a été construit en faisant la synthèse des différents relevés effectués à Digosville tels que les 400 ans de Digosville de Guy DODEMAN, les relevés systématiques du Cercle Généalogique de la Manche, la lecture approfondie de certains actes afin de préciser des dates, les noms des parrains, marraines et témoins pour confirmer les filiations. Puis il a fallu élargir les recherches aux communes avoisinantes où nous avons fait des relevés avec Jacques et Louisette DODEMAN de Picauville. J’ai même cru que ceux-ci allaient finir par planter leur tente devant les Archives Départementales à Saint- Lô !

Pour compléter le tout, Yves DODEMAN a fait la transcription de certains actes notariés, très difficiles à lire quand on n’en a pas l’habitude, et qui donnent de précieux renseignements sur les filiations. Malheureusement, un bon nombre d’actes n’ont pu être consultés du fait de leur mauvais état ou ont disparu pendant le bombardement de St Lô, à la dernière guerre.

Enfin, grâce à la collaboration de tous, j’ai pu renseigner une bonne partie de notre époque, ce que je n’aurais pas pu faire sans vous puisque la loi n’autorise pas la consultation des actes de moins de 100 ans. Cette partie a sûrement permis à certains de se situer par rapport à leurs ancêtres.

PRESENTATION  DES ARBRES :

Ci-dessous, un arbre succinct des origines des DODEMAN de Digosville ainsi que des adhérents qui en descendent (pour ceux qui nous ont fourni les renseignements permettant de les situer). Au début du 17e siècle, nous voyons trois frères : Gilles qui resta célibataire et que, par conséquent je laisserai de côté, Marguerin et Robert. En ce qui concerne Robert, pas de problème, la parenté est certaine pour les adhérents qui en descendent et que vous pouvez retrouver dans cette branche. Pour Catherine, les deux personnes qui sont indiquées ne font pas partie de notre association mais je les avais rencontrées au Cercle Généalogique de la Manche. Pour ceux qui descendent de Guillaume DODEMAN et Jacqueline Levallois, de Simon DODEMAN et Renée Delahaye (ancêtres du Professeur Dupâquier), et de Jean DODEMAN et Andrée Lebredonchel, la question reste posée. Simon, Guillaume et Jean sont frères (les actes notariés étudiés par Yves DODEMAN nous le prouvent), mais sont-ils bien les enfants de Marguerin, frère de Robert ? En 1660, le dit Robert est nommé tuteur des enfants mineurs de Marguerin (en tenant compte de la majorité à cette époque qui est de 25 ans pour les femmes et 30 ans pour les hommes). Malheureusement aucun prénom  d’enfant n’apparaît dans ce document. Clair DODEMAN, fils de Guillaume, est cité dans un acte comme héritier de son oncle François, cet acte était dans les papiers concernant Robert. Pour moi, ça ne peut pas être le fruit du hasard.

Au vu du grand nombre d’interférences de parrains, marraines et témoins, tous ces DODEMAN étaient forcément très proches. J’espère toujours, dans mes recherches, tomber sur l’acte qui confirmera définitivement cette filiation ! On peut remarquer aussi la double filiation des descendants de Guillaume et Jean. Personnellement, je considère qu’un arbre généalogique est quelque chose de vivant. Ce ne sont pas des dates de naissance, mariage et décès alignées. Il est fait des joies et des peines de nos ancêtres, de leur mode de vie, de leurs coutumes. Enfin, il peut nous faire découvrir l’histoire de notre région, de nos villes ou de nos villages ainsi que les anciens métiers.

Nous avons pu faire une petite promenade dans le temps en ciblant quelques personnages.

Tout d’abord, nous avons remarqué quelques petits coquins comme Julien DODEMAN dit “ Les Mares ” qui, en 1704, fera quelques folies avec une certaine Marguerite Le Peltier. Il naîtra un petit Julien, baptisé à la maison par la sage femme “ dans la nécessité ”. Le nouveau né devait donc être en danger de mort. Je n’en n’ai pas trouvé la descendance à ce jour.

Une Magdeleine DODEMAN aura, elle aussi, un enfant ex illicito coïtu, c’est à dire hors mariage, en 1675, avec François LEBARBENCHON. Je pense que cela a dû faire du bruit dans Digosville car Magdeleine accuse François de lui avoir promis le mariage et de l’avoir attirée chez lui où, selon ses termes, elle est devenue grosse. La même mésaventure va arriver à Catherine DODEMAN. Elle va approcher d’un peu trop près un Seigneur de Digosville, Maître Jean du Bosc, escuier, Seigneur de la Bissonnière, et le 18 février 1710 va naître Jean Baptiste. Le parrain, la marraine, la sage femme, tout le monde témoigne de l’identité du père. Qu’importe, on ne veut sans doute pas de mésalliance dans cette noble famille, puisque le dit Seigneur épouse une damoiselle (damoiselle Andrey d’Amfreville) l’année suivante.

Le dix huit février de la présente année a été/apporté un enfant à l'église conçu ex illicito de/Catherine Dodman laquelle nous a fait attester/par Adrien David parrain dudit enfant et Marie/Binet marreine Marie Leneveu sage femme/tous de cette paroisse que ces des œuvres de/Maître Jean du Bosq escuier sieur de la Buissonnière..

Le dix huit février de la présente année a été/apporté un enfant à l'église conçu ex illicito de/Catherine Dodman laquelle nous a fait attester/par Adrien David parrain dudit enfant et Marie/Binet marreine Marie Leneveu sage femme/tous de cette paroisse que ces des œuvres de/Maître Jean du Bosq escuier sieur de la Buissonnière..

Quant-à Catherine (est-ce bien la même ?), il semblerait bien qu’elle se soit mariée (ou qu’on l’ait mariée) 15 jours après la naissance (les 2 actes se suivent dans le registre) avec un certain Pierre Lemagnen, marin pêcheur dont j’ai retrouvé la trace aux Archives de la Marine. Il y est décrit ainsi : matelot à 10 £, de taille moyenne et de poil châtain. Leur fils, Jacques Lemagnen, va lui aussi prendre la mer, il va à la pesche. En 1730, à 23 ans, il est matelot à 9 £, Au mois de mai 1734, il est commandé pour le port de Brest. Il embarque sur le “ Grafeton ” où il sert 4 mois. Le 6 octobre 1739, il est levé pour la Compagnie des Indes, comme matelot à 12 £ mais il n’y va pas. Par contre, je n’ai pas retrouvé, après son baptême, la trace de Jean Baptiste, le fils naturel de Catherine et du Seigneur de la Bissonnière.

On peut remarquer aussi des premiers-nés de quelques mois, prématurés ou reconnus après coup. Rien n’a changé en cinq siècles ! Marie Catherine DODEMAN et Dominique YON battent des records de vitesse : ils se marient le 6 septembre 1764 à Cherbourg, et 5 Jours après on trouve la naissance de Dominique Jacques ! (Branche Guillaume). Même chose pour Thomas DODEMAN et Catherine Lemagnen qui se marient le 27 janvier 1711. Leur fils Guillaume naît le 8 février suivant ! Il était temps mais l’honneur est sauf !

D’autres DODEMAN restent bien verts malgré leur âge. Julien DODEMAN épouse Jeanne Tranquille Tiphaigne en 1798. Il a 52 ans, elle en a 23. Ils auront 10 enfants de 1799 à 1813. Julien avait 68 ans à la naissance de son dernier enfant ! Il meurt en 1818, à l’âge de 72 ans. Sa dernière fille n’a que 5 ans. On trouve aussi malheureusement un grand nombre de drames comme cette quantité d’enfants mort-nés ou morts en bas âge, surtout en hiver, et de femmes mortes en couche, des suites de l’accouchement, ou du fait de grossesses rapprochées. On note par exemple le mariage en juin 1729 de Pierre GAIN et de Louise Marie DODEMAN. Suivent cinq petits GAIN de mai 1730 à août 1737 (un enfant à peu près tous les ans). Finalement, Louise Marie décède le 18 juin 1738. Ensuite je perds la trace de Pierre GAIN et de ses enfants. Sont ils retournés à Querqueville ? Je n’ai pas encore pu les retrouver (les archives de Querqueville ont été détruites). On peut remarquer aussi le mariage de Catherine DODEMAN avec  Jean LAMACHE (Sergent Royal ou notaire royal) et leur descendance.

Leur fils Robert aura deux enfants en 1687 et 1689 hors mariage avec Anne Rémond avant de l’épouser en 1690. La famille n’acceptait elle pas la jeune fille ? Au deuxième enfant naturel, le curé souligne :” second enfant pour Anne Rémond ex illicito...des œuvres de Robert Lamache ”. (Le curé tient les comptes : 1 il veut bien fermer les yeux mais 2, là on sent bien toute sa réprobation. Il  n’apprécie pas la plaisanterie !). Il faut régulariser. (acte ci-dessous) :

Ils se marient donc et d’avril 1691 à mai 1699, ils auront encore 6 enfants ! Je suppose qu’épuisée par ses grossesses successives, Anne meurt en octobre 1699. Qu’à cela ne tienne ! Un an après, en novembre 1700, Robert se remarie avec Marguerite Besnard et de 1701 à 1704, il y aura encore 4 enfants, dont le dernier mort-né. Ceux-là aussi disparaissent des actes de Digosville. Ce qui fait une moyenne honnête : 13 enfants en 16 années !

Ce ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres.

J’ai trouvé aussi des morts en série dans les familles. Celles-ci sont le fait des épidémies qui sévissaient à l’époque avec aucun moyen de les enrayer, ou de famines très fréquentes dues aux catastrophes naturelles qui détruisaient les récoltes. Lorsque l’on étudie ce sujet, on s’aperçoit que la tempête de la fin d’année 1999 n’a rien d’exceptionnel.

Guillaume DODEMAN et son épouse Jacqueline LEVALLOIS mourront, en mars 1715, à une semaine d’intervalle. Même chose pour les jumeaux Jean et Charles DODEMAN, fils de Jacques Maurice et Marie MOUCHEL, qui mourront à l’âge de 7 ans, l’un le 28 juillet et l’autre le 1er août 1804. A Cherbourg, la famille de Julien Edouard DODEMAN, va se trouver décimée en l’espace d’un mois. Du 19 décembre 1867 au 30 janvier 1868, décès successifs des parents et des enfants. J’ai trouvé aussi une mort accidentelle : celle de mon ancêtre Cler ou Clair DODEMAN qui, en 1755, à l’âge de 75 ans a été trouvé noyé dans le port de Cherbourg. Son acte de décès, trouvé à Cherbourg, m’avait donné quelques soucis puisqu’il était écrit qu’il s’était noyé au dessus du pont ( ?). Je me demandais bien quel pouvait être ce pont, puisque le port de Cherbourg tel qu’il est maintenant avec son pont tournant n’a été aménagé que bien plus tard. La réponse est sur le plan de 1744 reproduit ci-dessous. A l’époque, il n’y avait pas de port véritable : aucun aménagement de bassin, le lit de l’Yvette (la Divette à présent) et les marées seuls permettaient l’échouage des bateaux. On voit un pont sur l’Yvette  avec une chaussée permettant de traverser le port de part en part, Cler, qui était assez âgé pour l’époque, s’est-il laissé surprendre par la marée à cet endroit, a-t-il glissé ? Nous ne le saurons jamais.

Ci-après, d’autres personnages que j’ai choisis parce que je les connais bien ou qu’ils sont particulièrement représentatifs de leur époque.

 

On voit distinctement sur ce plan de Cherbourg de 1744, la chaussée qui apparaissait à marée basse et le pont sur l'Yvette qui permettait d'entrer en ville.

On voit distinctement sur ce plan de Cherbourg de 1744, la chaussée qui apparaissait à marée basse et le pont sur l'Yvette qui permettait d'entrer en ville.

Je vais vous rappeler, pour mémoire puisqu’elle faisait partie d’un précédent bulletin, Michelle DESMONT, épouse de Robert DODEMAN, qui m’avait beaucoup intéressée parce qu’elle était sage-femme. Elle est citée dans plusieurs actes de naissance de Digosville et particulièrement en 1687, puisque c’est elle qui met au monde le premier fils naturel de Anne Rémond et Robert Lamache (voir acte ci-dessous)

Elle y est citée comme “ matrone ”. En l’absence de médecins, la sage-femme était un élément important du village, toutes les femmes en couche, et elles étaient nombreuses, passaient par ses mains.  A l’occasion même, c’est elle qui ondoyait les enfants “ dans la nécessité ” lorsque l’accouchement avait été difficile et que l’enfant était en danger de mort.

Hors Catherine DODEMAN mariée à Pierre Lemagnen, deux autres demoiselles DODEMAN vont épouser un marin : Marie DODEMAN, va convoler en justes noces avec Jacques CHARDIN de Tourlaville. A 30 ans, il est, selon les registres, matelot à 10 £. Lui aussi est de taille moyenne et a le poil châtain. En 1726, il retourne travailler la terre. Il doit mourir peut après puisqu’en 1730 on peut lire sur les registres une phrase un peu curieuse : “ on le dit mort chez lui depuis 5 ans ”. Sa sœur, Marie Suzanne épouse aussi un matelot à 10 £, Jacques JAMMES. Celui-ci navigue au petit cabotage. De formation, il est voilier. En 1731, il va à la pêche au poisson frais. En août 1740, il quitte la navigation. Sur les registres il est notifié : “ Ne peut plus naviguer, a les reins rompus ” Il reprend son métier de voilier.

Puis, nous passons à Robert DODEMAN marié à Marie MOUCHEL en 1779.

Robert DODEMAN fut officier municipal dès les premières heures de la Révolution française puis maire de Digosville de 1800 à 1808. Il avait une superbe écriture à une époque où beaucoup de gens étaient illettrés ! Ce personnage semblait avoir un certain caractère, du courage certes, mais peut être aussi une certaine inconscience puisque, en pleine révolution, quand on sait qu’il ne fallait pas grand chose pour aller à la guillotine, il passa en jugement, pour avoir, en 1791, troublé l’élection, dans l’église de la commune, d’une nouvelle maîtresse d’école, en remplacement de l’ancienne qui n’avait pas voulu prêter le “ serment constitutionnel ” exigé légalement pour son maintien, en disant tout haut : “ que celle-ci resterait quand même et qu’il se foutait de la loi ” qui l’excluait désormais. Dénoncé pour cette conduite qui, du reste, ne l’avait pas empêché d’être réélu en décembre 1792, il avait été déclaré “ accusé de provocation à la désobéissance de la loi ” par le jury de Cherbourg et, par suite, traduit au tribunal criminel de la Manche. Mais celui-ci relaxa le prévenu. A mon avis, il l’avait échappé belle quand on sait qu’à Paris, pendant la terreur, on a dénombré rien moins que 2627 condamnations à mort ! Son fils, Jacques André, cultivateur  à l’époque de son mariage en 1824 à Saussemesnil avec Marie Angélique Mangon, va réussir, socialement parlant. Si, sur les actes de naissance de ses premiers enfants, on le trouve cultivateur, on peut supposer qu’il devient propriétaire d’une ferme en 1830 puisque sur l’acte de naissance de sa fille Marie Aimable, on lui donne le titre de “ maître ” et son épouse est qualifiée de “ Dame Angélique DODEMAN ”. De plus, en 1837, à son décès, il a des domestiques.

Je passe maintenant à mon arrière-arrière grand mère :  Marie BONIFACE.

Je l’ai choisie parce qu’elle est intéressante à plus d’un titre. D’abord parce qu’elle est doublement DODEMAN.

De par son mariage avec Edmond DODEMAN. En en tant que descendante de Jean DODEMAN et de Andrée Lebredonchel mariés vers 1670. De plus, c’est par elle que tous ses descendants ont quelques gouttes du sang de Gilles de Gouberville, grâce à sa fille naturelle Loyse. (Voir la photocopie du traité de mariage de Loyse.) Sa vie est  représentative de celle des femmes de milieu modeste à cette époque : Mariée en septembre 1870 à Edmond DODEMAN, elle aura 16 enfants entre mars 1871 et mars 1891. Ce qui fait, là aussi, une bonne moyenne de 16 enfants en 20 ans ! En 1892, son mari meurt. Elle a 40 ans et 8 enfants vivants à sa charge (l’aîné a 21 ans, le dernier a 11 mois). Sans compter, bien évidemment, qu’à cette époque il n’y a aucune aide ni allocation d’aucune sorte. Pas de commodités à la maison non plus. Les plus grands des fils vont au travail, les filles sont placées. En 1913, elle voit mourir deux de ses fils : Jean Louis François dont elle recueille le fils de 10 ans (déjà orphelin de mère et qui se trouve être mon grand père) et Edmond qui mourra à 22 ans pendant son service militaire, dans l’explosion d’une chaudière sur le cuirassé Masséna.

Annexe

Une petite parenthèse sur ce cuirassé de 11900 t sur lequel nous avons pu avoir toute une série de renseignements. Guy B.DODEMAN, de Nantes, m’a même trouvé un article très intéressant qui rend compte que dès les premiers essais, en 1898, ce bâtiment pose beaucoup de problèmes : le gouvernail est mal conçu et il est difficile à manœuvrer. Il ne s’arrête qu’avec beaucoup de difficultés, on remarque un manque d’étanchéité entre différents panneaux. Sur un rapport de sortie par gros temps, on note qu’une des deux tourelles a embarqué 40 litres d’eau et l’autre 120 litres... Lorsqu’un collecteur de vapeur explosera le 6 janvier 1913, ils seront 8 à être brûlés, dont Edmond DODEMAN. 

Devant l'hôpital St Mandrier où sont placées les huit bières fleuries sur des corbillards, le vice-amiral de Jonquières rend un dernier hommage à ces hommes "tombés comme sur un champ de bataille en pleine jeunesse" . L'Illustration du 18 janvier 1913

Devant l'hôpital St Mandrier où sont placées les huit bières fleuries sur des corbillards, le vice-amiral de Jonquières rend un dernier hommage à ces hommes "tombés comme sur un champ de bataille en pleine jeunesse" . L'Illustration du 18 janvier 1913

Sur le journal L’illustration du 18 janvier 1913, j’ai retrouvé l’article relatant cet accident ainsi qu’une photo des obsèques (voir page précédente) qui furent célébrées en grande pompe à Toulon avant que les victimes ne retournent pour être inhumées dans leur commune d’origine. Ce sera Tourlaville pour Edmond. Le Masséna ne reprendra jamais la mer. Il finira coulé avec d’autres bâtiments, en 1915, dans les Dardanelles, pour servir de port artificiel.
Revenons à Marie Boniface. A cette époque, elle a 10 sous (soit 50 centimes) par jour pour vivre (ou plutôt survivre). Elle améliore l’ordinaire en faisant de petits travaux de droite et gauche (vente de pâtisseries, de légumes de son jardin, etc.). Pour se rendre compte de la modicité de ses revenus, il faut savoir qu’à la même époque, un ouvrier peut gagner de 3 à 6 frs par jour et le kg de pain vaut 44 centimes. En 1922, c’est au tour de Gaston, son fils cadet, de mourir à l’âge de 31 ans. Curieusement, ses deux filles, Blanche et Berthe qui travaillent à Cherbourg se retrouveront enceintes à peu près en même temps et iront accoucher toutes deux à Paris dans le 14ème en 1903, à 2 mois d’intervalle. Victor, le fils de Blanche, sera placé en nourrice dans la Nièvre. (Mon grand père sera bien étonné de se retrouver, à 85 ans, et grâce à l’Association, avec un cousin germain dont il ignorait tout, et moi avec des cousins fort sympathiques qui viennent nous rendre visite presque chaque année). 
On va trouver Blanche aux quatre coins de la France. Elle se marie en 1905 à Marchesieux dans la Manche, divorce en 1938 à Grasse dans les Alpes Maritimes, se remarie en 1939 au Tréport, en Seine Maritime. Son lieu de décès reste inconnu. Son fils semble abandonné. Berthe semble avoir eu une vie moins facile. Avec beaucoup de mal, elle va élever seule sa fille Juliette et mourra dans la misère à l’hôpital des Petits Prés à Plaisir, en 1923. Enfin, Albertine, la fille cadette de Marie Boniface meurt en 1936.
Cette petite bonne femme que vous pouvez voir (p.15 du présent Bulletin) entourée de ses enfants, a eu une vie très difficile. Elle a connu bien des misères et pourtant elle a vécu jusqu’à l’âge de 88 ans.  A sa mort en 1940, sur tous ses enfants, elle n’avait plus que deux filles qui, d’ailleurs ne lui survivront pas longtemps (Blanche meurt en 1942 et Maria en 1945).
Rappel encore du Bulletin, cette fois le N°22 : A Digosville, et grâce à des travaux de rénovation dans une maison de particuliers qui mettent à jour une planche gravée, Jacques DODEMAN retrouve la trace d’Alphonse DODEMAN, fils de Nicolas Alphonse et d’Euphrasie DAVID, qui, en 1888, fera la charpente de la maison de Louis Guéret, propriétaire de l’époque. 
AUGUSTE GERMAIN DODEMAN : 
Germain Dodeman, fils de Edouard et de Marie GUERARD a fait, lui aussi, l’objet d’un article dans le Bulletin mais je rappellerais tout de même les circonstances de son décès, le 13 août 1919. Ouvrier auxiliaire dans la marine, il procédait avec six autres personnes, au noyage de munitions réformées au large de Cherbourg, sur le bugalet La Julie lorsque le bâtiment fit explosion et disparut complètement avec les hommes qui le montaient. Malgré les recherches faites par le remorqueur Papillon et d’autres bâtiments de la Direction de l’Artillerie navale, aucun des corps des disparus n’a pu être retrouvé. 
Je finirais avec quatre DODEMAN qui se sont illustrés dans les deux guerres mondiales.
Tout d’abord Honoré DODEMAN qui reçut trois blessures à la guerre 14/18 et fut amputé du bras droit.
Il reçut quatre citations pour son courage, la Médaille militaire, la Légion d'honneur et la Croix de guerre avec palmes. Il était président des Anciens Combattants de Digosville.
Son fils René que nous avons tous connu puisqu’il ne manquait jamais une Assemblée générale, et qui est décédé au début de l’année 1999, reçut quant à lui, la Croix de Combattant de la guerre 39/45.
Un bref rappel aussi sur Juliette DODEMAN, fille de Berthe, qui fit partie des combattants de l’ombre lors de la dernière guerre, dans le réseau Centurie. Elle était agent de liaison sous les ordres de Jean Le Tessier, commandant du secteur de Résistance de Trigavou dans les Côtes du Nord. Au péril de sa vie, elle participera à l’hébergement d’aviateurs américains. Elle sera récompensée par la Croix du Combattant Volontaire 39-45.
Je vais clore ce petit voyage chez les Digosvillais à travers les âges par mon petit dernier, qui nous a donné beaucoup de soucis, l’unique descendant de Jeanne Louise MARION et André PIQUENOT : Descendant de DODEMAN par sa grand-mère, Maria Virginie Augustine, il nous était tout à fait inconnu jusqu’à ce jour du 1er Novembre 1998 où un ami de Jacques et Louisette DODEMAN de Picauville fait le tour du cimetière de Tourlaville en allant porter des fleurs sur la tombe d’une personne de sa famille. Et là, il découvre tout à fait par hasard, trois anciennes tombes DODEMAN : L’une d’elle marquée J. DODEMAN avec la plaque que vous pouvez voir à la page 17 : A notre fils et neveu Jean Piquenot,6.4.1918 – 17.1.1945 Aspirant pilote au NORMANDIE-NIEMEN Mort pour la France.

NORMANDIE-NIEMEN, la célèbre escadrille au palmarès impressionnant qui s’illustra pendant la seconde guerre mondiale !

Jacques me téléphone et me demande si je connais ce personnage. Je me renseigne et j’apprends qu’il a une rue à son nom à Tourlaville. Un centre aéré à Cherbourg et l’aéro-club de Maupertus portent également son nom. Par contre, quel est le rapport avec ce J. (Jean, Jules, Jacques ?) DODEMAN ? Telle était la question. Intrigués, nous commençons une véritable enquête policière. Que fait là cette plaque ? Sans attendre, je me rends à l'état civil de la Mairie de Tourlaville. Là, on me donne le nom des personnes inhumées dans ce caveau. Ils sont huit. Grâce à leurs dates de décès, je retrouve les actes et j’arrive à les insérer dans mon arbre. Ce sont des DODEMAN et ce sont mes cousins !.Cette plaque est donc ici, bien à sa place puisque ce sont les grands-parents, arrière-grands-parents et des oncles et tantes DODEMAN de Jean Piquenot qui reposent dans cette sépulture. Les parents Piquenot, qui sont décédés en 1971 et 1977, bien après leur fils unique, ont une sépulture à part dans le nouveau cimetière de Tourlaville. Restait à essayer de retrouver la vie et le parcours militaire de ce jeune homme (photographie ci-dessous). 

 

A Moscou, le 9/12/1944, le Général De Gaulle décore Piquenot et ses camarades du Normandie-Niemen

A Moscou, le 9/12/1944, le Général De Gaulle décore Piquenot et ses camarades du Normandie-Niemen

Rien à faire du côté de l’armée pour avoir ses états de service car nous ne sommes pas de la famille assez proche.

Lucien LAURENT, un cousin de Jacques de Picauville, ira nous chercher de précieux renseignements aux Archives de Vincennes. Yves DODEMAN, notre Président, s’y rendra à son tour et apportera des compléments. Ses deux derniers jours sont relatés par un as de l’aviation de chasse, Roger Sauvage dans son livre “ Un du Normandie-Niemen ”. Le 16 janvier, à Dopienen, en Prusse orientale, cinq Yak 3 (les avions russes dont était équipée l’escadrille) prennent l’air. Suit un engagement avec des appareils allemands (Fokke Wulf), et Roger Sauvage raconte ainsi le retour de mission :

Je le cite : “ Ca va, Piquenot ? Le petit Piquenot, le benjamin de la “ une ”, plein d’allant et de feu, n’a jamais figuré dans de pareilles bagarres. J’ai eu peur, j’ai tiré, dit-il. Je n’ai rien vu ; mais, bon dieu, que c’est excitant ! ” Le lendemain, nouvelle mission : attaqués par des Messerchmitt, l’escadrille forme un cercle défensif tout en tirant. Ils vont être à cours d’essence (3/4 d’heure dans le réservoir des Français pour 2 heures dans celui des allemands). Est-ce hanté par ce risque que Piquenot soudain dégage ! Impuissant, Roger Sauvage crie : “Piquenot”! Çà ne traîne pas, en un rien de temps un Allemand arrive dans son dos et le désintègre en vol. ”

Roger Sauvage ajoute :

Petit Piquenot, il nous sauve peut-être car, dans le tohu-bohu qui suit nous parvenons à dégager.

Le corps de Jean Piquenot ne sera jamais retrouvé. Il n’avait que 27 ans ! Il y a encore énormément de choses à dire et je crois que je pourrais encore passer des heures à raconter l’histoire de tous ces hommes et ces femmes, nos ancêtres de Digosville. Si l’on pouvait avoir assez de temps pour continuer les recherches, je pense que l’on pourrait même écrire une sorte de saga familiale qui n’aurait rien à envier à certaines séries télévisées connues. Pourquoi pas ? c’est peut-être une idée à creuser. Texte de Evelyne Boyer

Bulletin n° 38 de juin 2000 - Les DODEMAN de Digosville dans le journal du Sire de Gouberville, (par Yves DODEMAN)

Le sire de Gouberville, gentilhomme campagnard du Cotentin, est entré dans l’histoire grâce à son livre de comptes, découvert en 1867 par l’abbé Tollemer. Gilles PICOT, seigneur de Gouberville et du Mesnil-au-Val, nait vers 1521. C’est l’aîné d’une famille de 7 enfants. Lorsque son père meurt en 1544, il n’a que 23 ans. Il lui succède dans la charge de lieutenant des eaux et forêts et hérite ses seigneuries de Gouberville et du Mesnil-au-Val. Il meurt célibataire le 7 mars 1578, à l’âge de 57 ans. Il lègue son manoir du Mesnil-au-Val à sa nièce qui a épousé Nicolas du Parc, baron des Cresnays. Mais il n’oublie pas les trois filles qu’il a eues hors mariage et rappelle à son exécuteur testamentaire “...la promesse que m’avez faite touchant mes pauvres filles bâtardes, je vous supplie au nom de Dieu les faire nourrir et apprendre métier à gagner leur vie...”

Mme Boyer, la secrétaire de notre association, descend du sire de Gouberville par une de ses filles, Loyse qui épousera Jehan Noyon, de Bretteville, en 1575.

Mais revenons au fameux Journal où le sire de Gouberville notait au jour le jour ses recettes et ses dépenses et, très succinctement, les événements de la vie quotidienne. La partie qui a été fortuitement retrouvée dans le chartrier de St-Pierre-Eglise couvre 13 ans, de 1550 à 1562, et représente environ le tiers du document d’origine. Fascinant par sa monotonie, le Journal est cependant du plus haut intérêt pour la connaissance de la vie des hobereaux du Cotentin et du peuple des campagnes au XVIe siècle. Sans fioritures, c’est le vécu à l’état brut. Pour nous, ce Journal est d’autant plus intéressant qu’il évoque les DODEMAN de Digosville qui travaillaient pour le sire de Gouberville. Le nom de DODEMAN y est cité plus de 30 fois. Il s’agit notamment de Jehan DODEMAN, de son frère Loys, de son fils Etienne et de sa fille Marie qui épousa Tassin Quentin. Il est question également d’un ecclésiastique, Guillaume DODEMAN, peut-être un frère de Jehan. Par exemple, le 24 juillet 1552, Gouberville écrit :

Apprès soupper nous allasmes... chez DODEMAN et chez Jehan Birette à Digosville quérir les essains que j’avoye hier achattées, je donne à la fille DODEMAN XIII deniers...” [ Ce sont des essaims d’abeilles, ou mouches à miel, comme on disait à l’époque]. En février, mars et mai 1554, le sire de Gouberville sert d’intermédiaire pour régler le procès de Groult et de “missire Guillaume DODEMAN” contre le sieur Saint-Gabriel. [Missire ou messire est le titre que donne Gouberville aux ecclésiastiques ordinaires ; il emploie le qualificatif de maître, s’ils sont gradués de l’Université]

Il emploie souvent Jehan et surtout son fils Etienne, à scier des planches ou des pièces de charpente, à réparer des charrettes ou à fabriquer des douvelles [ ou douves ou douelle, pièces de bois qui forment le tonneau ]. Ainsi, le 4 juillet 1560 : “Le jeudi IIIIe, je ne bougé de céans. Estienne Dodemain vinst pour scier des sablières et renger les chevrons du costé de devers le jardin aulx étables.

Nous apprenons exceptionnellement les événements familiaux, comme ce 29 janvier 1560 : “...Gilleaume Bitouzé qui venoyt de chez Louys Quentin, des nopces de Tassin, frère dud. Louys qui furent hier avec la fille Jehan DODEMAN, de Digosville.

Bien évidemment, le sire de Gouberville parle souvent -environ 150 fois - de Digosville et nous fournit des renseignements intéressants sur les habitants de cette paroisse.

Je ne rapporterai que deux anecdotes : Le 30 mars 1562, il fait venir le curé de Digosville à la chapelle de son manoir pour que ses gens puissent faire leurs pâques : “Je mande messire Pierre Feuillie par Bertin qui vint administrer les gens de céans en la chapelle puis s’en retourna à Digosville.” Et le 31 août 1553, il note très sobrement une altercation entre un de ses amis et un servitaur du curé de Digosville : " Sur la relevée devant l'auditoyre, Cantepye donna ung soufflet à ung surnommé Yon, serviteur du sr. curay de Digoville, por ung démenti que led. Yon avoyt donné aud. Cantepye.” [en somme, Yon a contredit Cantepye, c’est à dire qu’il l’a fait passer pour un menteur]

Ainsi des historiens comme l’abbé Tollemer au XIXe siècle puis Emmanuel Le Roy Ladurie et plus récemment Madeleine Foisil, ont analysé, disséqué, exploité le Journal du sire de Gouberville pour le plus grand bonheur des amateurs de l’histoire des mentalités et des mœurs des temps passés. Mais pour les DODEMAN, et particulièrement ceux qui descendent de la branche de Digosville, ce Journal est d’un plus grand intérêt encore, car il constitue un témoignage unique sur la vie de leurs ancêtres et fournit des renseignements généalogiques particulièrement précieux pour une époque -le XVIe s.- où les registres paroissiaux n’existaient pas [ou n’existent plus].

 

Bulletin n° 39 de septembre 2000 - Le centenaire de l’École DODEMAN à Vouziers, (par Yves DODEMAN)

Le 25 juin 2000, à l’invitation de M. Bruno Dauphy, directeur de l’Ecole Abel DODEMAN à Vouziers, votre président accompagné de Mme et M. Jacques DODEMAN, de Picauville, ont représenté l’Association des Familles DODEMAN aux cérémonies du centenaire de l’Ecole.

C’est en effet en 1900, comme l’atteste l’inscription gravée au fronton du bâtiment, que fut construit cet établissement scolaire, rue de Reims, actuellement rue Bournizet, à Vouziers (Ardennes). L’école communale existait déjà à cet emplacement depuis 1876, mais le local étant devenu vétuste et trop petit, le Conseil municipal décida, en 1898, sa reconstruction. Les travaux, confiés à M. Bourquin, architecte à Charleville, durèrent deux ans et coûtèrent 175 000 F., somme importante qui fit qualifier l’école de “palais” par l’opposition municipale. Ecole primaire, cours complémentaire, section d’enseignement primaire supérieur, pensionnat, elle fut tout cela à la fois pour un effectif de 200 élèves, à une époque où l’esprit laïc combattait pour retirer à l’Eglise sa position dominante dans l’enseignement. L’école n’avait pas 10 ans lorsqu’un jeune inspecteur primaire, Abel DODEMAN,.fut nommé à Vouziers à compter du 1er janvier 1910. Il s’installa au 3 rue Gambetta avec sa jeune femme Jeanne, épousée deux ans auparavant.

Passionné par son métier, il se dépensa sans compter et se fit remarquer par la qualité de son travail. Il collabora à des revues pédagogiques et publia un fascicule annuel de géographie économique préfacé par Albert Lebrun, alors député. Il participa également à l’Histoire universelle illustrée des pays et des peuples, publiée chez Aristide Quillet par Edouard Petit, inspecteur général de l’enseignement. Homme de grand mérite, il avait ainsi déjà acquis une solide réputation, lorsque la guerre éclata. Abel rejoignit Verdun où était stationné son régiment, le 164e RI. Il fut tué  à la tête de sa section, le 5 avril 1915, en montant à l’assaut d’un ouvrage fortifié devant Warcq, près d’Etain (Meuse). Le 21, il était cité à l’ordre de l’armée et recevait à titre posthume, la médaille militaire.

En 1930, le Conseil municipal donnera le nom d’Abel DODEMAN à l’école publique de garçons. Des discours qui furent prononcés lors de la cérémonie du centenaire, je retiendrai trois phrases :

- Sortir de DODEMAN est un gage de réussite au collège assura M. Pierret, maire de Vouziers. “Sortir de DODEMAN”, comme on dit “Sortir de la cuisse de Jupiter”, c’est valorisant pour nous, porteurs du nom !

- En un siècle, l’école aura vu passer plus de 3500 élèves... qui s’appellent... des DODEMAN ! Et en sont fiers !

- Michel Baudier, maire honoraire de Vouziers, qui avait si bien reçu la délégation de notre Association en 1994, s’est dit fier de constater que le dynamisme de nos équipes enseignantes s’inscrit dans la ligne tracée par l’ancien Inspecteur Abel DODEMAN que vous avez si brillamment honoré.

Pour terminer, je citerai ce message plein d’espoir mais aussi d’illusions, d’Abel DODEMAN, écrit le 4 avril 1915, veille de sa mort, message testamentaire, digne de l’économiste et de l’enseignant qu’il était : J’ai la certitude ou presque, qu’après cette guerre, la France verra s’ouvrir devant elle le plus magnifique avenir industriel et commercial qui jamais s’offrit à un peuple : il lui suffira de vouloir et SAVOIR...

Bibliographie sur Abel DODEMAN et l’Ecole :

*Livre d’or de l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud 1914-1918, Nancy, Berger-Levrault, 1921

*Bulletin municipal de Vouziers, N°42, 1988, p.28-32, article de Michel Baudier

*Bulletin des familles DODEMAN, N°12  d’octobre 1993, p.12-16, N°15 de juillet 1994, p.3-4, N°22 de juin 1996 p.13, N°26 de juin 1997, p.4 à 8.

*Le Curieux vouzinois, N°44 mars 1997, p.4-31, articles sur Abel DODEMAN, signés de Yves DODEMAN, Jacques Musset et Jean-Marie Droxler.

*1900-2000 L’école Abel DODEMAN une centenaire en pleine forme, Edition Association Mémoire Locale à Vouziers, 2000.

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

Bulletin n° 39 de septembre 2000 - Pierre Doudement (1796-1843) – (Avec le concours de Guy B. DODEMAN)

 Nous nous sommes jusqu’à présent désintéressés des Doudement, pourtant fort nombreux en Seine maritime. Actuellement, il en existe 95 foyers abonnés au téléphone, hors liste rouge, dans la France entière. Pourtant, à la lecture de l’article sur les seigneurs de Ménil-Glaise, on constate qu’au 13e siècle, dans l’évêché de Bayeux, on écrivait aussi bien DODEMAN que Doudeman. Il conviendrait certainement que nous nous rapprochions de ces cousins très éloignés.

Nous commencerons aujourd’hui avec un texte que Guy B. DODEMAN a extrait du journal dieppois La Vigie, daté du 3 novembre 1843 (A.D. de Seine maritime cote BHB 107).

Pierre Antoine Doudement naquit le 6 avril 1796 dans le Pays de Caux. En 1808, il fut envoyé au Petit séminaire. Il s’y distingua par son application, sa douceur et sa modestie. En 1814, il entra au Séminaire où il fut remarqué pour sa mémoire prodigieuse, sa bonne humeur et ses réparties spirituelles. Nommé sous-diacre à 21 ans, il fut bientôt ordonné prêtre et affecté comme 4e vicaire de la paroisse St-Maclou de Rouen, puis directeur spirituel du collège royal de Rouen. Très apprécié de la population, aimé des enfants, son départ en 1836 pour la cure de St Jacques de Dieppe, fut ressenti comme un “deuil général”. Il exerça son sacerdoce à Dieppe avec beaucoup de ferveur et d’acharnement au travail. Venant en aide aux naufragés, donnant aux pauvres, aidant les prisonniers, visitant les malades, stimulant le zèle des maîtres d’école, il eut une vie exemplaire. Sa mort ne le fut pas moins. Très fatigué, il fut emporté en quelques jours, dans l’affliction générale. C’était le dimanche 29 octobre 1843. A ses obsèques, la douleur publique témoigna de la perte immense ressentie par ses paroissiens.

 

La vieille France Normandie. dessin d'A. Robida

La vieille France Normandie. dessin d'A. Robida

Bulletin n° 40 de décembre 2000 - mai 1940 Honoré et Jacques DODEMAN (par Yves DODEMAN)

Mai 1940, fut une des périodes les plus difficiles de notre histoire. C’est en effet le 10 mai que fut lancée l’offensive allemande qui culbuta nos troupes, entraînant la débâcle et l’exode que certains d’entre nous ont connu. Et la défaite! Mais pour deux de nos adhérents, Honoré et Jacques, ce fut une tragédie : la mort d’un père qu’ils n’auront jamais connu. Le hasard a fait que ces deux soldats DODEMAN qui appartenaient à la même division, furent mortellement blessés quasiment le même jour et sur les mêmes lieux.

Honoré  Dodeman :

Honoré Nicolas Marcel DODEMAN est né à Octeville (50), le 20 mai 1916, de Nicolas Charles Thomas et de Jeanne BIGOT qui lui survivront respectivement jusqu’en 1958 et 1955. Ses ancêtres se rattachent à la branche des DODEMAN de Digosville. Comme tous les hommes de son âge, il est mobilisé en 1939 et rejoint le 43e régiment d’artillerie divisionnaire, stationné à Caen, au Quartier Claude Decaen. Est-ce l'insouciance de la période calme de la “drôle de guerre”, ou le besoin obscur de donner la vie avant de recevoir la mort, il se marie lors d’une permission, le 15 mars 1940, à Carentan. La jeune fille, orpheline, est une blanchisseuse de cette ville qui a tout juste atteint ses 26 ans. Deux mois plus tard, elle sera veuve et donnera naissance, le 8 février 1941, à un fils posthume qui recevra pour tout héritage les trois prénoms de son père.

Le  43e  RAD :

Ce régiment d’artillerie légère divisionnaire hippomobile est constitué de 3 groupes pourvus de canons de 75. Il est rattaché à la 6e Division, XIe Corps d’Armée, 9e Armée. Chaque groupe comporte 3 batteries. Une batterie se compose en moyenne de 3 officiers, 128 hommes, 120 chevaux, 17 voitures hippomobiles à 4 roues et une, porte-mitrailleuse, à 2 roues, et enfin 1 bicyclette pour assurer les liaisons. Parmi ces 17 voitures, on compte 2 fourgons pour les bagages et les vivres, 1 voiture téléphonique, 1 forge, 1 cuisine roulante, 4 canons et 6 caissons pour les munitions. On constate que l’on a quasiment besoin d’autant de chevaux que d’hommes, et que tout ce bataclan impressionnant est nécessaire pour servir et déplacer quatre malheureux canons. A son arrivée au corps, Honoré qui est affecté à la 4e batterie (2e groupe), sous les ordres du capitaine Cousergue, est dirigé sur le cantonnement de May-sur-Orne. Le 12 septembre 1939, sa batterie embarquée la veille à Caen, sur le train de 15h59 arrive à Novion-Porcien, dans les Ardennes, à 15 heures et cantonne à Chaudion. Trois semaines se passent en instruction, manœuvres et organisation du cantonnement.

Frontière nord (région d’Hirson)

De nuit, en deux étapes, la 4e batterie rejoint son nouveau cantonnement dans la région sud de Landouzy-la-Ville (Aisne), près d’Hirson, qui est atteint le 24 octobre. Au début du mois de novembre, le départ de plusieurs hommes affectés spéciaux dans les usines, cause un effet déplorable sur leurs camarades qui restent mobilisés. Du 8 au 22 novembre, le groupe travaille à l’organisation des positions de batteries, à 2km à l’est de Watigny. Le 23 novembre le régiment est dirigé sur Anor et Trélon (Nord), près de la frontière belge, car la 6e Division relève la 4e dans ce secteur. Le groupe fait étape à Eparcy (Aisne) et Fourmies (Nord) où il cantonne. Il est en appui direct du 74e RI, établi le long de la frontière, face à Macon et Momignies (Belg.) Le Colonel réclame à l’intendance de la paille de couchage (car tout le monde ne peut bénéficier d’un lot dans les maisons abandonnées), du grésil, des couvertures, des bottes de caoutchouc et même des sabots ! Le groupe occupe le secteur sans incident notable du 24 novembre au 9 décembre.

En seconde ligne

Le 10 décembre, le groupe se dirige par étapes vers la région de Besmont (Aisne) où Honoré fête son dernier Noël. Le 25 décembre, la 6e Division qui vient d’être rattachée au VIe Corps d’Armée (3e Armée), commence son mouvement vers Pagny-sur-Moselle et Ars-sur-Moselle. Le 27 décembre, c’est au tour de la 4e batterie à s’embarquer à Aubenton, à 1h du matin. Elle débarque à partir de 18 h., dans des conditions difficiles car il y a du verglas, et elle n’arrive à son cantonnement de Jaulny (Meuthe-et-Moselle) qu’à 2h. du matin. A la Saint Sylvestre, les vœux du commandant de groupe se veulent optimistes : “...la paix dans l’Honneur de notre pays et par la victoire contre les ennemis de la Vérité et de la Justice”, mais ils ne peuvent faire oublier l’éloignement de la famille et les difficultés de vie liées à un froid de -24°C.

Front de Lorraine (Région d’Avold)

Du 3 au 7 janvier 1940, la 6e division relève la 4e DI dans le secteur de Narbéfontaine (Moselle), sur la ligne Maginot. La 4e batterie quitte Jaulny le 2 janvier. Avec étapes à Noveant, St-Privas-lés-Metz, Coincy, elle se trouve en position le 7 janvier à Momerstroff (Moselle). Du 8 au 16 janvier, occupation par le groupe des positions vers Coume. Froid, verglas, neige rendent très difficile le ravitaillement. Le 4 février, la 4e batterie occupe la position de Varsberg, dont elle est relevée le 28 février. Le 29 février, le groupe est en arrière de la ligne Maginot, dans la région de Narbéfontaine (Moselle), avec mission d’intervenir par le feu en avant de la ligne Maginot.

Au repos

Le 16 mars, le groupe est relevé et va occuper des cantonnements à l’arrière, puis le 18 la caserne de Borny-lés-Metz, pour atteindre le 25 le cantonnement de repos de Hannonville-sous-les-Côtes (Meuse). Après avoir été passé en revue, avec la division, par le général Loiseau, commandant le 6e Corps d’Armée, le groupe se trouve le 10 avril au repos à  Herméville, près de Verdun, puis à St-Maurice-sous-les-Côtes (Meuse).

La 4e batterie est alors commandée par le lieutenant Dupré La Tour.

Honoré DODEMAN (archives de famille)

Honoré DODEMAN (archives de famille)

L’attaque allemande

Le 9 mai, la division commence un mouvement vers Sierck, sur la Moselle, pour relever la 2e DI. Le groupe fait étape de nuit à Vionville (Moselle), mais le mouvement est stoppé le lendemain. En effet, après 9 mois d’inactivité sur le front occidental, l’armée allemande vient brusquement d’envahir le Bénélux Les réfugiés affluent, ralentissant le mouvement de nos troupes. “La vraie guerre commence” écrira un des chefs de batterie du 43e RAD. Le 11, étape de nuit de Vionville à Fléville (Meurthe et Moselle). Le 12 mai, la division rattachée au 18e Corps d’Armée (2e armée), fait mouvement vers le sud de Longuyon, mais le groupe ne partira que le 13 et bivouaquera la nuit aux bois de Gincrey, près d’Etain (Meuse).

Bataille de la Meuse:

Le 14 mai, les Allemands percent le front français à l'extrémité de la ligne Maginot en franchissant la Meuse à Sedan. Le groupe fait mouvement vers le NO de Damvillers, et vient occuper, malgré l’activité aérienne ennemie, une position anti-chars aux lisières SO de la forêt de Woëvre, face à Dun-sur-Meuse. Le 15, la division se porte en renfort de la 6e DIC, entre Meuse et Chiers. Elle tient la ligne Stenay-Baâlon et fait mouvement vers la bretelle d’Inor. Le groupe occupe une position anti-chars à 500m au sud de Nepvant (près de Stenay). Le 16, des harcèlements ennemis font quelques blessés. Est-ce à ce moment là que le soldat Honoré DODEMAN, touché par un éclat d’obus, est évacué sur l’hôpital St-Nicolas de Verdun où il décédera le 21 mai?

Épilogue

Déclaré “Mort pour la France, Honoré DODEMAN fut inhumé dans le carré militaire du cimetière de Verdun. Avec l’accord de la famille, il fut exhumé le 8 septembre 1948 et rapatrié au cimetière de Carentan où il fut inhumé le 15 octobre 1948. Au cours de la cérémonie, sa veuve reçut, en son nom, une médaille posthume. Leur fils, Honoré, pupille de la Nation, alors âgé de 8 ans, assistait à la prise d’armes.

 

 

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

Albert  Dodeman

Albert Jules Gabriel DODEMAN est né le 1er mai 1911 à St-Paul-du-Vernay (14) de Maurice Victor et de Louise Désirée BELLIARD. Il est issu de la branche des DODEMAN de Picauville. Lors du conseil de révision il mesure 1m67, a des cheveux châtains, les yeux gris, le front large et le nez fort. Il déclare être ouvrier agricole. Il est incorporé le 22 avril 1932 au 129e Régiment d’Infanterie. Nommé caporal le 16 octobre 1932, il est libéré le 31 mars de l’année suivante et se retire à St-Paul-du-Vernay. Il est rappelé pour une période du 13 mai au 2 juin 1935, qu’il effectue à Caen, à la caserne Lefèvre. Il épouse le 21 février 1938 à St-Paul-du-Vernay, Hélène Juliette Suzanne GENÊT qui lui donne le 24 janvier de l'année suivante un garçon qu’ils prénommeront Jacques Marcel Emile. Albert est rappelé à l’activité le 5 septembre 1939 et affecté au 36e Régiment d’Infanterie, 2e bataillon. La “drôle de guerre” commence par une période de 2 mois d’instruction au camp de Sissonne (Aisne).

Frontière Nord : Novembre voit les hommes transformés en bûcherons dans la forêt de St-Michel, près d’Hirson. Après des travaux défensifs vers Anor, sur la frontière belge, le régiment est transporté par chemin de fer à Pont-à-Mousson les 27 et 28 décembre.

Front de Lorraine : Du 7 janvier au 15 mars, séjour aux avant-postes dans le secteur de Creutzwald (au nord de St-Avold).

Au repos : Le groupe est relevé le 20 mars et part en repos à Eparges et Etain jusqu’au 9 mai.

Bataille de la Meuse : Le 2e bataillon, stationné à Sorbey, a la charge de travaux d’organisation d’une bretelle au sud de Longuyon. Le 14 mai, le bataillon, en tenue de campagne, sac au dos, part à 8h. pour une chaude journée qui, après 35 km de marche, les amènera le lendemain au petit jour à Milly-devant-Dun. Ordre est donné de résister à outrance contre les engins blindés dans la région de Sassey. La route Sedan-Verdun laisse s’écouler un flot de réfugiés et de soldats. Les hommes ahuris par la soudaineté et l’intensité de l’attaque allemande, démoralisés par les bombardements aériens, parlent de trahison. Le 15, à 21 h., ordre est donné de partir vers Stenay, via Mouzay. Le 16, le bataillon s’établit défensivement en avant de Cervisy (1km N de Stenay). Le 19, le bataillon va s’installer au Bois des Etots, à 4km SE d’Inor, où il arrive le lendemain 20 mai, à 2 heures du matin.

C’est à cette date qu’Albert DODEMAN est porté disparu. Son acte de décès le déclarant “Mort pour la France”, n’est établi que le 9 juillet 1942. Avec l’accord de sa famille  un  dernier hommage lui est rendu lors d’un service funèbre célébré à St-Paul-du Vernay.

Sources : Archives de l’armée de Terre à Vincennes : 34N571 : historique du 43ERAD, notamment Journal des Marches et opérations du IIe groupe – 34N66 : historique du 36e RI. Notamment Rapport du capitaine Miray, commandant la 4e compagnie du 2e bataillon.

Abel DODEMAN est au 2è rang en partant de la droite (archives de famille)

Abel DODEMAN est au 2è rang en partant de la droite (archives de famille)

Bulletin n° 43 de septembre 2001 - Les familles DODEMAN des Cresnays  (par Guy B. Dodeman)

C'est au cours de la 2ème partie du 17e siècle que nous trouvons trace des DODEMAN aux Cresnays, dans la paroisse de Notre Dame, au village de la Chèvrerie qui semble être vraiment le berceau de cette famille dans la commune. Il y avait deux paroisses aux Cresnays, Notre-Dame et St-Pierre, mais il existait aussi deux villages de la Chèvrerie, le 1er dans la paroisse de St. Pierre, à la limite du Mesnil-Adelée, le 2ème dans la paroisse de Notre Dame, à 1 km du Bourg, sur la route en direction du bois de Reffuveille. A partir d’environ 1850, le nom Chèvrerie (à Notre Dame) se transforme progressivement en Chevellerie, nom de l’actuel village, l’autre Chèvrerie (à St-Pierre) subsistant sous son nom d’origine. Suivant l’état actuel de nos recherches, c’est avec Guillaume DODEMAN que l’on situe le début de la dynastie des DODEMAN aux Cresnays. Guillaume, né vers 1650, épousa Julienne de SIGNY, vraisemblablement  issue d’une famille ancienne ayant vécu à Reffuveille et aux Cresnays. L’un d’eux, Jean de Signy est cité en 1463 aux Cresnays. Sa postérité se perpétua sur la commune, pendant deux siècles environ.  En 1598, Roissy cite Noble Jean de Signy fils de Richard de la Chèvrerie ainsi que Gilles et Pierre ses fils. Les de Signy portaient blason “d’azur à l’épervier d’argent empiétant une perdrix de même”. A Reffuveille est cité Richard de Signy en 1394. Cette famille possédait le fief de Maisoncelles à Saint Clément. A Reffuveille, subsiste encore la chapelle bâtie en 1620 par Françoise de Signy qui épousa Jacques de la Hache.

Voici l’état succinct de la descendance de Guillaume et Julienne de Signy, les chiffres romains indiquant les générations:

I- Guillaume DODEMAN marié à Julienne de SIGNY, d’où :

II- Jullien DODEMAN (Chévrerie) né vers 1672, mort en 1717. Il se maria à ND de Cresnay, le 19 juillet 1708 avec Françoise RAULLIN, originaire de Juvigny-le-Tertre. La cérémonie fut célébrée par Mtre Jacques RAULLIN, vicaire au Mesnil-Gilbert, vraisemblablement parent de la mariée. Ils eurent 6 enfants: Marguerite (°1709), Marie-Françoise (1710-1737), Pierre (°1712) qui suit, Antoinette (°1713), Anne (1714-1719), Jacques (1717-1719).

III- Pierre, né le 27 mai 1712 à Notre Dame de Cresnay, est désigné sous le nom de Pierre DODEMAN “Chévrerie” et qualifié de laboureur. Il se marie en 1734, mais son épouse meurt en 1737, à la suite des couches de son 2e enfant. Il se remarie, le 12 janvier 1739, avec Catherine DEBRAIZE dont le père, Thomas, est fermier au village de la Poisnelière. Pierre DODEMAN et son épouse Catherine eurent 10 enfants connus:

       1 Pierre naquit en 1741 à la Chévrerie. En 1758, il fut incorporé en tant que fusilier dans le bataillon de la milice de Vire avec le surnom de “Passe-partout”. Il avait une taille de 5 pieds 2 pouces (soit 1m68, ce qui n’était pas mal pour l’époque), les cheveux châtain brun, les yeux gris, le nez pointu, le visage mince et pâle marqué de la petite vérole. Il se maria 4 fois et mourut en 1807 aux Cresnays.

      2. Jacques, né en 1742, qui suit,

      3. Jean Baptiste, né en 1745, décédé l’année suivante,

      4. Jean, né en 1747 à Cresnays, qui suit

      5. Marie Jeanne (1749-1781),

      6. Anne Catherine, née en 1753, mariée à Julien PESLIN, descendance non recherchée,

      7. Julien, né en 1753, mort à Brécey, Mariée à Anne-Marie HULIN, descendance

      8. Pierre Michel, né en 1756, qui suit

      9. Marguerite Jacqueline, née et décédée en 1759.

    10. Jeanne Gabrielle, née en 1761 (descendance non cherchée), mariée deux fois.

Sur les 10 enfants de Pierre DODEMAN & Catherine Debraize, 3 d’entre eux, qui suivent, ont particulièrement assuré une descendance importante dont plusieurs sont présents aujourd’hui à notre assemblée générale.

 

A) Branche de Jacques DODEMAN, époux de Catherine GESBERT

IV- Jacques DODEMAN, né le 9 février 1742, épouse en 1765Catherine GESBERT, originaire du Mesnil-Rainfray. Jacques est charpentier. Il vend en 1772, à son frère Jean, les terres héritées de son père à La Chèvrerie.

D’où:

a) Jacques Denis DODEMAN, né en 1770 à ND de Crenay, marié à Marguerite LEROY, parents de Jean Jacques François DODEMAN né à la Rochelle Normande en 1805, ancêtre de notre ancienne adhérente Michelle DODEMAN, épouse de Pierre LEBLOND, de Granville.

 

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

B) Branche de Jean DODEMAN, époux de Marie LEBRUN

IV- Jean DODEMAN, né en 1747, épouse Marie LEBRUN (1748-1834), native des Loges sur Brécey. Laboureur aux Cresnays puis à Brécey, Jean se retire à la Chévrerie où il décède en 1818, à l’âge de 72 ans. Le couple eut 11 enfants dont:

      1 - Jacob (1770-1833) époux de Julienne FAGUAIS (1767-1853), native de St-Laurent-de-Cuves : Jacob, cultivateur aux Loges-sur-Brécey puis à La Chaise Beaudoin où il décède en 1833, est à l’origine de la branche qui s’installa à Braffais, La Trinité, Granville, Sept-Frères, Caen, La Motte-Beuvron, et Paris.

De ce couple descendent :

Jacques DODEMAN (Paris)*

Jacqueline DODEMAN (Paris)*

Danièle DODEMAN ARNAUD (Paris)*

Jean Pierre DODEMAN (Paris )*

Annette DODEMAN, épouse THOMELIN, de Granville

Jean DODEMAN ( 86 Chatellerault)*

Claude DODEMAN (17 Saint Xandre)*

Mario DODEMAN (63 Brénat)*

Michel LEMAIRE (50 Gourfaleur)*

Les enfants de Suzanne DODEMAN ( 1925-1973), sœur de Claude de Saint Xandre, mariée à Victor HESLOIN, sont cousins germains de Georges (St.Hilaire) et Pierre (Flers), enfants de Marcel DODEMAN et d’Emilienne, née HESLOUIN (de Montgothier)

     2 - Thomas (1773-1842) qui épouse en 1815, Jeanne MAUDET (1771-1847), dont:

a) Thomas, cultivateur aux Loges-sur-Brécey puis à St-Martin-le-Bouillant où il décède en 1842, est à l’origine de la branche qui s’installa aux Loges-sur-Brécey, Saint-Vigor-des-Monts, Sept-Frères, St-Germain-de-Tallevende, Ondefontaine, Boulon, et Caen. De ce couple descendent :

Maurice DODEMAN, (Secqueville-en-Bessin)*

Mireille Langlade, épouse LECLERC,  (Villon-les-Buissons)*

René DODEMAN, (Giberville)*

Guy DODEMAND, (Roullours)*

Alain DODEMAN, (Caen)*

Rémi MARCHAIS, (St-Sever-Calvados)*

Eric DODEMAN, (Caen)*

Luc DODEMAN, (Suède)*

      3 - Robert (1789-1819) qui épouse en 1813, Louise FREMONT (1786-1860), de Gathemo. Né à Brécey en 1789, Robert qui est tailleur de pierre, décède à l’âge de 30 ans, à Beauficel. Il n’a que deux fils qui migreront à Perriers-en-Beauficel, Champ-du-Boult et Saint- Barthélémy. De ce couple descendent:

Denise DODEMAN, épouse HENRY ( Savigny sur Orge)*

Yvette DODEMAN, épouse YVON ( Triel/Merville-Franceville)*

Patricia DODEMAN, épouse JACQUELINE (Langrune-sur-mer)*

Simone DODEMAN, épouse GEOFFRAY (Lion-sur-mer)

Evelyne DODEMAN, épouse UPPER (Allemagne)*

Raymond DODEMAN (Sourdeval)

André DODEMAN (Torigni)*

Simone Vimont, épouse COLACE (Vassy)*

Odile DODEMAN, épouse LEJEMBLE (Sourdeval)*

C) Branche de Pierre Michel DODEMAN, époux de Perrine HUET

IV- Pierre Michel (1756-1833) époux de Perrine HUET  (1761-1823), native de Cuves. Marié à Louise BOURSIN en 1ères noces puis à Perrine HUET, Pierre Michel, laboureur aux Cresnays, afferme en 1784, ses biens au village Chèvrerie, à son frère Jean. De sa 2e épouse, il eut un fils qui suit:

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

      1 Pierre Michel DODEMAN (1801-1875), laboureur aux Cresnays (La Chèvrerie) X en 1826 à Anne MEIGNE (1800-1881), nombreuse descendance dont 2 fils qui suivent:

              a) Jacques François DODEMAN (1829-1898), laboureur à La Chèvrerie, marié à Marie Françoise LEPROVOST (1836-1883), native du Mesnil-Gilbert, dont:

               aa) Paul Félix DODEMAN (1862-1920), cultivateur à La Chèvrerie, qui épouse Marie LEVALLOIS (1870-1949)  dont 4 enfants:

(1) Paul DODEMAN (1901-1960) époux de Marie Madelaine POREE (1910-1987)

(2) Gustave DODEMAN (1903  1991) époux de Maria LELANDAIS (°1908)

(3) Marcel DODEMAN (1907 –1997) époux de Emilienne HESLOIN ( + 1979)                 

(4) Alice DODEMAN  (1912 –1979) sans postérité

Les trois premiers enfants sont à l’origine des rameaux suivants:

 

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

Rameau (1) 

de DODEMAN René (+), 78 Ecquevilly

de  DODEMAN André (+), 78 Houilles

de DODEMAN Colette, épouse THIEULENT, (61) Ronfeugerai*

de DODEMAN Maryvonne, épouse PIHAN, (78) Chambourcy*

de DODEMAN Jean Claude, (27) Vernon*

de DODEMAN Christophe, (78) Flins*

Rameau (2)

de DODEMAN Roger, (49) Bagneux*

de DODEMAN Renée, épouse Auré, La Chapelle Largeau (79)*

de DODEMAN Norbert, ( 22) le Hinglé*

de DODEMAN Guy, (44) La Chapelle sur Erdre*

de DODEMAN Pascal, (76) Le Havre*

de DODEMAN Fabrice, (14) Bretteville l’Orgueilleuse

de DODEMAN Maria, (44) Treillières*

Rameau (3)

de DODEMAN Marcel ( +), 50 Saint Hilaire

de DODEMAN Georges, (50) Saint-Hilaire-du- Harcouet*

de DODEMAN Pierre, (61) Flers

                b) Jules Marie DODEMAN, charpentier (1843-1920) marié en 1869, avec Augustine Angélique LEPROVOST (1841-1880), native du Mesnil-Gilbert. Dont :

                ba) Hippolyte DODEMAN (1870-1909), charpentier aux Cresnays marié en 1895, avec Pauline AUBRY (°1871). Ce sont les grands-parents de Lucien DODEMAN, décédé en 1990 aux Cresnays. La veuve de Lucien, son fils Rémi et sa sœur Simone veuve CATHERINE, sont les derniers DODEMAN résidant aux Cresnays après plus de 3 siècles de présence de la famille dans la commune. Les autres enfants de Lucien résident en dehors des Cresnays.

 bb) Jules Augustin DODEMAN (1876-1950), charpentier et cultivateur aux Cresnays puis au Grand-Celland marié en 1941, à Emilienne THEBAULT* (°1918 au Grand-Celland), parents de nos adhérents Claude DODEMAN*, de Vauréal (95) et Michel DODEMAN*, de Neuilly sur Marne (93) et grands- parents de notre adhérent Laurent DODEMAN*, de Rueil-Malmaison

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

Nous avons relevé l’existence d’autres familles DODEMAN aux Cresnays que nous n’avons pu raccorder à celle-ci. L’une d’entre elles que nous avons appelée la “Famille de militaires” nous a semblé assez intéressante pour faire l’objet de la communication qui suit.

N.B.: les noms de nos adhérents actuels sont suivis d’un *

Sources:

- Registres paroissiaux des Cresnays et registres notariaux aux archives départementales à Saint Lô.

- Mémoires de la Société d’Archéologie d’Avranches & de Mortain.

- Bulletin de l’Association des Familles DODEMAN

- Recherches par Yves C. DODEMAN

- “Les DODEMAN du Val de Sée” par Anne Marie et Guy DODEMAN (Granville)

-  “Juvigny le Tertre et son canton” par Henri Herbert.

 

 Autre Branche des DODEMAN des Cresnays, non raccordée à Guillaume DODEMAN                                          par Yves DODEMAN

 

LA BRANCHE DES MILITAIRES

I- Gilles DODEMAN et son épouse Gillette PICHON (1664-1714), vécurent vers 1700, à Notre Dame de Cresnay. Ils eurent 10 enfants, dont :

1° Julien DODEMAN (°1698) marié en 1740 à Renée DU HAMEl, originaire de la Mancellière. Ils eurent 6 enfants dont la descendance n’a pas été étudiée.

2°Bertrand DODEMAN qui suit.

II- Bertrand DODEMAN qui épousa en 1719, Marguerite VOISIN. Il exerçait alors le métier de marchand en la paroisse de Notre Dame de Crenay. A partir de 1726, il est cité dans plusieurs actes concernant des achats de terres et de rentes. On le trouve aussi comme témoin à plusieurs mariages. Ils eurent 7 enfants dont Henry qui suit.

III- Henry DODEMAN

Il faut, en quelques mots, raconter l’histoire de cet homme original qui est l’ancêtre d’une lignée de militaires et d’hommes du livre (écrivain, éditeur). Il naît en 1724 à Notre Dame de Cresnay. On le retrouve installé en 1752 à Bruyères, dans l’évêché de Laon où il était maître chirurgien barbier, c’est à dire qu’il usait aussi bien de la lancette pour faire une saignée que du davier pour arracher une dent ou du rasoir pour la barbe. Il se maria quatre fois. La première fois, il épousa un ventre, comme disait Napoléon, c’est à dire une femme qui pourrait lui donner de vigoureux enfants. Il en eut 8 avec elle. La seconde fois, il épousa un sac, un sac d’or, bien sûr. C’était une “vieillarde” pour l’époque: elle avait 60 ans, et 19 ans de plus que lui. Veuve d’un bourgeois, elle avait du bien et point d’enfant. Prévoyant, Henry fit inscrire au contrat de mariage, une donation mutuelle au dernier vivant! Il n’eut pas longtemps à attendre, 3 ans plus tard, il était veuf. La troisième fois, il épousa un nom et une situation sociale, l’élue s’appelait Marie Anne Régnier du Gaspart. Après lui avoir donné 2 enfants, elle décéda en 1777. La quatrième fois, il épousa une jeunesse. Il se choisit une gentille petite orpheline de 19 ans qui avait 35 ans de moins que lui et qui lui apporta, en plus de sa fraîcheur, une petite maison. Il eut encore deux enfants avec elle.

Tout au long de sa vie, Henry eut affaire à la justice, que ce soit des oppositions à son second mariage, des actions de créanciers, des saisies ou des procès divers. Son procès contre ses beaux-frères, concernant l’héritage de sa seconde femme, la fameuse “vieillarde”, fut même porté devant le Parlement de Paris en 1781. En 1783, c’est lui qui déposa plainte contre un certain DUMOTIER, meunier qui l’avait interpellé alors qu’il passait à cheval, avait pris l’animal par la bride et avait tenté, selon Henry, d’”amener le cheval du côté de la rivière pour l’y faire tomber”. On apprend dans les pièces de l’enquête que le meunier s’était querellé quelques jours plus tôt avec sa femme, qu’elle avait quitté le foyer conjugal et que Henry DODEMAN, bonne âme, l’avait cachée pendant quelques heures. Le meunier reconnut avoir dit à Henry “qu’il ferait mieux de se mêler de son ménage et de ses affaires que des femmes” des autres. Est-ce à dire que notre galant homme aurait peut-être dû surveiller sa propre femme... de 35 ans plus jeune que lui? On peut se le demander car, lorsque Henry mourra le 8 mai 1790, elle ne mettra que 3 semaines pour se remarier.

Henry DODEMAN, maître chirurgien, propriétaire de plusieurs maisons, était un bourgeois. L’inventaire après décès qui notamment détaille sa garde robe, nous permet de l’imaginer, allant saigner ses patients, vêtu de sa redingote, chaussé de bottes et monté sur son cheval. Ses pistolets d’arçon sont dans leurs fontes et sa mallette fixée à la selle contient les instruments de son art : palette, lancette, davier...Ou encore, nous nous le représentons, chaussé de souliers à boucle, les jambes gainées dans des bas de fil, ayant revêtu son habit de satinette bleue et son manteau de drap bleu au galon doré, sa montre en or dans son gousset, pénétrant chez son ami, le chevalier de Roumefort, ou chez quelque officier du duché-pairie de Laon. Né dans l’Avranchin sous Louis XV, il achèvera sa vie dans le Laonnais, au moment où commenceront les grands bouleversements de la Révolution française. Parmi sa descendance, nous retiendrons les deux fils qui suivent:

1- Henry Louis Victor, à l’origine de la branche aînée

2- Louis Joseph Antoine, à l’origine de la branche cadette

 Branche aînée

IV- Henry Louis Victor, un homme de loi royaliste. 3e enfant d’Henry, il naquit à Bruyères (Aisne) en 1756 et entra dans l’armée en 1777 comme dragon. On le retrouve à Vesoul (Vosges) en 1780, où il épousa la fille d’un perruquier de la ville. Il quitta l’armée, passa sa licence en droit, devint avoué puis greffier au bailliage de Vesoul. Le 21 février 1814, le comte d’Artois de retour en France dans les fourgons des armées étrangères, entra à Vesoul. A cette occasion, Henry Louis Victor montra ses sentiments royalistes en prenant la tête d’un cortège conduisant le prince à travers la ville. Il mourut en 1817, à Vesoul. Il fut le père de 8 enfants dont:

                   1 François, un chirurgien aux armées qui naquit en 1792 à Vesoul. Peut-être influencé par l’exemple de son grand-père, il suivit les cours d’un chirurgien en chef des armées impériales et devint chirurgien sous-aide major, en 1811. En 1814, il est mis à la retraite d’office avec un traitement de demi-solde mais, malgré ses réclamations successives et véhémentes, il ne pourra jamais réintégrer l’armée. Il se mariera trois fois. On le retrouve en 1860, retraité des Postes, à Belley (01)

                  2 Jeanne  qui épousa en 1810, Jean-François Richardot (1774-1843), capitaine de la Garde impériale puis commandant du Fort de Rimains, à Cancale. Ce sont les ancêtres de notre adhérente Bénédicte TENIERE.

 Branche cadette

IV- Louis Joseph Antoine, un officier de la Révolution. 5e enfant d’Henry, il naquit à Bruyères (Aisne) en 1759, et s’engagea comme son frère en 1777, mais lui, dans le régiment de Savoie-Carignan. La Révolution va permettre à ce soldat sans avenir de devenir officier d’artillerie. En 1792, il fut à l’armée du Rhin. Il participa ensuite à la pacification de la Vendée, à la guerre d’Espagne et à la campagne d’Italie. Il prit sa retraite en 1815 avec le grade de Chef de bataillon. Il se retira à Doué la Fontaine (Maine et Loire) où il décéda, en 1826. De son mariage en 1794, avec Marie Russon, il eut trois fils dont deux feront une carrière militaire.

1° Louis Joseph, auteur du rameau A

2° Antoine François, auteur du rameau B

Rameau A de la branche cadette

V- Louis Joseph, un héros

Né en 1797 à St Jean Pied de Port (Pyrénées-Atlantiques), il s’engagea dans l’artillerie en 1812. Il n’avait que 15 ans. En 1814, l’Empereur le trouva en train de servir une pièce d’artillerie dont tous les canonniers étaient morts. Il fut décoré sur le champ. En 1815, il participa à la campagne de Belgique qui se termina à Waterloo. Sous la Restauration, il fut à l’armée des Pyrénées puis, en 1826, comme sous-lieutenant à l’île de la Réunion où il épousa une créole qui malheureusement mourra sur le bateau de retour, en 1831. Il se remaria en 1832, à Toulouse, avec Jeanne BLACHE. Il participa ensuite à la campagne de Madagascar où il rédigea un dictionnaire franco-malgache de 1000 mots. On le retrouve en 1832 en Algérie. Il terminera sa carrière en 1855 comme chef d’escadron, officier de la légion d’honneur, commandant de la place de Cambrai. Il mourut comme son père, dans la région de Saumur, en 1878

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

De son mariage avec Jeanne BLACHE, il eut trois fils dont deux seront officiers de carrière:

               1 Jean Baptiste Ernest, un “officier distingué et zélé”, selon une note d’inspection. Né en 1832 à Alger, élève de St-Cyr, il devint sous-lieutenant de lanciers et épousa en 1860, une anglaise, Ada Mary BROWN, fille de pasteur. Le général commandant la division donna son autorisation mais fit observer qu’il n’avait “qu’une médiocre confiance dans les unions contractées à l’étranger”. Nommé chef d’escadron en 1880, il commanda le 10e régiment de Hussards en Afrique du Nord. Il décéda à Villenouvelle (Haute Garonne) en 1901, laissant un seul fils, Maurice Ernest.

a) Maurice Ernest, un esprit non-conformiste. Né en 1870 à Avignon, engagé volontaire dans la cavalerie à 18 ans, il participa aux campagnes d’Algérie et du Maroc, et à la Grande Guerre. Il prit sa retraite en 1919, avec le grade de chef d’escadron. Il mourut en 1954 en Haute Garonne. Officier “intelligent et instruit”, il n’eut pas la carrière qu’il méritait à cause de son “caractère entier et indépendant”, de son manque de “sens de la mesure” et de son indiscipline. Son dossier militaire regorge de punitions, du genre “ a persisté à répondre sur un ton élevé aux observations faites par son capitaine” (1898), “s’est permis de répondre d’un air détaché à une observation de son capitaine” (1903), “a répondu sur un ton élevé...” (1905), “ a envoyé directement et en dehors de la voie hiérarchique au gouvernement militaire de Paris, une lettre ayant le caractère d’une réclamation” (1907). Cette dernière affaire, reprise trois ans plus tard par le journal d’opposition “La Lanterne”, lui vaudra encore des réprimandes. Il épousa en 1906, une américaine. Le rapport établi en vue de l’autorisation du mariage précise qu’on “la dit spirituelle et bonne musicienne” et que “son père serait professeur à Harward”. Le rapporteur conclut que si la jeune personne a “les allures libres des américaines, [elle parait] cependant de bonne moralité et de bonne conduite.” Ils eurent deux enfants dont notre ancien adhérent, Maurice “Alec”, né à Marseille en 1909, qui fut libraire.

                2. Jean Marie Antoine, un Saint-Cyrien sans histoire. Né à Toulouse en 1835, il entra comme son frère à l’école de St-Cyr. Il participa à la guerre de 1870 et prit sa retraite en 1890, avec le grade de lieutenant colonel et la rosette d’officier de la légion d’honneur. Il décéda en Seine et Marne, en 1906. De son mariage en 1868, avec sa belle-sœur, Jane Philippa BROWN, il eut quatre enfants dont:

a) Charles, né à Versailles en 1873 et qui mourut à Paris en 1934. Bouquiniste et homme de lettres, il publia une dizaine de vaudevilles et de nombreux romans d’aventures pour adolescents dont les titres sont évocateurs : “La bombe silencieuse”, “L’aigle noire de Varsovie”, “Le secret du livre d’heures”, “Aux 4 vents de la misère”, “L’arbre aux pièces d’or”, “Le proscrit”, “L’espion chinois” etc. Certaines éditions, illustrées par Robida sont recherchées par les bibliophiles. Ses deux livres de souvenirs, “Le journal d’un bouquiniste” et “Le long des quais”, conservent encore actuellement un réel intérêt documentaire. Son fils, Marcel Charles (1900-1983), fit une belle carrière dans l’édition puisqu’il fut administrateur du Figaro et directeur général de l’imprimerie Sirlo. La fille de Marcel, Jeanne devint une journaliste connue.

Rameau B de la branche cadette

V- Antoine François, mort en service. Né en 1798 à Bayonne, il signa un engagement volontaire dans l’artillerie en 1820 et fit la campagne d’Espagne. Il se maria à Toulouse en 1835. Veuf, il épousa en 1838, sa belle-soeur. Capitaine d’artillerie, il fut affecté en mars 1845 au 11e rgt d’artillerie stationné à Valence. C’est là qu’il mourut deux mois plus tard, pendant le service, d’une “apoplexie pulmonaire foudroyante survenue à la suite d’efforts foudroyante survenue à la suite d’efforts considérables pendant une leçon d’intonation”.              

Ainsi, Henry DODEMAN, notre “barbe-bleue” des Cresnays, si je puis m’exprimer ainsi, est l’ancêtre d’une famille hors du commun qui trouva dans l’armée un exutoire, mais également un cadre, à son dynamisme, à sa fougue et à son non-conformisme. De ces bretteurs sont néanmoins sortis des hommes et des femmes du livre: écrivain, libraire, éditeur et journaliste.

 Paléographie : publicité donnée à un contrat, à Notre-Dame-de-Cresnays, en 1772

Sous l’Ancien régime, la publicité des actes notariaux était faite, à la requête d’une des parties, par le notaire qui lisait,” à haute et intelligible voix”, un avis à la sortie de la grand messe paroissiale, afin que nul n’en ignore.

En voici un exemple. Le 20 février 1772, Jacques DODEMAN, dont est issue la branche A des Cresnays (voir p.8 des présentes), vend pour la somme de 40 livres, une rente foncière perpétuelle de 40 sols, correspondant à la fieffe d’un pré situé au village de la Chèvrerie (AD de la Manche, notariat de Tirepied, 5E 1054).

Du dimanche vingt deuxième jour de Mars mil sept

cent soixante douze

A la Resqueste du sieur pierre Gesbert, fils feu jean

de la paroisse de Saint pierre de cresnay, nous not[tai]re Royal

au Bailliage d’avranches pour le siège de tirpied et

dépendances sousigné étant à l’endroit ordinaire à

faire touttes lectures publiques et de justice avons

[à l’]issuë et sortie de la Grande messe paroissialle de

notre dame de cresnay, lû, publié et audiencé à

haute et intelligible voix un contrat de vente

de quarante sols de rente foncière procédant des

prix de la fieffe d’une portion de terre en prey scituée

au village de la Chevrerie ditte paroisse de notre dame

de Cresnay Seigneurie dud[it] lieu, à luy consentie par

jacques dodemand fils feu pierre, Moyennant

quarante livres net et quitte à la main dudit

vendeur, Suivant que le tout est plus au long énoncé

aud[it]contrat de vente à notre Raport en datte du vingt

fevrier dernier, controllé et insinué à Avranches le

cinq mars suivant aud[it]an, Lad[ite] lecture faitte le peuple

sortant d’entendre la S[aint]e messe et Service divin dud[it] lieu

du nombre duquel nous avons appellé pour tesmoins les

personnes de s[ieur]s jaques françois harel, pierre harivel,

s[ieur]s jaques René voisin contrôleur des actes, Jean daucé et Jaques Blondel

tous paroissiens et habitants de lad[it]e paroisse qui vont avec

nous signer tant sur la Grosse dud[it ]Contrat qu’à la présente

à nous restée pour registre suivant la coutume dont acte un

mot rayé nul.    J. harivel  J f harel   Voisin   Jean Daucé   J Blondel   Lemonnier

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

Bulletin n° 44 de décembre 2001 - Des DODEMAN à Saint Pierre et Miquelon (par Yves DODEMAN)

Comme vous le savez, Internet est un outil extraordinaire pour accéder à d’intéressantes mines de renseignements.

Des Saint-Pierrais originaires du sud-Manche. Une de mes correspondantes sur le “net”, Florence BEAUCHAIS, exploitant au départ des notes prises par son grand-oncle  il y a trente ans, a établi une liste d’hommes et de femmes du sud-Manche partis s’établir à St-Pierre-et-Miquelon au XIXe s. Ils venaient de Bacilly, Dragey, Lolif, Marcey, St-Pair, St-Pierre-Langers etc. Parmi eux, des DODEMAN, bien sûr, que nous connaissons déjà, nés à Dragey ou à Marcey. Ces hommes courageux oubliaient les difficultés et les dangers du métier de pêcheur ainsi que la rigueur du climat, pour ne retenir que le meilleur niveau de vie qu’ils pouvaient offrir à leur famille, grâce aux salaires substantiels distribués sur les terre-neuvas.

L’histoire de l’archipel

Mme Peigné, la sœur de notre adhérente Monique Charbonnière, nous a fait parvenir les résultats d’une recherche sur St-Pierre-et-Miquelon qu’un sien cousin a entreprise sur Quid, via Yahoo. En voici les grandes lignes. L’archipel de 242 km2, dépendant géographiquement de Terre-Neuve, se compose de deux communes (St-Pierre et Miquelon-Langlade) qui regroupent 8 îles. Jacques Cartier prit possession en 1535, de ce territoire qui avait déjà été visité par des Portugais et peut-être des Basques. Le premier établissement fixe, qui date de 1604, se développera sous nos couleurs, jusqu’au traité d’Utrech, en 1713, qui vit l’Angleterre nous ravir Terre-Neuve et l’Acadie, gênant ainsi l’essor de ce qui restait du Canada français. Cependant l’archipel fut restitué à la France par le traité de Paris, en 1763, et il constitue maintenant l’unique vestige de nos vastes possessions en Amérique du nord.

Vous vous souvenez peut-être de la très belle lettre, pleine de dignité que nous avons publiée dans le N°27 de notre Bulletin, grâce à l’amabilité de Mme Charbonnière. Dans cette missive, Marguerite DODEMAN, installée à l’Ile-aux-Chiens, annonçait à sa belle-mère domiciliée dans l’Avranchin, que le 8 septembre 1874, Carolin, son “pauvre homme” avait disparu en mer et qu’elle restait seule avec deux enfants en bas-âge et un autre à naître. Seule, pas tout à fait puisque ses deux beaux-frères, Auguste et Louis DODEMAN, habitaient également l’archipel. Un historique détaillé, nous en apprend plus sur les circonstances de ce drame : le 8 septembre 1874, des coups de vent d’une grande violence drossèrent deux goélettes à la côte et plusieurs pirogues de pêche disparurent corps et biens. On compta 96 victimes. Un mois plus tard, on inaugurait l’église de l’Ile-aux-Chiens. Ce n’est qu’en 1931 que, sur la demande du Père Lavolé, curé du lieu, cette île fut débaptisée pour prendre le nom d’Ile-aux-Marins, jugé plus flatteur.

Les engagés de Saint-Pierre dans les F.F.L.

Le moteur de recherche Google.com nous fait découvrir, parmi les très nombreux engagés de St-Pierre-et-Miquelon dans les Forces françaises libres, deux DODEMAN : Joseph et Antoine. Antoine était peut-être le fils de Charles DODEMAN et de Cécilia Ménard, né le 7 avril 1911 à St-Pierre, et donc le petit-fils de Carolin qui fut semble-t-il, avec ses frères Auguste et Louis, le premier DODEMAN à s’installer dans l’archipel. Cette participation active des Saint-Pierrais dans les F.F.L. fut certainement une raison déterminante dans la visite du général de Gaulle en 1967, seule visite d’un chef d’état en 400 ans de présence française.

Des habitants de l’Ile-aux-Chiens en 1916, aux sportifs internationaux de l’an 2000

Google.com nous a fourni une liste des habitants de l’Ile-aux-Chiens en 1916, d’après l’Almanach du Centenaire, de Daniel Cauvin :

- Marianne, Blanche DITHURBIDE, veuve d’Antoine DODEMAN,

- Prosper DODEMAN, chef de sifflet (?)

- Rose, veuve d’Auguste DODEMAN

Le même moteur de recherche nous a appris également que Jean-François DODEMAN était un des gardiens des Cougars, le 28 janvier 2000, lorsque cette équipe reçut à la patinoire de St-Pierre, la sélection de Portugal Cove. Nous découvrons également que pendant la saison 1996-97, un certain Philippe DODEMAN était défenseur dans le même club. Nous n’avons pas sa photo, mais nous savons qu’il mesurait 1m 84, pesait 77kg et qu’il était né le 2 juillet 1969 !

Nous avons auusi les résultats des régates 1999 :François DODEMAN du Yacht Club de St Pierre, fut classé 42e sur 44, au championnat du Québec à Hudson, et 45e sur 70, au championnat canadien à Montréal. Les DODEMAN de St Pierre sont des sportifs !

Bulletin n° 44 de décembre 2001 - Les Do(o)deman des Pays Bas (communication Yves DODEMAN)

Notre adhérent de la première heure, Dick DOODEMAN, de Brokker (Pays-Bas), a publié en 1991 une généalogie fort bien faite sur sa famille, dans un ouvrage intitulé Stamboom. Familie Do(o)deman, aimablement traduit par mon amie belge Maryse Perrin.

L’histoire commence avec Jan DOODEMAN, né vers 1753, dans un lieu inconnu, marié en 1783 à Nibbirwood. Il exerçait la profession de tailleur d’habits. Il eut 10 enfants. Dick pense que Jan Doodeman était issu des DODEMAN de France. Le nom devait se prononcer en traînant un peu sur le “o”. Or, aux Pays-Bas, le “o” long est toujours indiqué “oo”, d’où la graphie adoptée : Doodeman. Vous trouverez à la page suivante, le tableau de descendance partielle de trois des dix enfants de Jan :

1° Reinier DOODEMAN

Né, marié et décédé à Nibbixwoud, respectivement en 1795, 1821 et 1889, il eut comme ses parents 10 enfants, dont : Simon, né à Hauvert en 1830, laboureur, marié à Bovenkarspel en 1861 et décédé à Grootebroek en 1916. Ses trois fils perdirent le second “O” de leur nom. Un seul, Albert (1868-1932), eut postérité, donnant ainsi naissance à la branche des DODEMAN des Pays-Bas (voir photo ci-dessus).

Barend DOODEMAN. Né, marié et décédé à Nibbixwoud, respectivement en 1797, 1823 et 1876, il eut 7 enfants. Parmi ses descendants figure l’auteur du livre dont nous parlons, Theodorus (dit Dick) DOODEMAN.

3° Dirk DOODEMAN

Né à Nibbixwoud en 1805, laboureur, marié au même lieu en 1828 et décédé à Waarland en 1860, eut 8 enfants. Parmi sa descendance, figure Theodorus DOODEMAN, né à Waarland (voir photo ci-dessous) qui épousa une allemande Barbara Werthammer, native de Karlsruhe, où ils vivent avec leurs trois enfants. Theodorus est paysagiste de la ville. Nous avons le plaisir de retrouver le couple presqu' à chaque assemblée générale. Nous sommes sensibles à leur amicale fidélité malgré l’obstacle de la langue.

 

Theodorus et Barbara DOODEMAN, de Karlsruhe (Allemagne)

Theodorus et Barbara DOODEMAN, de Karlsruhe (Allemagne)

Bulletin n° 46 de juin 2002 - La branche des DODEMAN de la Haye-Pesnel de la fin du XVIe s. au début du XXe s. (Texte Yves DODEMAN)

La Haye-Pesnel, à une quinzaine de kilomètres d’Avranches, de Granville et de Villedieu-les-Poêles, est une bourgade construite au flanc et sur le plateau d’un coteau baigné par le Thar, petite rivière côtière séparant l’Avranchin du Pays de Coutances.

Quand cette histoire commence, nous sommes à la fin du XVIe siècle, sous le règne du roi Henri III. Les guerres de religion et leur cortège de troubles et d’exactions durent depuis 1560 et ne prendront réellement fin qu’avec l’Edit de Nantes en 1598. Des DODEMAN sont installés, certainement depuis plusieurs générations, peut-être depuis la fin de la guerre de Cent ans, sur le plateau, à environ 1500 m. du bourg, dans un hameau auquel ils ont donné leur nom : le village DODEMAN.

Nous allons essayer en larges traits de vous décrire leur vie au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, vie ponctuée de difficultés et de malheurs si l’on se réfère à l’invocation séculaire des peuples que nous retrouvons gravée sur le socle d’un calvaire près du village DODEMAN : “De la peste, de la faim et de la guerre, délivrez-nous, Seigneur”. On pourrait ajouter : et des impôts excessifs!

Cette gravure satirique montrant le paysan supportant le poids de la noblesse et du clergé, bien que datant de l'époque révolutionnaire, est le symbole d'une situation qui existait depuis plusieurs siècles

Cette gravure satirique montrant le paysan supportant le poids de la noblesse et du clergé, bien que datant de l'époque révolutionnaire, est le symbole d'une situation qui existait depuis plusieurs siècles

1ère génération connue : Jean DODEMAN que nous appellerons Jean 1er

Nous savons peu de choses sur lui car les registres paroissiaux, s’ils ont existé, ne nous sont pas parvenus. Il dut naître vers 1580-1590. Les archives notariales (1) nous permettent de savoir qu’il souscrivit une rente foncière en 1616. Il se maria avec Marguerite Laisné qui lui donna cinq enfants, quatre garçons et une fille qui firent souche. Lui et sa famille connurent, rôdant autour d’eux, ce fléau qui pouvait s’abattre sur leur foyer sans crier gare, la peste. On la signale à Granville en 1625, à Avranches en 1626, à Villedieu-les-Poêles en I628. Mais il semble que la terrible "malladye contagyeuse" ait tourné autour de la Haye-Paynel sans jamais y pénétrer. La vague "pestilentielle" disparut définitivement de la région en 1639, à cause semble-t-il, du refroidissement climatique général. En aucune façon, il ne faut penser à un quelconque progrès de la médecine ou de l'hygiène. Les impôts sont lourds et nombreux : impôts directs comme la taille ou indirects comme les aides et la gabelle. A partir de I635, leur poids augmente encore du fait de la guerre de Trente Ans, ce qui mécontente les paysans d'autant qu'ils sont souvent très mal répartis. Aux impôts, il faut ajouter le coût de la milice et je cite le Cahier des Etats de Normandie de I638 : "il n'y a point de paroisse qui n'ait été forcée à lever, vêtir et armer trois ou quatre soldats dont l'équipage a monté jusques à cent livres au moins, pour chaque paroisse". Ces contributions démesurées écartent le paysan de tout espoir d'améliorer ses conditions d'existence.

C'est dans ce contexte socio-économique qu'éclate dans l’Avranchin, la révolte des Nu-Pieds. L'on sait que la Monarchie s'était assuré le monopole de la vente du sel dans la plupart des provinces. Cependant, dans le Cotentin, les habitants bénéficiaient du privilège d'extraire le sel eux-mêmes par ébullition, à condition de verser au fisc un droit représentant le quart de la valeur du sel récolté. C'était le Quart-Bouillon. Le 16 juillet I639, le bruit ayant couru que le privilège de Quart-Bouillon était menacé, le peuple se soulève à Avranches et le mouvement se propage rapidement. Son chef, le mystérieux “général” Jean Nu-Pieds, commandant l’armée de misère, prend pour sceau deux pieds nus avec cette devise “Homo missus a Deo” (L’homme a une mission divine). L’on voit des scènes de meurtre, de brigandage et d'incendie pendant des semaines. Le pouvoir central réagit, 6000 hommes sont envoyés dans l’Avranchin. Les combats sont impitoyables : des centaines de Nu-Pieds périssent, les autres sont envoyés à la potence, à la roue ou aux galères. Longtemps après, les faubourgs d'Avranches et de nombreux villages à l'entour restaient encore déserts. A ces souffrances s'ajoutèrent les excès de la soldatesque et les réquisitions pour le logement et l'entretien de l'armée

Exactions de la soldatesque. Gravure d'Israël Sylvestre d'après les Misères de la guerre de Jacques Callot, à propos des guerres de richelieu en 1633

Exactions de la soldatesque. Gravure d'Israël Sylvestre d'après les Misères de la guerre de Jacques Callot, à propos des guerres de richelieu en 1633

2e génération : Jean II

Jean II naquit sous le règne du Roi Louis XIII, dans les années I620. Il connut donc encore adolescent, la révolte des Nu-Pieds dont on vient de parler. Mais il apprit vite que la violence des hommes n' était pas le seul malheur qui frappait le peuple, il fallait compter aussi avec les rigueurs climatiques. Un contemporain (2) nous précise que l'année I644 fut "fort saiche" et que "de fortes gelées avant la Toussaint” firent "grand tort au reste des biens". En juin 1647, il se plaint de la cherté du blé et ajoute :"je crois que dieu veult faire mourir le pauvre monde". En I648, le temps “fut tellement pluvieux que le blé renchérit de telle sorte qu'il y avait la moitié du monde qui mouroit de faim". Faute de pain, les malheureux mangeaient des choux et des navets.

Puis ce furent les troubles de la Fronde, révolte des seigneurs contre l'absolutisme du pouvoir royal. Nous sommes à l'été I648, de grands seigneurs normands lèvent des armées de plusieurs milliers d’hommes. Le gouverneur d'Avranches prend lui aussi parti pour la Fronde. Le peuple souffrit surtout du logement et des excès des troupes; "on n'avait jamays veu une telle tyrannye, ni grand désordre qui fut dans les paroisses". La Fronde se termina en 1652, mais dans les Elections d'Avranches et de Coutances, les désordres se prolongèrent. Des plaintes parvenaient aux élus que des troupes volaient journellement sur les grands chemins et que circulait de la fausse monnaie. C’est dans cette période troublée que vivait Jean DODEMAN. Il se maria vers 1655 avec Françoise Gombault, jeune fille de La Haye-Pesnel. Ils étaient complètement illettrés tous les deux. Ils n’eurent, semble-t-il, que deux enfants : Guillaume et Louis.

3e génération : Louis DODEMAN (1659-1689)

Louis naquit vers 1659. Il épousa le 22 octobre 1682, Marguerite Thomas, âgée de 2I ans. En avril I684, naît un premier fils, Jean, puis en décembre 1687, un second qu'ils prénomment Pierre. Les années 1673-17I2 constituent une période de poussée démographique pour le bourg de La Haye-Pesnel car, malgré des décès nombreux certaines années, on constate un excédent notable des naissances par rapport aux décès. Mais Louis DODEMAN ne profite pas longtemps de la période relativement favorable du début du règne de Louis XIV, il meurt à trente ans, en mars 1689. Marguerite Thomas reste seule pour élever ses deux garçons, Jean et Pierre.

4e génération : Pierre DODEMAN (1687-1733)

Baptisé le 23 décembre 1687, il n’a que 2 ans à la mort de son père. Il se marie le 6 octobre 1707, avec une jeune fille de 22 ans native de La Haye-Pesnel, Marie Ganne. Les époux sont illettrés ainsi que les parents et amis, sauf Jean DODEMAN, un cousin, charpentier, petit-fils de Jean 1er, que j’appellerais le “chef de la tribu” ou le “lettré”, car on lui demandait souvent d’être témoin et d’apposer sa belle signature au bas des actes. Ces laboureurs n’étaient pas bien riches mais ils avaient quelques terres et tenaient à passer devant notaire pour établir leur contrat de mariage afin de préserver les héritages. C’est ainsi que le 25 juillet 1707, “pour parvenir au futur mariage qui au plaisir de Dieu sera fait après les cérémonies de l’Eglise deubment observées”, Pierre DODEMAN et Marie Ganne passèrent un contrat devant Charles Guiffart, notaire à La Haye-Pesnel (3). L'épouse apportait son trousseau constitué d'un “ petit coffre de bois de chesne, un lit garny de couette et oreiller de plume, une douzaine et demye de serviettes avec un doublier d'oeuvre (4), une douzaine de draps de lit, une poelle et un chaudron, une demye douzaine d’assiettes et une demye douzaine d’escuelles le tout d'estain commun, avec ses habits et linge à son usage”. C'est son frère, François Ganne qui promet le lit ainsi que la somme de 20 livres, payable deux mois après le mariage. Le tout est estimé à 100 livres. Il est prévu qu'en cas de mort de son futur époux, "sans enfans sortis de leur espéré mariage", l'épouse reprendrait les meubles ou leur valeur en argent, ainsi qu’un douaire que lui consent son mari, en apportant en garantie "tout ce qui pourra appartenir de maisons et fermages au village DODEMAN". Le douaire était un droit d'usufruit accordé à la femme par son mari sur des biens appartenant à ce dernier, pour en jouir au cas où il décéderait. Il permettait ainsi, en principe, à la veuve de continuer à vivre selon sa condition après la mort de son époux. Là encore les parties et les témoins font une marque, sauf François Ganne, le frère de l'épouse. Il faut dire que l’école de garçons ne fut créée à La Haye-Paynel, qu'à la fin du XVIIe siècle, et celle de filles au début du XVIIIe s. Beaucoup n'y allaient pas, le curé choisissait, semble-t-il, les plus doués de la paroisse pour étudier. La même terre ne pouvant faire vivre tous les enfants à chaque génération, bien souvent l'un des fils se plaçait comme domestique de ferme ou devenait artisan. C'est ainsi que Pierre DODEMAN apprit le métier de sabotier qui se transmettra de génération en génération jusqu’à son arrière-petit-fils, Jean III DODEMAN.

Pierre et Marie sont mariés depuis à peine plus d'un an lorsque survient un événement climatologique qui restera longtemps dans les mémoires : le "Grand Hyver", celui de I709 (comme on dit la Grande guerre). Il ne sera dépassé en rigueur, mais pas en conséquences économiques, ni en mortalité, qu' en 1879.

L'été I708 avait été d'une chaleur excessive et la saison hivernale s'annonçait douce en ce début janvier 1709, lorsque dans la nuit du 5 au 6, la température chuta brusquement de +7° à -20°. L'on vit des arbres se fendre sous l'action du gel, des oiseaux s'abattre dans les champs, morts en plein vol. On retrouva des lapins gelés dans leur terrier. Le dégel brutal, le 24 janvier, inonda les campagnes. Puis le 3I, le gel reprit, aussi fort qu'avant. Le dégel du I0 février, fut suivi d'un nouveau retour du froid, et l'on ne vit la fin de l'épreuve que le 15 mars.

La vie économique s'arrêta, les moulins cessèrent de tourner et le bois de flotter sur les rivières gelées. Les arbres fruitiers furent presque tous perdus et le gibier anéanti. Les blés d'hiver qui avaient résisté à la première offensive du froid, furent détruits à la seconde, et au printemps ce fut "chose étonnante de ne voir dans les terres semées en blé non plus de verdure que dans les chemins". Le prix des grains s'envola. La misère fut extrême, comme le rapporte l'Ambassadeur d'Espagne : "C'était chose pitoyable de voir toutes sortes de personnes dans les prairies cherchant les herbes et pâturant comme des bêtes, leurs visages décharnés, pâles... leurs corps chancelants". L'administration organisa des secours et leva même des contributions sur les riches afin d'enrayer les désordres sociaux qui commençaient. Mais le peuple fut réellement sauvé par l'orge que l'on planta en mai, lorsqu'il fut évident qu'aucun blé ne sortirait. Les rigueurs de l'hiver ayant tué mauvaises herbes et rongeurs, l'orge produisit "trois fois autant qu'on espérait de blé".Ainsi se termina une dure épreuve au cours de laquelle quantité de personnes moururent de froid et de maladies pulmonaires, tandis que les autres subissaient une quasi-famine pendant quelques longs mois.

Mais revenons à Pierre DODEMAN et Marie Ganne qui sortirent vivants de cette période difficile. Ils eurent au moins 9 enfants, nés entre 1710 et 1726. Pierre mourut en 1733, à l'âge de 46 ans, non sans avoir pris la précaution de faire son testament (5). Si les contrats de mariage, comme nous l'avons dit, étaient chose courante chez les laboureurs de notre région, les testaments étaient plus rares. Le vendredi 10 avril 1733 "détenu au lit, malade, et touttes fois sain d'esprit et d'entendement", mais "craignant d'être surpris de la mort sans auparavant avoir disposé de ses affaires temporelles", Pierre fait quérir Charles Guiffard, notaire royal à La Haye Pesnel, pour recevoir, je cite, "son testament et ordonnance de dernière volonté". D'abord, il nomme sa femme tutrice de ses enfants encore mineurs et lui donne la jouissance "de ce qu'il peut avoir de terre pour luy aider à nourrir et entretenir ses enfants   à la charge pour elle de payer le courant des rentes qu'il peut debvoir et d'entretenir les maisons et jardins...".Puis, Pierre DODEMAN déclare ses dettes, précaution bien utile pour ses créanciers car elles sont "sans obligation", c'est dire qu'elles ne reposent sur aucun écrit. Il énumère quatre dettes ne dépassant pas 8 livres chacune. Le notaire relit l'acte et Pierre déclare "encore debvoir sans obligation à Gille Morin viron la somme de traize livres dix sols qu'il veut luy estre payée". L'acte est terminé, le notaire cite les témoins et tend la plume à Pierre pour signer. Ce dernier hésite. La reconnaissance de ses dettes est une véritable confession qui lui coûte car il sait que les remboursements seront difficiles pour sa veuve. Mais il pense à son salut éternel, et pris de remords, il déclare encore qu'il doit I2 livres à Julien Arondel. Et puis, le pauvre sabotier signe d'un trait où se mêlent la maladresse d'un homme inculte et le tremblement dû à la maladie et à l'émotion (voir ci-dessus). Marie Ganne reste seule avec ses trois enfants survivants et un avoir bien maigre qui "n'est pas mesme suffisant pour payer le courant des rentes" . L'aîné, Denis, âgé de 19 ans reprendra le métier de sabotier que le père avait commencé de lui enseigner, et le cadet restera avec sa mère pour faire valoir leur maigre bien. Marie Ganne survivra assez longtemps à son mari puisqu'elle assistera au mariage de son fils Denis en 1749.

5e génération : Denis DODEMAN (1714-1787)

Denis naquit le 25 décembre I714. Il fut tenu sur les Saints Fonts de baptême par Denys Anquetil et Françoise le Cappelain. A l'âge de 35 ans, il alla prendre femme au Luot, paroisse située à 8 km de La Haye-Pesnel. Le troisième jour de juillet 1749, devant le vicaire du Luot (6), Denis et "honneste fille Anne Gauquelin fille de Loüis et d'Anne Le Monnier... se sont donné la foy de mariage après que les cérémonies de l'église ont esté accomplies et les constitutions de nos Roys observées...". Denis et sa mère sont les seuls à savoir signer. Cinq de leurs huit enfants atteindront l'âge adulte. Ils naîtront dans des paroisses différentes car, souvent à cette époque, le sabotier était obligé de se déplacer de forêt en forêt, travaillant sur les lieux même où il trouvait la matière première. La cabane du sabotier, à la lisière d'une hêtraie, était grossièrement construite de troncs d'arbres scellés d'argile et couverts de mottes de gazon. Une cheminée en pisé y était adossée. Dans son "Esquisses du bocage normand", Jules Lecoeur nous décrit le sabotier. "Debout sous l'appentis, au milieu des copeaux abattus par sa gouge et sa plane, et le genou appuyé sur le bloc entaillé qui lui servait d'encoche, le sabotier, tout entier à sa besogne, dégrossissait, en fredonnant, quelque bihot (7), ou évidait, planait, façonnait avec soin un fin et léger sabot de jeune fille".

Denis, le sabotier errant, né à La Haye-Pesnel, marié au Luot, et qui vécut à St-Pois, Ste-Pience, Equilly, St-Aubin-des-Préaux, Hambye et autres lieux, se fixa en définitive à Lolif où il mourut, au village du Hamel, le I5 mai 1787. Le sachant très vieux on déclara qu'il était "âgé de viron quatre vingt ans". En fait, il n'avait que 73 ans, un grand âge cependant pour cette époque. Son épouse, Anne Gauquelin, lui survécut 6 ans. Elle connut les troubles de la Révolution et mourut également au village du Hamel, le 27 mai I793, l'an deuxième de la République.

LES  DODEMAN  A  LOLIF (vers 1780-1904)

Le territoire de Lolif est traversé par deux cours d'eau parallèles, la Braise et le Vergon, qui se jettent au sud dans la Sée. Sur la colline délimitée par ces deux vallées se trouve le bourg de Lolif, à 89m. d'altitude, à l'écart des grandes voies de communication. De là, on découvre un vaste paysage : la vallée de la Sée, Avranches étageant ses maisons sur les pentes de son promontoire et un peu plus loin, à une quinzaine de kilomètres, le Mont St Michel -une des merveilles du monde-, accompagné de l'îlot de Tombelaine qui se dresse hors des flots.

Dans Paysans de Normandie, Armand Frémont nous décrit le paysage : "Lorsque la brume se lève, les vastes horizons de l'Avranchin ouverts sur la baie du Mont-Saint-Michel s'éclairent d'une lumière radieuse et légère, comme infinie entre ciel et eau, plus belle encore que celle saisie par les Impressionnistes sur les rivages de la baie de Seine, une création inéluctable et douce, un printemps mystique sur des rivages bien réels." L'église Saint Martin est un édifice du XVIe s. dont la nef a été embellie au début du XVIIIe s. La sacristie est de I697. Le presbytère aux airs de manoir avec son perron à deux volées a été construit vers 1750 par le curé Delongraye.

 

Des sabotiers vers 1900

Des sabotiers vers 1900

6e génération : Thomas DODEMAN (1758-1819)

Le sixième enfant de Denis, Thomas, notre ancêtre, qui vit le jour à Hambye en I758, vint s'installer à Lolif, dans les années 1780 et peut-être même avant. Il s'y marie le 24 novembre 1785 avec une jeune fille de la paroisse, Jacqueline Le Landais. Ils ont tous les deux 27 ans et sont illettrés. Thomas est qualifié de laboureur. Un contrat de mariage avait été établi le 20 octobre 1785 devant un des notaires royaux d'Avranches (8). Thomas DODEMAN avait 3I ans lorsque le peuple de Paris prit la Bastille. Nous ignorons quels furent ses sentiments personnels devant la formidable mutation qu'engendra la Révolution Française. Mais nous pouvons retracer comment le paysan avranchinais vécut cette période troublée. Comme partout ailleurs, le peuple accueillit avec joie l'abolition des privilèges et la suppression des droits féodaux. Mais Il comprit vite qu'il n'avait fait que changer de maîtres : les impôts dus au Roi étaient désormais perçus par le pouvoir républicain, et les fermages étaient versés entre les mains des bourgeois qui s'étaient enrichis à bon compte en achetant les biens nationaux. Mais le mécontentement s'accentua lorsque le Pouvoir toucha aux croyances religieuses. La Loi du 21 janvier I79I, contraignant les curés à prêter le serment civique fut en général mal acceptée. Puis ce furent les réquisitions qui portaient sur le fourrage, le chanvre et le cidre pour le service des armées. De plus les cultivateurs devaient transporter à 6 ou 8 lieues de chez eux les bagages et munitions des troupes qui passaient continuellement par l'Avranchin pour aller ou revenir de Brest à Cherbourg. Enfin, et cela mit le comble à l'exaspération des campagnes, la Loi du 24 février I793 ordonna la levée ( c'est à dire la mobilisation) de 300000 hommes de 18 à 25 ans sur l'ensemble du territoire. De plus, pour compléter l'armée de Cherbourg, le département de la Manche dut procéder à la levée de près de 5000 célibataires ou veufs sans enfant, de 17 à 45 ans.

Des troubles éclatèrent dans plusieurs communes. Pour ne pas se faire enrôler, un grand nombre de jeunes gens se cachèrent dans les bois. En Vendée, le peuple se souleva, formant une armée qui prit notamment Angers puis Fougères et menaça Avranches. On fit sonner le tocsin qui rameuta de tout le district, 5 à 6000 paysans armés de piques et de fourches. Les Vendéens continuant d'avancer, une partie des troupes se mutina et s'enfuit, et le I2 novembre les Vendéens entraient à Avranches sans coup férir. Mais 2 jours plus tard, cette puissante vague de fond qui avait pris naissance en mars I793 en Vendée, vint se briser sur le Rocher de Granville. Le ressac fut de courte durée : les Vendéens abandonnèrent Avranches le I8 novembre, se firent battre en décembre au Mans et anéantir quelques jours plus tard à Savenay, près de St Nazaire. L'armée catholique royale était vaincue ; commençait alors une guérilla connue sous le nom de Chouannerie et qui sera active dans le sud-Manche. L'aller et retour sur Granville de cette multitude ne fut pas sans dommages pour les campagnes de l'Avranchin. Le représentant en mission, Jean Bon Saint-André écrivait : "Mon coeur a été navré en parcourant le pays qu'ont occupé les rebelles depuis Villedieu et Avranches jusqu'à Fougères. Les brigands [c'est à dire les Vendéens] affamés, manquant de tout, ont tout dévasté, tout dévoré. Les malheureux habitants de ces contrées sont dans le plus affreux dénuement." Ce fut ensuite la chasse à l'homme pour punir ceux qui avaient aidé les Vendéens. Les dénonciations affluèrent des communes vers le chef lieu de district, rapidement suivies de visites domiciliaires, perquisitions, arrestations et même exécutions, notamment à La Mouche et à La Lucerne. Quant à Lolif, il semble que ses habitants aient été très partagés sur les idées nouvelles, mais ils ne se dénoncèrent jamais mutuellement.

Revenons à Thomas DODEMAN. Il exerça, conjointement avec le métier ancestral de sabotier, celui de cultivateur. Il perdit sa femme le 15 thermidor an XII (4 août I804) et lui-même décéda à son domicile, au village du Hamel, commune de Lolif, le 15 juin I819, à l'âge de 6I ans. De son mariage avec Jacqueline Le Landais étaient nés 4 garçons et 3 filles. L'aîné, Jacques François, est à l'origine du rameau de Champcervon dont descendent les familles Trochon et Herpe, le cadet, Jean IV, est l'ancêtre du rameau de Lolif dont sont issus les Sauvé, les Buffard et les DODEMAN de Paris.

Je ne détaillerai pas les générations qui se sont succédées durant ce XIXe siècle qui a vu la situation du monde paysan s'améliorer d'une façon notable, je dirai simplement quelques mots d'une figure marquante de chacun de ces deux rameaux.

Pour celui de Champcervon, c'est bien évidemment Ferdinand DODEMAN (1861-1943) qui retiendra notre attention. Ses petites filles m'ont longuement parlé avec respect et affection de cette figure bien connue avant-guerre à Champcervon, chapeau melon et barbe de sapeur. C'était un homme de caractère, fier et qui n'aimait pas céder. Un agriculteur respecté à Champcervon où il fut longtemps conseiller municipal et maire. C'était un bon chrétien qui jurait bien de temps en temps, mais se rattrapait largement par sa présence au conseil paroissial et sa générosité pour les bonnes oeuvres. On peut encore voir son nom comme donateur sur plusieurs vitraux de l'église de Champcervon et l'on sait que l'harmonium fut acquis grâce à ses largesses. A la mort de sa fille aînée, veuve depuis 4 ans avec 7 enfants, il recueillit les petits orphelins alors qu'il avait déjà 76 ans. et son épouse 70 ans. C'était un homme de devoir doté du sens de la famille.

Du rameau de Lolif, j'évoquerai Jean DODEMAN (1826-1904) et son épouse Angélique Follain, les grand-parents de mon grand-père. A son mariage, Jean DODEMAN emménage à la ferme de Lormet ou Lormeau (sur la route de Montviron), un héritage qui avait échu en partage à sa femme. Il est alors ouvrier charron. Il agrandit son bien et devient cultivateur. Puis, en 1860, il s'installe au bourg dans la maison de son père qui vient de décéder. Il ouvre alors un débit de boisson, café, épicerie. L'amélioration générale du niveau de vie, mais aussi le sens de l'économie et le goût du travail de plusieurs générations ont permis ainsi à l'ouvrier charron devenu cultivateur d'entrer dans la corporation des commerçants. Vous le voyez ci-dessous en photo, habillé comme un bourgeois, costume trois pièces, noeud papillon et chaîne d'or retenant sa montre gousset. Ce dont ses descendants peuvent lui savoir gré, c'est d'avoir fait poursuivre des études à ses deux fils qui entreront dans l'enseignement.

Jean DODEMAN mourra en 1904 et son épouse en 1909. J'ai eu la chance, lorsque je suis venu à Lolif pour la première fois, il y a près d'un demi-siècle, de rencontrer Juliette Blin, la grand-mère de notre adhérent Joël Blin, qui me parla des grands-parents de mon grand-père dont elle se souvenait. Je lui suis reconnaissant d'avoir assurer, pour moi, ce rôle de témoin.

J'ai essayé de montrer à travers quelles difficultés nos ancêtres ont réussi à survivre sous l'Ancien Régime et comment au XIXe siècle leur niveau de vie s'est amélioré. Pour le 2O e siècle, les plus anciens d'entre-nous peuvent témoigner des progrès considérables accomplis depuis la guerre. Cela devrait nous inciter à nous plaindre un peu moins de la vie actuelle. Je terminerai par cette phrase de Guy de Maupassant :

"J'aime ce pays et j'aime y vivre parce que j'y ai mes racines, ces profondes et délicates racines qui attachent un homme à la terre où sont nés et morts ses aïeux."                                       

Notes:

(1) Acte passé le 16-10-1696 devant Charles Guiffard, notaire à La Haye-Pesnel et faisant état d'un contrat du 9-11-1616 (aujourd'hui perdu) signé devant Nicolas Neslet et Bertrand Le Monnier, notaires à La Haye-Pesnel. AD de la Manche 5E 4927.

(2) Jean Massé, chirurgien-saigneur à St-Martin-de-Landelles, tint un journal de 1641 à 1648.

(3) A.D. Manche 5E 4937.

(4) nappe que l'on plaçait, repliée en double, sur une table.

(5) A.D. de la Manche 5E 4968.

(6) Un contrat de mariage avait été passé le 22 mai 1749 devant Charles Louis Guiffard, notaire à La Haye-Pesnel. A.D. de la Manche 5E 4981.

(7) sabot sans bride

(8) A.D. de la Manche 5E 17564

 

Quelques livres:

Madeleine Foisil : La révolte des Nu-pieds et les révoltes normandes de 1639, P.U.F., 1970.

Jules Lecoeur : Esquisses du bocage normand, reprint Gérard Montfort, 1979.

Félix Jourdan : La chouannerie dans l'Avranchin, Imprimerie typographique de l'Avranchin, 1907.

Marcel Lidove : Les vendéens de 93, Le temps qui court, 1971.

 

La défense de Granville en 1793. Cette gravure de l'époque montre l'officier municipal Clément Desmaisons mortellement blessé par le tir des Vendéens (24 brumaire an III)

La défense de Granville en 1793. Cette gravure de l'époque montre l'officier municipal Clément Desmaisons mortellement blessé par le tir des Vendéens (24 brumaire an III)

Ferdinand DODEMAN et son épouse Marie, à la communion de leur petit-fils, Gaston Trochon, en 1939

Ferdinand DODEMAN et son épouse Marie, à la communion de leur petit-fils, Gaston Trochon, en 1939

Jean DODEMAN ( Lolif 1826 - Lolif 1904) vers 1885 ?

Jean DODEMAN ( Lolif 1826 - Lolif 1904) vers 1885 ?

Le bourg de Lolif vers 1900, à l'époque de Jean DODEMAN. Au fond à droite, la maison des Dodeman construite vers 1850 et dont la salle devint en 1873, une auberge-débit de boissons-épicerie. Jean décèdera en 1904 et son épouse en 1909. Elle sera rachetée par François Blin en 1914.

Le bourg de Lolif vers 1900, à l'époque de Jean DODEMAN. Au fond à droite, la maison des Dodeman construite vers 1850 et dont la salle devint en 1873, une auberge-débit de boissons-épicerie. Jean décèdera en 1904 et son épouse en 1909. Elle sera rachetée par François Blin en 1914.

Bulletin n° 47 de septembre 2002 un  feu d’artifice mémorable (par Yves Dodeman)

Un peu d’histoire

Philippe duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV, monta sur le trône d’Espagne en 1700. Près de 40 ans plus tard, afin de raffermir les liens familiaux entre les deux monarchies, il fut décidé que la fille aînée de Louis XV épouserait le 3e fils du roi d’Espagne. C’est ainsi que le 25 octobre 1739, Louise-Elisabeth, dite Madame Première, épousa à Alcala(Espagne), son cousin, Dom Philippe, infant (1) et grand amiral d’Espagne. Par la suite, Don Philippe, trait d’union entre la France et l’Espagne au sein de la politique étrangère des deux pays, sera à l’origine de la lignée des ducs de Parme, de Plaisance et de Guastalla qui régnera jusqu’en 1860, date à laquelle elle sera dépossédée par Victor-Emmanuel II, lors de la réalisation de l’unité italienne.

Les réjouissances avant le départ pour l’Espagne

Avant le départ pour l’Espagne de Madame Louise Elisabeth, les réjouissances se multiplièrent en France. Les fêtes commencèrent par un feu d’artifice tiré à Versailles le 26 août, suivi le lendemain, à Paris, de celui donné par l’ambassadeur d’Espagne, Monseigneur de Lamina. De plus, des illuminations furent programmées dans la capitale et nous gardons trace de celles qui furent “installées dans le carrefour des rües de St-Denys et de la Ferronnerie, par les Six corps des marchands de Paris”. Puis, le Roi, “désirant donner à sa chère fille Louise-Elisabeth des marques de tendresse et lui faire rendre des honneurs particuliers”, un feu d’une grande magnificence fut commandé par la Ville de Paris à trois artificiers de renom, DODEMANT père et fils, et Testard, auxquels on adjoignit un capitaine d’artillerie saxon.

Avant le feu d'artifice, la joute autour du salon de musique (gravure de Rigaud)

Avant le feu d'artifice, la joute autour du salon de musique (gravure de Rigaud)

Détails du feu d’artifice tiré par DODEMANT père et fils

Le feu fut tiré sur la Seine, entre le Pont-Neuf et le Pont-Royal, le 29 août 1739. Des architectes furent chargés de concevoir les décors de cette fête inoubliable. Ainsi, Servandoni fit construire un temple de l’Hymen d’où furent tirés les feux, ainsi qu’un salon de musique flottant où prirent place les 180 musiciens de l’orchestre. Quant à Jacques Gabriel il fut en charge de la tribune royale, pleine de raffinement, édifiée à l'extrémité de la galerie d’Apollon, au Louvre. Avant le spectacle, à partir de 18 heures, des joutes nautiques firent patienter la multitude qui se pressait sur les rives de Seine. Puis le Roi donna le signal : les canons de la ville tonnèrent auxquels répondirent ceux des Invalides. Le feu commença par 300 fusées d’honneur, tirées 8 par 8, depuis le Pont-Neuf. On vit ensuite différents artifices dont un combat de monstres marins crachant le feu, yeux rougeoyants et corps couverts d’écailles éclatantes. Le spectacle se poursuivit par des nappes de feu rouge dans les arcades du temple de l’Hymen, un soleil au niveau de l’entablement, et un berceau d’étoiles montant aussi haut que le temple en formant une voûte éblouissante. Après les 32 cascades déversant leurs feux tout le long de la rivière ce fut le clou avec la grande girande(2) de 5000 fusées volantes et les deux petites de 300 fusées chacune, qui furent tirées d’un seul coup sur le Pont-Neuf. “C’est par ce feu prodigieux dont le ciel parut tout à coup embrasé ... que finit le feu d’artifice”. Ce magnifique spectacle pyrotechnique resta dans toutes les mémoires comme un des plus fastueux du règne, à tel point que la maison Ruggieri fonda sa notoriété sur sa participation toute légendaire à ces fêtes (3).

Lettres de cachet

Il semble pourtant que la collaboration entre les artificiers français et saxon ne fut pas exemplaire et qu’il y eut à redire sur l’exécution du feu, au point que le Roi, mécontent, envoya des lettres de cachet contre DODEMANT père et fils, et Testard. Le Prévôt des marchands dut se saisir d’eux et les conduire à l’Hôtel de ville où ils restèrent un mois. Malgré les sommes considérables qu’ils avaient dû avancer, ils ne furent payés qu’un an après. Ces lettres de cachet furent-elles le résultat d’une cabale? En tous cas, cet incident ne brisa pas la carrière de DODEMANT et Testard puisque, deux ans plus tard, leurs noms figurent avec celui de Guérin, comme les artificiers du Roy qui ont eu l’honneur de présenter le feu d’artifice(4) le jour de la Saint Louis 1741. Nous retrouvons encore le sieur DODEMENT le 13 août 1745, en charge du feu d’artifice(5) tiré devant l’Hôtel de ville pour la prise de Dendermonde (Flandres)

Notes

(1) En Espagne, Infant est le titre donné aux fils puînés du Roi.

(2) Une girande ou girandole est un cercle garni de poudre à canon que l’on fait tourner avec force. C’est aussi un assemblage de quantité de fusées volantes qui partent en même temps & qui s’épandent dans l’air (Dictionnaire de l’Académie française de 1740).

(3) Ruggieri, 250 ans de feux d’artifice, par P. Bracco et E. Lebovici, éditions Denoël 1988.

(4) Programme illustré, Bibliothèque historique de la Ville de Paris, cote 131501.

(5) Gravure dans la collection Auguste Rondel, à la Bibliothèque de l’Arsenal cote Ra E 198.

Vue partielle du feu tiré du pont Neuf, le 29 août 1739. Au centre la coupole et les pavillons du Collège des Quatre Nations (actuel Institut de France=

Vue partielle du feu tiré du pont Neuf, le 29 août 1739. Au centre la coupole et les pavillons du Collège des Quatre Nations (actuel Institut de France=

BBulletin n° 47 de Septembre 2002 - PALEOGRAPHIE : 1736, DODEMANT achète la charge de capitaine conducteur des feux d’artifice de Paris (par Yves DODEMAN)

Le document que nous vous proposons est directement en rapport avec l’article précédent car il s’agit de la première page de l’acquisition par Etienne Michel DODEMAN, déjà artificier du roi, de la charge de capitaine conducteur des feux d’artifice de la ville de Paris. (Minutier central des notaires de Paris aux archives nationales, cote et/XXXV/605).

Vente de charge. 21 octobre 1736

Fut p[rése]nt s[ieu]r Pierre Jean Carlier Capitaine Conducteur des

feux d’artifices de la ville de Paris, y demeurant rue

St-Martin, p[aroi]sse St Jacques de la boucherie, Lequel 

vend par les p[rése]ntes à s[ieu]r Estienne Michel DODEMANT

artificier ord[inai]re du Roy, dem[euran]t en cette ville quay

Pelletier, p[aroi]sse St Gervais à ce p[rése]nt et acceptant, acq[uéreu]r

led[it] office de capitaine conducteur des feux artificiels

de la Ville de Paris créé par édit du mois de juillet

1704 dont est pourvu et jouissant led[it] s[ieur] Carlier

suivant les lettres par luy obtenues au bureau de l’hotel

de cette ville portant sa réception aud[it] office le

dix neuf octobre mil sept cent trente quatre, Plus led[it] s[ieur]

Carlier cède et transporte sans autre garantie que de

ses faits aud[it] s[ieur] DODEMANT acceptant quatre vingt livres

de gages à quoy ont été réduits trois cent livres aussy

de gages attribués aud[it] office tenus aux parties

casuelles(1) de S[a] M[ajesté] suivant la q[uittanc]e expédiée par le s[ieu]r

Bertin trésorier le 30 mars 1705, con[tro]lé le quatre

avril suivant au proffit du s[ieur] Denis Caresme

à cause de la somme de quatre mil livres par luy

paiée p[ou]r la finance dud[it] office, l’acq[uisiti]on desd[its]

gages, de vingt cinq livres de rentes honorifiques

au feu de la St Jean et d’une bourse de jettons

de cuivre au p[remi]er jour de l’an, Pour par led[it]

DODEMANT jouir, f[ai]re et disposer desd[it] office

gages et droits c[omme] dessus esnoncés et de tous autres

privilèges et exemptions qui peuvent appartenir

aud[it] office, dont led[it] Carlier et ses auteurs ont

jouy ou en jouit à commencer du premier janvier

prochain. Et affin de par led[it] DODEMANT

parvenir à sa réception aud[it] office...............

Note

(1) les parties casuelles sont un droit perçu par l’Etat sur la mutation des charges ou offices. Ne pas confondre avec le casuel qui est l’offrande versée aux curés à l’occasion des baptêmes, mariages, etc.

 

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

Bulletin n° 48 de décembre 2002 - Des DODEMAN marins de père en fils (Texte de Yves DODEMAN)

En prévision de la tenue de notre prochaine assemblée générale à Picauville, nous allons retracer certains aspects de la vie de deux descendants de la branche de Picauville, le Quartier-Maître Marcel DODEMAN et son fils, l’Ingénieur de la Marine Louis DODEMAN. La courte biographie de Marcel se base sur les documents consultés au Service Historique de la Marine à Cherbourg (cote 2M55), celle de Louis doit beaucoup à son fils, notre adhérent Michel DODEMAN, de Presles (95), que nous remercions.

Les parents de Marcel Octave DODEMAN : Octave Louis (1852-1919) et son épouse Françoise (1846-?) Photo E. Lambert 11 rue Debelleyme et 123 rue du Vieille-du-Temple

Les parents de Marcel Octave DODEMAN : Octave Louis (1852-1919) et son épouse Françoise (1846-?) Photo E. Lambert 11 rue Debelleyme et 123 rue du Vieille-du-Temple

Marcel Octave Louis DODEMAN (1878-1929)

Aîné des huit enfants d’Octave Louis DODEMAN, Marcel Octave Louis nait le 21 avril 1878, au Havre où son père est ouvrier raffineur. Il apprend le métier de chaudronnier, mais le grand large l’attire. Il a 18 ans lorsqu’il s’engage pour cinq ans dans la marine nationale. Il est classé à son arrivée au corps, le 28 avril 1896, comme ouvrier mécanicien de 3e classe spécialisé dans la chaudronnerie en fer. Le jeune DODEMAN mesure 1m.67 ; il a le poil châtain, les yeux gris, le front bas, le nez fort, la bouche moyenne, le menton rond et le visage ovale. Le 31 mai 1896, il embarque sur le Friant. Il y restera vingt mois. Après un séjour de deux mois au dépôt, il est affecté sur l’ Adour qui part pour une campagne de guerre au Tonkin. De retour vingt-cinq mois plus tard, il est affecté au dépôt de Cherbourg et sur divers “bâtiments de servitude”, pendant les années 1900 à 1903. En 1901, il se rengage pour trois ans dans la marine, mais le 14 juin 1902, c’est un engagement à vie qu’il souscrit en épousant à Cherbourg, Louise Joséphine Berthe Carbonel, native de La Haye-du-Puits (50). A la fin de l’année 1903, il embarque pour seize mois sur le Desaix. En 1904, il se rengage une nouvelle fois pour 3 ans. Il sera encore en mer avec la 1ère flotte de torpilleurs de la Manche de mai 1905 à avril 1907. Le 1er avril 1908, il obtient le grade de sous-maître mécanicien et le 1er juin 1918, celui de maître mécanicien de la marine. Il est rayé des matricules en 1926 et décède à Cherbourg, le 23 avril 1929. Son épouse lui a donné cinq enfants dont un mourra jeune. Les autres, deux garçons et deux filles, créeront un foyer. Deux seront instituteurs, l’une épousera un cuisinier et tiendra un restaurant, le quatrième, Louis, sera marin, comme son père.

Marcel Octave DODEMAN et son fils Louis Charles, en 1927 ou 1928

Marcel Octave DODEMAN et son fils Louis Charles, en 1927 ou 1928

Louis Charles Arthur DODEMAN (1911-2001)

Il nait le 21 février 1911 à Cherbourg. Il apprend, comme son père, la chaudronnerie et entre dans les services auxiliaires de la marine en tant que personnel civil en 1929. En 1932, il habite toujours chez ses parents au 68 rue St-Sauveur lorsqu’il est convoqué comme soldat de la classe 1931. Il arrive, le 20 avril, au dépôt de Cherbourg où il est enrôlé en tant que matelot de 2e classe. Il a les cheveux  châtains, les yeux bleus, le front ordinaire, le nez moyen, le visage ovale et il mesure 1m.70. Il est envoyé pour trois mois à la base de Rochefort où  il obtient le brevet élémentaire de mécanicien d’aéronautique avec la note 12,85. Son temps achevé, il est renvoyé dans ses foyers et se retire à Motteville (76), le 1er avril 1933. L’année suivante, il se marie à Cherbourg avec Andrée Gosselin, une employée des postes, native de Cherbourg. Il est toujours dans les services auxiliaires de la marine. Lui qui n’a pas fait d’études supérieures, il travaille avec acharnement, sacrifiant ses loisirs pour passer avec succès ses examens. Par étapes, il arrive ainsi à obtenir le 30 décembre 1937, le brevet d’ingénieur diplômé de l’école technique supérieure de la Marine. Comme bien d’autres réservistes, il est appelé sous les drapeaux en mai 1938. Les accords de Munich lui permettent de rentrer dans ses foyers, trois semaines plus tard. En septembre 1939, c’est à nouveau la mobilisation, mais il est affecté spécial à la construction navale et reste à Cherbourg.

Laissons la place à son fils, Michel, qui dans une lettre du 3 février 2002, raconte: En juin 1941, étant en poste à Cherbourg, sa ville natale, il a été nommé à Toulon (point de chute choisi par lui parmi plusieurs offres de mutation) qui se trouvait en zone non occupée. Ma mère a pu le suivre facilement, travaillant dans les PTT. Ils se sont retrouvés en deux jours à Toulon, ville nouvelle pour eux où ils ne connaissaient pratiquement personne, chacun par contre ayant un emploi assuré. La région et le climat ont dû leur plaire puisqu’ils y sont restés plus de 30 ans ; mon père y a effectué les trois quarts de sa carrière. J’y suis donc né en 1945 et ma mère a arrêté son activité à ma naissance.

Mes parents ont assisté au sabordage de la flotte en novembre 1942 dans le port de Toulon. De 1941 à 1944, la principale activité de l’arsenal était la réparation urgente et provisoire des bâtiments de la flotte. Mon père a fait poser un nombre impressionnant de “tapins” sur tous les bateaux encore capables de naviguer. C'était des pièces d’acier ou de cuivre à souder pour boucher les trous d’obus ou de bombes sur toutes les parties endommagées. Spécialisé dans la chaudronnerie, mon père s’occupait essentiellement de la partie chaudières et tuyautages de tous les bâtiments (y compris les sous-marins). A l’époque, pratiquement tous les bateaux marchaient à la vapeur.

Il est détaché en 1942, durant quelques mois, à la Direction navale d’Oran (Algérie) pour une mission au cours de laquelle il accomplit un séjour à Casablanca (Maroc), en août. En novembre 1942, il reçoit des félicitations pour le grand carénage du contre-torpilleur Le Terrible. La guerre est terminée. Nous sommes en septembre 1946, Louis reçoit encore des félicitations pour sa “compétence et ses efforts personnels qui ont permis d’effectuer les essais du Champollion à la date fixée”. En janvier 1947, il est nommé au grade d’Ingénieur des Directions de Travaux de 2e classe et en 1951, il participe au grand carénage du porte-avions Arromanches. Les promotions vont se succéder jusqu’au décret du 10 février 1968 qui le désigne comme Ingénieur en chef des Directions de Travaux des Constructions et armes navales. Sa carrière se termine quelques années plus tard. Il avait reçu, le 8 mai 1965, lors d’une prise d’armes à Toulon, les insignes de chevalier de la Légion d’honneur, témoignage de reconnaissance pour une vie au service de la Marine. Il se retire dans la région parisienne. Sa femme décède le 29 septembre 1988 à Beaumont-sur-Oise (95). Il rejoint bientôt son fils installé à Presles (95) et décède le 18 novembre 2001 à l’Ile-Adam (95), à l’âge de 90 ans.

                

Bulletin n° 48 de décembre 2002 - Prisonniers de guerre en Allemagne (par Yves DODEMAN)

Ceux qui ont connu l’époque dramatique de la défaite de 1940, se souviennent de l’angoisse de nos compatriotes sans nouvelles d’un époux, d’un père ou d’un fils sous l’uniforme. Il fallut plusieurs mois pour que des informations leur parviennent et que le sort de la plupart de nos soldats soit connu. En “farfouillant” chez un bouquiniste, nous avons trouvé des fascicules du “Centre national d’information sur les prisonniers de guerre” contenant chacun des milliers de noms de prisonniers listés d’après les renseignements fournis par l’Autorité militaire allemande. A la suite de l’état civil de l’intéressé se trouvait son adresse de prisonnier permettant ainsi aux familles d’envoyer des cartes postales réglementaires et des colis.

Les listes N°52 du 14 décembre 1940 et N°81 du 11 mars 1941 ont retenu notre attention car elle faisait état, respectivement de:

-Georges Dodemain, né le 25 mars 1894 au Bény-Bocage (14), soldat de 2e classe, interné au Frontstalag 203, au Mans (72).

-Pierre DODEMAN, né le 22 juillet 1911 à Besneville (50), soldat de 2e classe du 224e régiment d’infanterie, interné au Stalag III A, à Luckenwald, en Allemagne.

Fils de Pierre Auguste Jean, décédé en 1916, et de Félicie Travers, de la branche de Picauville, il avait été déclaré pupille de la nation en 1919.

Nous évoquerons également un autre prisonnier de guerre, Marcel DODEMAN (1907-1997), dont le fils, notre adhérent Georges, de St-Hilaire-du-Harcouët, nous a transmis le passeport timbré de l’aigle nazie aux ailes éployées tenant une svastika inscrite dans une couronne de lauriers. Ce “Passeport provisoire pour étranger” fut établi  le 11 novembre 1943, le jour même du vingt-cinquième anniversaire de notre victoire de 1918, par le sous-préfet de Berlenbrück, une ville de Basse-Saxe, dans la grande plaine industrielle du nord de l’Allemagne.

Il est spécifié que Marcel DODEMAN est prisonnier de guerre à Schleptrup. Georges se souvient que son père racontait les nombreux métiers qu’il avait pratiqués en Allemagne, tel que sabotier, couvreur en paille, coiffeur et pour finir, ouvrier agricole. Pourquoi a-t-il bénéficié d’un passeport? Certainement avait-il à se déplacer pour les besoins du travail qu’on lui faisait faire.

EXTRAIT  D’UN  POEME  ECRIT  PAR  UN  PRISONNIER  DE  GUERRE  à  l’Offlag IVD, en Silésie, le 7 juillet 1940, intitulé “LUNETTES  ROSES”

Vous regrettez ce vieux pêcheur de clair de lune

Qui venait vous charmer d’un triste Ramona ?

Nous avons, chanson moins commune,

Les “Héraüs” et les “Wer-da”.

Vous regrettez les casinos ?

Mais dans chaque baraque, il y a vingt tripots.

Vous regrettez “Maxim’s”

Et les cocktails d’Albert ?

Nous avons le breuvage amer

Qui du café n’est que la frime.
Vous aviez, rue du Colisée,

La cuisine chinoise à fine renommée?

Nous avons le rutabaga,

Le soja, l’orge et la marga.
Vous aviez aux “Ambassadeurs”,

Les conférences du lundi ?

Nous en avons tous les quarts d’heure,

Aux quatre coins de notre paradis.

Les courses de Longchamp étaient un sport chéri ?

La course au rat est un de nos sports favoris.
Vous aviez les Champs-Elysées ?

Nous avons les champs barbelés.
Vous aviez les coupoles d’or

De Montmartre et des Invalides ?

Nous avons quatre miradors,

Pigeonniers à l’aspect candide.

Amis, portons lunettes roses,

Ca fait voir

En moins noir,

Les plus vilaines choses.

Correspondance avec les prisonniers. Postkarte envoyée par sa mère domiciliée à Troyes, au capitaine Gaston DODEMAN, prisonnier à l'oflag IV D, le 17 juillet 1941. (branche de la Haye-Pesnel)

Correspondance avec les prisonniers. Postkarte envoyée par sa mère domiciliée à Troyes, au capitaine Gaston DODEMAN, prisonnier à l'oflag IV D, le 17 juillet 1941. (branche de la Haye-Pesnel)

Ci-contre, deux pages du laissez-passer de Marcel DODEMAN, prisonnier de guerre en Allemagne, daté du 11/11/1943 ( branche des Cresnays)

Ci-contre, deux pages du laissez-passer de Marcel DODEMAN, prisonnier de guerre en Allemagne, daté du 11/11/1943 ( branche des Cresnays)

Bulletin n° 50 de juin 2003 - Entre 1842 et 1856, des conscrits au combat (par Yves DODEMAN)

A la fin de l’année 1999, notre adhérente, Mme Guillet, de Pessac (33), nous adressait la copie d’actes de décès concernant deux malheureux DODEMAN morts à 22 et 24 ans bien loin de leur Normandie et qui... ont droit à une pensée des DODEMAN vivants. En effet, nous avons à de nombreuses reprises honoré des DODEMAN morts au cours des deux guerres mondiales, et cité d’autres tombés sur les champs de bataille de la Révolution et de l’Empire, mais nous n’avions jamais encore évoqué le sort de nos “oncles” disparus sur un sol étranger, au cours des guerres du milieu du XIXe siècle. Nous retiendrons une guerre coloniale, la Conquête de l’Algérie, et une guerre européenne, celle de Crimée.

 

Prise d'Alger : lithographie populaire montrant à la fois le débarquement à Sidi-Ferruch et la prise d'Alger ( Bibliothèque nationale, cabinet des estampes)

Prise d'Alger : lithographie populaire montrant à la fois le débarquement à Sidi-Ferruch et la prise d'Alger ( Bibliothèque nationale, cabinet des estampes)

LA  CONQUÊTE   DE   L’ ALGERIE

Un peu d’histoire

Certains d’entre nous ont gardé le douloureux souvenir de ces pauvres jeunes gens ramenés dans les années cinquante, entre quatre planches recouvertes du drapeau tricolore. Ils étaient morts en perdant l’Algérie. Mais nous avons oublié que 120 ans auparavant, d’autres, du même âge, étaient morts pour la conquérir. L’histoire commence le 30 avril 1827, lorsque le Dey d’Alger frappe de son chasse-mouches, le Consul de France. Après un blocus de 3 ans, le gouvernement français se décide à une intervention militaire. Du 14 au 16 juin 1830, les 36 000 hommes du Général de Bourmont débarquent à Sidi-Ferruch et investissent Alger qui tombe le 5 juillet. Cette expédition menée à bien ne sauve pas Charles X qui perd son trône quelques jours plus tard. Sous Louis-Philippe, l’occupation s’étend à Oran, Bône, Bougie et Mostaganem (1833). Le traité de Tafna, signé le 30 mai 1837 avec l’émir Abd-El-Kader, laisse les mains libres au gouverneur général Bugeaud pour s’emparer de Constantine le 12 octobre 1837. Mais Abd-El-Kader que l’on ménage pourtant, détruit les premières colonies de la Plaine de la Mitidja, près d’Alger. Nos effectifs sont alors accrus et atteignent en 1840, 100 000 hommes. En 1843, l’émir, refoulé sur les hauts-plateaux, doit renouer avec ses habitudes nomades. Le 16 mai 1843, le Duc d’Aumale lui porte un coup décisif en enlevant avec 900 cavaliers, sa Smalah, capitale ambulante de plusieurs dizaines de millliers de personnes.  Après s’être réfugié au Maroc, il se bat encore en Algérie jusqu’à sa reddition le 23 décembre 1847. Ces victoires ne doivent pas faire oublier les souffrances de nos troupes en butte aux épidémies, au soleil implacable et aux embuscades parfois meurtrières . La tenue n’était pas adaptée au pays. Nos soldats partaient en reconnaissance, vêtus d’une capote de drap lourd, le pantalon pris dans les guêtres , le haut shako de cuir noir sur la tête et croulant sous le barda.

Gabriel DODEMAN

Ses ancêtres remontent à Jean DODEMAN et Anne Le Métayer, son épouse, qui vivaient à Brécey au XVIIe siècle.

Gabriel DODEMAN, fils de Gabriel et de Jeanne Daucé, est né à Brécey le 16 mai 1821. Il s’est marié le 6 novembre 1841 avec Justine Le Normand, originaire des Cresnays.  Leur fille, Philomène, est née quelques jours plus tard, le 22 novembre.Charpentier de profession, Gabriel a été affecté au Bataillon des ouvriers de l’Administration en Algérie lorsqu’il a fait son service militaire. Il est mort à 22 ans, le 2 septembre 1843, à Millianah ou Miliana, actuelle Melyana, ville située sur les pentes du djebel Zaccar, au-dessus de la vallée du Cheliff, à 80km à l’ouest d’Alger

.Nicolas Marin DODEMAN

Descendant d’Etienne DODEMAN et de Françoise Le Paigné, il est de la branche de St-Pois, comme nos adhérents Mme Guillet et l’abbé Le Bas. Il est né le 2 février 1819 à St-Michel-de- Montjoie, de Louis et de Marie Chardin. Il est affecté comme chasseur au 1er Bataillon d’infanterie d’Afrique en Algérie. Souffrant de dysenterie chronique, il est hospitalisé à l’hôpital militaire d’Oran le 21 août 1844. Il y meurt le 21 août 1844, à l’âge de 25 ans.

Embarquement de nos troupes pour la Crmée, à bord du Vulcan. D'après un croquis de M. Alph Nègre (1855)

Embarquement de nos troupes pour la Crmée, à bord du Vulcan. D'après un croquis de M. Alph Nègre (1855)

LA  GUERRE  DE  CRIMEE

Un peu d’histoire

L’Empire ottoman en déclin suscite les appétits de la Russie. Le prétexte de son intervention est fourni par le refus du Sultan d’accepter en février 1853, les pressantes demandes russes concernant la protection des Orthodoxes installés en Turquie. Les troupes tsaristes envahissent la Moldavie et la Valachie en juillet. La Turquie déclare la guerre le 4 octobre 1853. Sa flotte est coulée à Sinope, le 30 novembre. Pour protéger la Sublime Porte, les Anglais et les Français déclarent la guerre à la Russie, le 27 mars 1854. L’armée principale forte de 60 000 Français, Anglais et Turcs, s’installe à Gallipoli, au bord de la mer de Marmara. Napoléon III propose un raid sur le principal arsenal russe installé à Sébastopol, en Crimée. Le débarquement s’effectue presque sans coup férir, le 14 septembre 1854 et, le 20, les Russes sont battus au passage de l’Alma. Mais l’ennemi se ressaisit et le siège de Sébastopol s’effectue dans des conditions désastreuses. Nos soldats manquant de vêtements chauds et de vivres sont atteints par le scorbut, le typhus et les affections pulmonaires. Au printemps 1855, les attaques reprennent contre la citadelle qui résiste toujours. Après un assaut coûteux mais infructueux en juin, le 8 septembre, la Tour de Malakoff, position clef du dispositif russe, est enlevée par Mac-Mahon, ce qui entraîne la chute de Sébastopol après 350 jours de siège. L’expédition qui, en mai 1855, se composait de 220 000 h. dont 115 000 Français, aura perdu 95 000 morts dont seulement 21 000 au feu. Contre l’avis des Anglais, Napoléon  III impose la paix qui est signée à Paris le 30 mars 1856, consacrant ainsi le prestige de la France en Europe.

Louis DODEMAN

Né le 11 novembre 1827 à St-Pierre-Langers (50), fils de François et de Anne Servain, Louis DODEMAN est un lointain cousin d’Abel DODEMAN, héros de la Grande Guerre, dont nous avons souvent parlé dans ce Bulletin. Il est issu de la branche de La Gohannière, remontée jusqu’au milieu du 17e siècle. Grenadier au 57e Régiment d’Infanterie de Ligne, il est mort à l’Hôtel-Dieu de Marseille le 9 novembre 1854, vraisemblablement des suites de son séjour dans les tranchées malsaines du siège de Sébastopol. Il avait 27 ans.

Honoré DODEMAN

Honoré DODEMAN, né le 11 juillet 1834 à St-Pois (50), fils de François Nicolas et de Madeleine Harivel, est le cousin germain de Nicolas Marin DODEMAN qui, on l’a vu, est mort à l’hôpital d’Oran, le 8 novembre 1844. Laboureur, domicilié à St-Laurent-de-Cuves (50), il est décrit ainsi dans les registres matricules : 1m.61, visage ovale, front haut, yeux roux (!), menton rond, sourcils châtains (S.H.A.T. : 34 YC 3251 et 3894). Il est incorporé le 30 mars 1855, au 88e Régiment d’Infanterie de Ligne qui vient d’être créé et passe, le 10 août 1855, au 73e Régiment d’Infanterie de Ligne. Il s’embarque à Marseille avec 400 autres recrues de l'armée d’Orient, le 17 août 1855. Ils débarquent le 4 septembre, à Kamiesh, petit port situé à 10 km à l’est de Sébastopol. Il arrive trop tard pour participer à l’action remarquable de son régiment qui inscrit sur son drapeau la victoire de Sébastopol (1855). Atteint de la fièvre typhoïde, il entre le 3 janvier 1856 à l’hôpital milit

Note :

S.H.A.T. :  Service historique de l’armée de terre, au château de Vincennes.

Ouvrages consultés :

Annuaires militaires .

Dictionnaire de l’armée de terre, par le général baron Bardin, Paris 1841.

Encyclopédie militaire et maritime, par le comte de Chesnel, Paris 1862-64.

L’armée française, par L. Dussieux, L. Bernard 1884.

Le duc d’Aumale, par Robert Burnano, Lib. Hachette, 1949.

Histoire de France, sous la direction de Marcel Reinhard, Lib. Larousse, 1954.

L’expédition d'Alger 1830, par Henri Noguères, René Julliard, 1962.

Dictionnaire encyclopédique d’histoire, par Michel Mourre, Bordas, 1978.

Le grand dictionnaire d’histoire de France, par A. Castelot et A. Decaux,  Lib. académique Perrin, 1979.

Louis-Philippe, par le Duc de Castries, Lib. Jules Tallandier, 1979.

Louis Napoléon le Grand, par Philippe Séguin, Grasset, 1990.

aire de l’Université, à Constantinople où il décède le 11 du même mois, à l’âge de 22 ans.      

Bulletin n° 50 de juin 2003 - Une famille de marins de l'Avranchin à St Pierre et Miquelon  (par Guy DODEMAN de Granville)

Dans le Bulletin N°21 de mars 1996, notre président évoque le souvenir et la généalogie d’une famille de marins, originaires de Montviron et de Marcey-les-Grèves, dans l’Avranchin. Cette recherche est particulièrement fructueuse et intéressante, car elle aboutit à démontrer la parenté de quatre membres de l’Association, Mme LEBLOND de Granville, née Micheline DODEMAN (N°055), Mme Marie DODEMAN née HUBERT, dont le mari est décédé aux USA en 1972 (N°124), Mlle Candice DODEMAN, de St-Pierre-et-Miquelon (N°146), et Mlle Alberte CROUIN (N°068), tous ces membres étant parents au 7e degré avec le Bienheureux CHAPDELAINE, missionnaire en Chine au XIXe siècle. et mort assassiné en 1856. Or une lettre récente de Mme Monique CHARBONNIERE, de La Ménitré, en Anjou, faisant état de ses recherches à St-Pierre-Langers, près de Granville, révèle que son arrière-grand-mère, épouse de Joseph POULAIN, était née Modeste Victorine DODEMAN, à Marcey-les-Grèves en 1832, fille d’Antoine DODEMAN et de Caroline COUPARD. Mme CHARBONNIERE a donc appris, grâce au tableau présenté par Yves DODEMAN, que sa généalogie s’intégrait parmi ces familles de marins issus des villages de Montviron et de Marcey-les-Grèves, du Sud-Manche. Après échange de courriers, Mme CHARBONNIERE a eu la gentillesse de nous confier des lettres en sa possession, datées du siècle dernier, de St-Pierre-et-Miquelon, écrites par l’épouse de Carolin DODEMAN, née Marguerite RAYRES, relatant la disparition en mer de son mari, lettre particulièrement émouvante dont Mme CHARBONNIERE autorise la publication ci-dessous, ainsi que celle de son fils aîné, Antoine, vingt ans après.

St-Pierre, Ile aux chiens  le 16 septembre 1874

Ma chère mère,

Je profite du départ du paquebot qui doit partir aujourd’hui, pour vous annoncer une triste nouvelle à laquelle vous prendrez part. J’ai eu le malheur de perdre mon pauvre homme, dans la nuit du 7 au 8 de septembre. Il était parti le matin, bien portant, mais une tempête épouvantable a mis fin à ses jours, ainsi que plusieurs autres qui n’ont jamais reparu. Ce qui nous assure la mort de mon pauvre homme, c’est que l’on a retrouvé sur le bord de la plage les débris de son pauvre bateau et sa chemise de laine. C’est donc malheureusement trop vrai qu’il s’est noyé. Malgré le grand malheur qui m’accable, j’aurais le cœur plus content de le faire enterrer et lui faire donner les derniers sacrements, mais non, tout cela sont des paroles inutiles puisque je n’ai pas pu lui rendre ce dernier service. Mais Dieu qui est si grand et miséricordieux, veillera sur son âme et aura pitié du pauvre marin.

Ma chère mère, quel triste jour pour moi et mes pauvres petits enfants, jour qui nous enterre le bonheur. Ces pauvres petits qui me demandent continuellement leur pauvre père, c'est jour et nuit qu’ils en parlent. Enfin, je reste donc seule pour les élever, leur donner du pain. Jugez ce que c’est que le travail d’une pauvre femme pour élever sa famille. J’ai deux enfants en ce moment, mais ils seront bientôt en nombre, car je suis enceinte pour accoucher au mois de décembre. Ce pauvre enfant n’aura jamais le bonheur d’avoir connu son pauvre père. J’espère, ma chère mère, que vous n’abandonnerez pas vos petits enfants, l’amitié que vous aviez pour leur père se rejettera sur ses enfants. Enfin quittons ce triste sujet. Prions, Oh! oui, prions pour lui, afin que Dieu ait aussi pitié de lui et de nous aussi.Je suis encore dans l’inquiétude d’avoir reçu une lettre de votre part que défunt mon pauvre homme n’a pas eu le bonheur de voir. Je l’ai reçue le 2e jour qu’il est parti. Vous le mandiez pour s’en aller en France, mais malheureusement son voyage est fait. Ce qui me met dans l’inquiétude, c’est que vous n’étiez pas en bonne santé. Ecrivez-moi, s’il vous plaît, pour me faire connaître votre état de santé. Je désire de tout cœur que vous soyez mieux. Vous n’oublierez pas de faire connaître cette triste nouvelle à toute notre famille. Je termine en vous embrassant de tout mon cœur ainsi que mes pauvres petits enfants.

C’est de la part de votre bru qui ne vous oublie pas.

Marguerite DODEMAN

Mon beau-frère Auguste ainsi que sa famille se portent très bien, ainsi que mon beau-frère Louis. Ils sont venus pour me consoler de la mort de leur pauvre frère, mais ce n’est pas facile. Il m’est inutile de vous dire de le faire recommander dans sa commune [natale] qu’il avait toujours idée de revoir. Je sais que vous ne l’oublierez pas.

Nous joignons, ci-dessous, la lettre d’Antoine DODEMAN, fils aîné de feu Carolin et de Marguerite, écrite vingt ans après la disparition de son père et adressée à l’un de ses oncles, en France.

St-Pierre le 24 novembre 1895

Mon cher oncle,

Ne recevant aucune nouvelle de vous, je m’empresse de vous écrire afin de savoir l’état de votre santé.

Je vais aussi vous parler du bien de mon défunt père, car nous ne voyons aucun argent. Je vous prie de m’écrire et de bien vouloir me renseigner à ce sujet. Ma mère va bien, ainsi que toute la famille qui vous fait bien des compliments. Je ne connais pas grand chose à vous marquer que mon mariage et celui de ma sœur. Ma femme se joint à moi pour vous souhaiter le bonjour. Je vous embrasse tous. Votre neveu, Antoine DODEMAN. St Pierre et Miquelon Ile aux chiens le 24 novembre 1895.

Que dire de plus de ces familles DODEMAN dont plusieurs descendants sont restés à St Pierre et dont nous connaissons la présence par l’intermédiaire du Minitel. Nous sommes quelques-uns uns à Granville à savoir que la vie des marins embarqués à bord des Terre-neuvas pour la pêche à la morue, pour des campagnes de six mois, avaient une vie rude et dangereuse. Parmi eux, ils furent nombreux à débarquer à St Pierre et Miquelon, et continuèrent à y vivre leur vie de marins et même à y faire souche. Que les descendants de Carolin et Marguerite sachent qu’ils ont toute notre amitié et que  nous serions heureux d’avoir de leurs nouvelles.

Nota : iconographie fournie par Guy DODEMAN : carte postale du début du siècle et clichés de la collection J.J. Chinard, de Granville (ancienne famille d’armateurs Terre-neuvas).

Bulletin n° 50 de juin 2003 - Braconnage tragique à la Lucerne : un mort, Jules DODEMAN (par Yves DODEMAN)

C'est précédé par la rumeur que, six jours après les faits, les feuilles hebdomadaires de l’Avranchin apprennent à la population, l’assassinat  par des braconniers, du garde forestier Jules DODEMAN, le 4 octobre 1903.

ASSASSINAT  D’UN  GARDE

Voici comment L’Opinion de la Manche du samedi 10 octobre, relate les faits : “Un crime comme on en voit peu dans notre “contrée, vient d’être commis dans la forêt “de La Lucerne-d’Outremer, près La Haye-”Pesnel.[...] “Dimanche dernier, Jules DODEMAN, 34 “ans, né à Avranches, garde de M. “DESFEUX, se trouvait, vers quatre heures “de l’après-midi, dans le bois de la Garenne, “en compagnie de sa femme, lorsque tout à “coup il entendit un chien aboyer. Aussitôt “il dit à sa  femme qu’il allait la rejoindre à “un endroit désigné, puis il se dirigea du “côté d’où partaient les aboiements. Dix “minutes après son départ, Mme “DODEMAN entendit un coup de fusil. “Après avoir attendu au rendez-vous fixé “par son mari, la pauvre femme, inquiète, se “mit à le rechercher, mais en vain. Elle alla “trouver les serviteurs de M. DESFEUX, “qui, avec les gendarmes, que l’on avait “avertis, explorèrent, jusqu’à près d’une “heure du matin, le bois, mais sans résultat. “Le lendemain, on reprit les recherches, “DODEMAN fut trouvé [...] au pied d’un “fossé dans un champ bordant le bois, à 500 “mètres de la ferme des Fresnes, la face “contre terre. A trois mètres se trouvait sa “casquette. Il portait à la poitrine la trace “d’un coup de feu ; une plaque que portait “DODEMAN avait été traversée. “On transporta le cadavre à La Haye-Pesnel, “où le docteur HEON procéda à l’autopsie ; “la charge de plombs avait paraît-il, fait “balle [...].

 

La ferme des Frenes (à la Lucerne d'Outremer) où l'arme du crime fut retrouvée 17 ans après le drame

La ferme des Frenes (à la Lucerne d'Outremer) où l'arme du crime fut retrouvée 17 ans après le drame

LES  COUPABLES  SONT  DESIGNES

Le Nouvelliste du même samedi 10 octobre, nous apprend que Jules DODEMAN était  bien connu des lecteurs et abonnés du  Nouvelliste, journal qu’il a colporté pendant de nombreuses années.

Le journaliste poursuit : “A la suite d’une enquête, très habilement menée par M. de la BROISE, juge d’instruction, de concert avec M. CHARVET, procureur de la République, deux arrestations ont été opérées, et maintenues, celles de Prosper DURAND 32 ans, journalier à St-Oursin et Pierre VESVAL 61 ans, journalier à Mesnildrey.Ces deux individus, braconniers invétérés et plusieurs fois condamnés, interrogés sur l’emploi de leur temps, ont donné des renseignements reconnus faux. Depuis, ils ont perdu de leur assurance et se refusent à répondre lorsque le Juge d’instruction leur demande ce qu’ils ont fait et où ils ont été dans l’après-midi de dimanche ». La semaine suivante, Le Nouvelliste, dans son édition du samedi 24 octobre nous apprend que :“Les deux assassins présumés, DURAND et son beau-père, VESVAL, sont toujours sous les verrous ».

Le journaliste ajoute que “dans la conviction des personnes qui connaissent les accusés, DURAND seul est coupable, et qu’un autre fait grave a été relevé contre lui  Il y a quelque temps DURAND disait au garde-champêtre de La Haye-Pesnel qu’il tuerait DODEMAN d’un coup de fusil. - Mais malheureux, lui dit le garde-champêtre, vous vous feriez raccourcir- Baste, répondit DURAND, jamais je ne souffrirai ce que j’ai enduré aux bataillons d’Afrique, où j’ai passé au silo et à la crapaudine".

Dans l’édition suivante, celle du 31 octobre, HAMARD, le garde-champêtre de La Haye-Pesnel, fait rectifier l’article : “DURAND ne m’a pas parlé de DODEMAN, mais m’a bien dit : Si un garde vient m’ennuyer [...]”.

AFFAIRE  CLASSEE  SANS  SUITE

Le 22 octobre, VESVAL est libéré. Le 19 décembre 1903, Le Nouvelliste nous informe que DURAND “a été remis en liberté, faute de preuve convaincante de sa culpabilité”.

Ainsi, cette affaire malgré les qualités de M. de la BROISE vantées par Le Nouvelliste, ne fut jamais élucidée. La loi du silence avait triomphé de la justice.

80  ANS  APRES

Cependant, 80 ans plus tard, les langues se sont déliées et M. Bernard CLERAUX, érudit bien connu de La Lucerne-d’Outremer et de l’Avranchin, a pu mettre un point final à cette sombre affaire. C’est ce qu’il explique dans son ouvrage La Lucerne d’Outremer à travers les siècles (p.287 et 288), aujourd’hui épuisé, mais qui se trouve à la Bibliothèque d’Avranches sous la référence F.L.A 21137. Après enquête auprès des anciens du pays, il apparaît que l’auteur du meurtre serait un certain GANDON, journalier à la ferme des Fresnes et braconnier professionnel qui, pris en flagrant délit par Jules DODEMAN, fit usage de son arme plutôt que de subir la rigueur des tribunaux. Il était accompagné de Gustave Néel, de La Lucerne, et de l’instituteur de La Rochelle. La piste GANDON avait été abandonnée par les gendarmes car sa mère lui avait fourni un alibi en déclarant qu’il se trouvait chez elle à St-Léger, à l’heure du crime. Quelque temps plus tard, GANDON partit définitivement pour la capitale et on n’entendit plus parler de lui. En 1920, l’arme du crime fut retrouvée par les fermiers de l’époque, enterrée derrière les bâtiments de la ferme des Fresnes.

LA  STELE  COMMEMORATIVE

Une stèle a été élevée à l’emplacement du drame, mais le temps ayant fait son œuvre, il ne reste plus que la pierre de granit solidement fichée en terre et surmontée d’un petit moignon de croix, en fonte. De la plaque ovale portant le nom de Jules DODEMAN, il ne subsiste que l’empreinte. L’accès à ce monument devenu anonyme,  est difficile. Bernard CLERAUX m’y avait très aimablement conduit, quand j’ai fait sa connaissance, en 1975. J’y suis retourné, il y a peu. Voici le détail du parcours. De la Lucerne-d’Outremer, prendre la direction du Mesnil-Drey. Après avoir parcouru un peu plus d’un kilomètre, vous trouvez sur la gauche le chemin du village des Fresnes (inhabité). Vous pouvez vous y engager pour découvrir, à 100 m. une vue générale sur le site de l’assassinat. Vous êtes dans la vallée du Thar, dominée par St-Ursin et le clocher de son église. Au-delà du pré, en lisière de forêt, vous pourrez distinguer (avec des jumelles) la stèle de granit. Vous revenez à la route du Mesnil-Drey que vous continuez encore quelques centaines de mètres jusqu’à la  forêt. A gauche s’ouvre un chemin forestier bien tracé qui suit la lisière. Au moment où il bifurque pour entrer en pleine forêt vous êtes à environ 200 mètres de la stèle. Vous devez continuer le long de la lisière, soit côté forêt, à travers les ronces, soit côté herbage après vous être coulé sous la clôture électrifiée et avoir affronté les taurillons.

QUI  ETAIT  JULES  DODEMAN ?

Jules DODEMAN, né le 23 avril 1869 à Avranches, avait épousé Augustine Amélie COUSIN, couturière, avec qui il vivait à La Haye-Pesnel, au moment de son décès. Les parents de Jules s’étaient mariés en 1868 à Avranches ; sa mère, Marie LEPELTIER, était originaire de Vergoncey et son père, Alexandre DODEMAN, tourneur en chaises, était né à Marcey. Le grand-père Louis DODEMAN, charpentier était, comme ses ancêtres, natif de Brécey.

Bulletin n° 50 de juin 2003 - Pierre DODEMANT et Pierre Dodemand, miliciens au XVIIIe siècle (par Yves DODEMAN)

On croit souvent que la conscription date de la Révolution. Or, dès le 17e siècle, certains de nos ancêtres furent assujettis à un service militaire, dans un corps appelé la Milice.

La Milice

C'est en 1688 que Louis XIV crée la Milice Royale afin d'accroître les effectifs militaires nécessaires pour soutenir sa politique extérieure. En temps de paix, les miliciens sont astreints à des exercices annuels d'une ou deux semaines. Mais en temps de guerre, ils forment des troupes auxiliaires et constituent une réserve pour le recrutement de l'armée d'active, à tel point que pendant la Guerre de Sept Ans (1756-1763), ils représentent le tiers des effectifs engagés par la France, soit 60 000 hommes. Le recrutement se fait par tirage au sort dans les paroisses rurales, parmi les célibataires et veufs sans enfant de 18 à 40 ans, dont la taille dépasse 5 pieds (1m 62). La durée du service d'abord de 4 ans, passe à 6 ans en 1736.

Les Milices garde-côte

Dans les paroisses de la zone côtière, sont levés en outre, des miliciens garde-côte chargés de la surveillance et de la défense du littoral. En 1788, ils prennent le nom de canonniers garde-côte. En 1779, il est décidé -afin de développer notre marine- que le tiers du produit du tirage au sort des canonniers garde-côte irait grossir les rangs des matelots. Cependant, les intendants se sont vite aperçu que, pour éviter d'être marin, les habitants quittaient les paroisses de la zone côtière pour s'installer plus à l'intérieur des terres. Aussi cette disposition fut-elle supprimée dès 1781, ce qui n'empêcha pas cependant le Ministre de la Marine de la rétablir en 1787. Les paroisses de la zone côtière sont donc ainsi très défavorisées. Selon un rapport de l'époque (A.D. à Caen, Réf. C1860), un homme sur quatre est astreint au service, contre un homme sur sept dans les paroisses de l'intérieur.

les paroisses et la zone côtière

Un rapport intitulé "Etat de la situation des canonniers garde cotes" daté de 1788, nous indique deux divisions pour le sud de la Normandie:   * La division de Granville qui comprend les paroisses jusques et y compris une ligne passant par Folligny, Hocquigny, La Haye Pesnel, Le Grippon...   * La division d'Avranches qui étend son territoire jusqu'à Ste Pience, Plomb, Tirepied, La Godefroy, St Loup... C'est dire que la zone côtière peut couvrir des paroisses situées à près de 15 km de la côte.

 

Enrôlement des miliciens au XVIIIe s.. A gauche, la jeune recrue est toisée

Enrôlement des miliciens au XVIIIe s.. A gauche, la jeune recrue est toisée

Pierre DODEMANT et Pierre Dodemand

Le contrôle, pour l'année 1761 (A.D. à Caen, Réf. C1881), de la compagnie du sieur Prepetit, incorporée au bataillon de milice de Vire, nous révèle l'existence de Pierre DODEMANT et de Pierre Dodemand, tels les Dupond et Dupont des aventures de Tintin. Le premier, Pierre DODEMANT, dit Lamarche, natif de ND de Cenilly, ayant le grade de fusilier, fut présent au corps, de novembre 1761 à octobre 1762 (A.D. à Caen, Réf. C1881). Le second nous intéresse beaucoup plus car il est parent de près d'une trentaine de nos adhérents.

Pierre Dodeman(d), des Cresnays

Le contrôle de la même compagnie pour 1762 (A.D. à Caen Réf. C 1882), nous précise : Pierre Dodemand dit Passepartout, fus(ili)er de notre dame de crénet en normandie jur(idic)tion d'Avranches, fils de pierre et de Catherine de Braize, âgé de 19 ans, et s’ensuit la description physique : taille 5 p(ieds) 2p(ou)ces, cheveux châtains bruns, sourcils et barbe de même, les yeux gris, le visage mince et pâle, marqué de petite vérolle(sic), le née(sic) pointu. Pierre Dodemand est entré au bataillon, au mois de novembre 1758. Guy Benjamin DODEMAN nous a transmis des renseignements complémentaires sur ce milicien. Il est né le 24 avril 1741 au village de La Chèvrerie à ND des Cresnays où il est décédé le 8 juillet 1807. Il avait épousé successivement Anne Poisnel, Catherine Bréhier et Jeanne Guesdon. Un de ses frères, Jean DODEMAN (1747-1818) qui épousa Marie Lebrun, est à l'origine des branches de Jacques DODEMAN (de Paris), de Mme J.L. Leclerc (de Villons-les-Buissons), et de Mme Thomelin (de Granville). Un autre de ses frères, Pierre-Michel (°1756), qui épousa Louise Boursin puis Perrine Huet, est l'ancêtre des adhérents de l'Association suivants : Guy Benjamin (N°4), Pierre(N°12), Jean-Claude(N°13), André(N°24), Roger (N°25), Didier (N°26), Pascal (N°27), Murielle Chastang (N°28), Fabrice (N°29), Laurence Fleury(N°30), Norbert (N°31), Maria (N°34), Renée Auré(N°35), René (N°36), Maryvonne Pihan(N°37), Georges (N°38), Colette Thieulent,(N°76), Claude (N°87), 

La Sée et l'église St-Pierre, au cœur du bourg des Cresnays ( collection Georges DODEMAN)

La Sée et l'église St-Pierre, au cœur du bourg des Cresnays ( collection Georges DODEMAN)

Bulletin n° 50 juin 2003 - François DODEMAN, un homme obstiné

Au cours de recherches aux archives de l’armée de terre à Vincennes, nous avons découvert, sous la cote 3YG, le dossier N°295 établi au nom de François DODEMAN, chirurgien sous-aide major. C’est le fils de Henry Louis Victor (1756-1817) et de Claudine CORNIBERT, et le petit-fils de Henry (1726-1790) maître chirurgien à Bruyères (Aisne). Nous avons étudié cette famille d’officiers dans le Bulletin N°25 de février 1997, mais à l’époque, ce François DODEMAN nous était inconnu.

 

Le Maréchal DAVOUT, gravure de Maulet, publiée par Furne

Le Maréchal DAVOUT, gravure de Maulet, publiée par Furne

Une carrière de chirurgien aux armées

François DODEMAN est né le 9 mars 1792 à Vesoul où son père était avoué. Peut-être influencé par l’exemple de son grand-père, il suit les cours d’un chirurgien en chef des armées impériales sur les connaissances élémentaires de l’art de guérir, entre 1808 et 1811. Son professeur certifie qu’il a toujours été exact, laborieux et d’une bonne conduite. A l’issue de ses études, il a 19 ans et intègre l’armée impériale. Il est nommé chirurgien sous aide-major au 30e régiment de ligne, le 21 juillet 1811, et se rend le 2 août à Mayence où son régiment est caserné. Il participe à la campagne de Russie en 1812, et -dans le 13e Corps d’Armée- aux campagnes d’Allemagne (1813) et de France (1814), qui se termine comme on le sait, par l’abdication de l’Empereur, le 6 avril 1814. L’armée est alors réorganisée, et le 5 août, François DODEMAN est porté sur le tableau des officiers appelés à concourir par ancienneté de grade à la formation du 3e régiment d’infanterie de ligne. N’ayant pas été reçu, il est admis, le 14 août 1814, à jouir dans ses foyers d’un traitement de demi-solde.

Premières réclamations sous Louis XVIII:

En réalité, comme il n’a pas les dix ans d’ancienneté requis, il ne touche rien. Dépîté, il écrit en avril 1815, pour se plaindre au Maréchal DAVOUT, Prince d’Eckmühl. Il fait valoir qu’il est pour ainsi dire dans le plus grand besoin, ajoutant : ”lorsque j’étais sous vos ordres à Hambourg, j’avois été nommé par vous chirurgien aide-major au 29e de ligne, et le Roi n’a pas daigné me confirmer dans ce grade...”.

Ces réclamations vont durer au moins 45 ans. Quelques lettres figurant au dossier nous permettent d’en suivre le déroulement. Le 18 juin 1819, le ministre de la guerre l’informe que “...le conseil de santé ne vous ayant point reconnu l’aptitude nécessaire pour ce grade [chirurgien aide-major], je regrette de ne pouvoir donner aucune suite...” François  s’insurge et demande certainement des explications car le ministre lui précise le 13 mars 1820 : “...c’est sur une composition par écrit que vous avez faite, que ce conseil a établi son opinion sur le degré de votre connaissance chirurgicale”.

Réclamations sous Charles X :

Le Roi Louis XVIII meurt en 1824, son frère, le Comte d’Artois lui succède sous le nom de Charles X. François DODEMAN se souvient alors bien à propos que son père a accueilli ce prince à Vesoul, en février 1814, alors qu’il rentrait en France à la suite des armées coalisées, après 22 ans d’exil. François DODEMAN fait alors signer, le 8 décembre 1824, par 56 notables de Vesoul, un certificat qui, selon lui, doit lui valoir la reconnaissance du nouveau Roi (Vous en trouverez de larges extraits en annexe). Le 18 janvier 1826, il écrit au Roi pour lui rappeler “la conduite de son père, le noble dévouement qu’il s’est empressé de témoigner à votre auguste personne lors de votre arrivée à Vesoul..” et termine sa lettre en sollicitant “une modique pension... ou la décoration de la légion d’honneur”. Le ministre répond d’un ton assez sec à François DODEMAN qu’il est loin de réunir les 25 ans d’activité pour pouvoir prétendre à cette distinction. François DODEMAN ne se résigne pas pour autant. Commis des postes à Bar-le-Duc (Meuse), il réussit à se faire présenter au Roi le 11 novembre 1828. Il s’empresse de le lui rappeler par lettre du 2 janvier 1829, en réclamant à nouveau, emploi et décoration. Faisons un bon de 10 ans. Nous sommes sous le règne du Roi Louis-Philippe, le drapeau tricolore flotte à nouveau sur les édifices publics et le souvenir du grand Empereur n’est plus séditieux. Bientôt le Prince de Joinville va s’embarquer pour aller chercher ses cendres à Ste-Hélène. L’habile et obstiné François DODEMAN écrit de nouveau au ministre de la guerre, mais cette fois, en rappelant qu’il a repris du service pendant les Cent-Jours, ce qui laisse supposer son attachement à l’Empereur. Las! A sa lettre du 17 juillet 1839, le ministre répond le mois suivant par un nouveau refus. 

3  les familles DODEMAN au fil du temps jusqu'au bulletin n° 50

Et encore sous Napoléon III :

Les régimes changent, François DODEMAN reste égal à lui-même dans ses revendications. Le Prince Louis-Napoléon Bonaparte vient d’être élu président de la République. Il ne peut que rendre justice à un ancien soldat de son oncle. François écrit donc en 1851 au nouveau ministre de la guerre pour lui rappeler l’épisode des Cent-Jours, joignant à sa nième requête une lettre du lieutenant-général baron MARULAZ certifiant qu’il avait été employé comme chirurgien au 1er bataillon de la Garde nationale de la Haute-Saône en 1815. Le Prince-président est devenu Empereur sous le nom de Napoléon III depuis 8 ans déjà. François DODEMAN, retraité des postes à Belley (Ain) continue son combat comme l’attestent les deux lettres adressées au ministre de la guerre les 5 octobre et 12 novembre 1860. Ce sont les dernières du dossier. François a 68 ans. Dans l’ultime lettre, il ne réclame plus ni pension, ni décoration, mais simplement la reconnaissance de son titre, “...il vient de nouveau réclamer de votre bienveillance accoutumée à ce qu’il vous plaise vouloir bien ordonner que les deux mots Aide-Major soit[sic] ajoutés après celui de Chirurgien et sera justice.” Votre bienveillance accoutumée! Cela fait 45 ans que les différents ministres la refusent, leur bienveillance. Il ne demande pourtant plus que deux petits mots. C’est pathétique. Mais cet attachement irréductible à ce qu’il considère comme son droit, a aussi quelque chose d’admirable. C’est très normand, je dirai même très DODEMAN. Je crains que notre malheureux “cousin” ne soit mort sans avoir obtenu satisfaction!

L'Empereur Napoléon III, photographié par Nadar ( Archives photographiques)

L'Empereur Napoléon III, photographié par Nadar ( Archives photographiques)

Annexe                                                     

Attestation des habitants de Vesoul

Les habitans soussignés de la ville de Vesoul certifient qu’il est à leur connaissance que feu le sieur henri louis victor DODEMAN en son vivant avoué licencié es droit près le tribunal civil de l’arrondissement de vesoul eut l’inapréciable avantage de se trouver à l’entrée de la ville dans la mémorable journée du vingt et un février mil huit cent quatorze et d’y être au nombre des vésuliens qui ont eu le bonheur de saluer les premiers S.A.R. monsieur, aujourd’hui Charles X, au moment où S.A.R. arriva à Vesoul, à son retour en france ; que cet auguste prince ayant daigné leur adresser la parole, le sieur DODEMAN prit la liberté d’assurer à S.A.R. que si elle daignait descendre la ville à pied elle pourrait juger des sentimens qui animaient les vésuliens pour lui et son auguste famille, et que ce prince ayant agréé sa proposition avec cette bonté qui le caractérise si éminemment, le dit sieur DODEMAN eut l’honneur de former son cortège aux acclamations des habitans, depuis l’entrée de la ville jusqu’à l’hôtel de la magdelaine où ce prince devait descendre[...].

Ce certificat établi le 22 novembre 1824, à la demande de François DODEMAN, est signé de plusieurs notabilités de Vesoul, dont le président du tribunal, des juges, des membres du conseil général ou du conseil municipal, un député, des avoués, des avocats, des fonctionnaires de préfecture etc... D’autres personnages ajoutent des commentaires : J’atteste le contenu au présent, et en outre qu’il est à ma connaissance que c’est l'entousiasme de feu Me DODEMAN père qui a donné l’élan à la ville de vesoul, écrit un ancien officier, membre du conseil municipal, tandis qu’un greffier de justice atteste qu'il avait l’avantage de se trouver à l’hôtel de la poste aux chevaux lorsque Me DODEMAN a eu l’honneur d’adresser le premier la parole au prince et de le supplier de descendre la ville à pied.

Un certain Beaupoil, chevalier de la légion d’honneur renchérit : j’ai vu Me DODEMAN accompagner en tête monseigneur le comte d’Artois, alors, se tenant par le bras (Me DODEMAN le chapeau à la main) suivis de nombre de bourgeois [...].

Le roi Charles X peint par Gros (collection de la Comtesse de la Béraudière)

Le roi Charles X peint par Gros (collection de la Comtesse de la Béraudière)

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